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Libération
L'édito de Paul Quinio

Cinq ans après, la France des gilets jaunes est encore là

Si les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, la contestation de la réforme des retraites et le score historique de l’extrême droite aux élections ont pu faire passer le mouvement de contestation au second plan, ses revendications restent d’actualité.
Le 1er décembre 2018 avenue de Friedland, à Paris, lors de l'acte III des gilets jaunes. (Boby/Libération)
publié le 16 novembre 2023 à 20h55
(mis à jour le 17 novembre 2023 à 8h30)

C’était il y a cinq ans. Cinq ans que la France a été secouée par un mouvement de contestation protéiforme symbolisé par ces fameux gilets jaunes. Depuis ? Une crise sanitaire mondiale inédite dont les conséquences hexagonales sont tout sauf derrière nous. Une guerre aux portes de l’Europe, toujours en cours, et qui, au-delà du déséquilibre mondial qu’elle a engendré et de l’angoisse naturelle qu’elle suscitait, a pesé et pèse encore, en matière de coût de l’énergie, de prix des matières premières et des produits alimentaires sur les Français. Et d’abord les plus modestes. Une élection présidentielle remportée par le sortant Emmanuel Macron, pourtant tête de turc numéro 1 des ronds-points occupés. Mais aussi des législatives qui ont vu l’extrême droite s’installer encore plus confortablement dans le paysage politique français. Une très longue crise sociale autour de la réforme des retraites. Et maintenant une autre guerre, au Proche-Orient, qui dans un autre registre que celle en Ukraine fait vaciller certains équilibres fragiles de la société française.

Il s’est donc passé beaucoup de choses depuis ce fameux mouvement des gilets jaunes. Il s’en est passé tellement qu’il serait tentant de se laisser aller à penser que cette crise, car ce fut une crise, que cette secousse violente, car elle fut violente, est derrière nous. Il n’en est rien. Cinq ans après, la France des gilets jaunes continue de survivre, naviguant comme elle peut entre les problèmes de pouvoir d’achat, le sentiment d’abandon et la défiance démocratique. Beaucoup a été fait pour contenir l’inflation et tenter d’amortir la crise sociale. «Beaucoup» ne signifie pas «suffisamment» pour les Français les plus pauvres, notamment en matière de lutte contre l’inflation alimentaire. Il faut sans doute donner un peu de temps au temps pour mesurer l’impact de certaines décisions prises sur le sentiment d’abandon de cette France «périphérique». Mais ce sentiment, c’est sûr, est toujours bien présent. Quant à la question du renouveau démocratique, elle est restée en jachère. C’est peut-être la plus complexe. Certainement celle où les pseudo-tentatives d’Emmanuel Macron de s’y atteler sont de cuisants échecs. Et tout porte à croire que le prix politique à payer est, lui, devant nous.