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Risques

Comment le fonctionnement des plateformes met en danger la santé des livreurs de repas

Dans un avis publié ce mercredi 26 mars, l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) dresse la liste des risques qui pèsent sur ces travailleurs isolés et précaires : chutes, épuisement… La faute notamment à un management algorithmique et déshumanisé.
Un livreur de plats à emporter circule à vélo à Paris le 13 mars 2024. (Guillaume Baptiste/AFP)
publié le 26 mars 2025 à 10h47

Isolement, absence de politique de prévention, management algorithmique… Les livreurs de repas à domicile des plateformes voient leur santé mise en danger à court et long terme, estime l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans un avis publié ce mercredi 26 mars. Réalisée à la demande de la CGT, qui a saisi l’agence il y a quatre ans, l’étude est d’une ampleur inédite sur cette population estimée à 71 000 travailleurs officiellement indépendants, dont les conditions de travail ont déjà été abondamment décrites entre autres par Libération.

L’essor des services de livraison à domicile, principalement représentés en France par Uber Eats ou Deliveroo, est clairement pointé du doigt, en raison même de leur fonctionnement. Ce dernier «consiste à recourir à une intelligence artificielle pour attribuer des tâches aux travailleurs, dans le but d’optimiser le rendement économique de la plateforme», rappelle l’Anses, soulignant que «ce système de management fonctionne sans interaction humaine directe, éliminant ainsi toute possibilité de discussion entre le travailleur et la plateforme».

A quoi s’ajoutent des processus automatisés «tels que l’évaluation des prestations par les consommateurs, les évolutions des modalités de rémunération, les règles d’attribution des courses ou encore les sanctions infligées aux livreurs», qui «génèrent une organisation du travail à risque pour leur santé». Or, en raison de leur statut non-salarié, de revenus instables et souvent faibles, et de leur isolement social, «ces travailleurs ne bénéficient ni d’une politique de prévention des risques adéquate, ni d’une protection sociale suffisante».

Risques permanents

Ce risque se déploie sur toutes les temporalités de leur vie. A court terme, en raison d’accidents de la route ou de chutes notamment ; à moyen terme, par des atteintes à la santé mentale (stress, fatigue, épuisement) «liées à la pression constante des notifications, à l’isolement et à l’absence de relations professionnelles stables» ; et à long terme, par des «troubles du sommeil, maladies métaboliques, respiratoires ou cardio-vasculaires liés à l’activité exercée en horaires atypiques et à l’environnement de travail (pollution urbaine, bruit, etc.)». Ce qui conduit l’Anses à recommander que s’appliquent à eux les «dispositions du Code du travail garantissant une protection de leur santé et de leur sécurité équivalente à celle des salariés». Elle demande par ailleurs que son expertise soit prise en compte lorsque sera transposée dans le droit national la directive européenne de 2024 relative aux travailleurs de plateformes.

Adoptée contre l’avis du gouvernement français de l’époque, cette directive instaure une «présomption de relation de travail […] dès que des faits indiquent la présence d’un contrôle et d’une direction», et de nouvelles règles qui «garantissent qu’une personne effectuant un travail via une plateforme ne peut pas être licenciée ou renvoyée sur la base d’une décision prise par un algorithme ou un système de prise de décision automatisé», explique le Parlement européen sur son site internet. Sans attendre, la CGT demande dans un communiqué de «mettre en place une présomption légale de salariat», de «mettre un terme à l’Autorité des Relations sociales des Plateformes d’Emploi (l’ARPE), pseudo-instance de négociation entre travailleur·euses et plateformes» pour donner davantage de poids aux syndicats, et de régulariser massivement les nombreux sans-papiers qui font tourner ce système.