Une étude pour éclairer un débat récurrent, ravivé ce printemps par le gouvernement en quête d’économies. L’Insee publie ce mercredi 17 juillet une note portant sur les effets du «jour de carence» dans l’éducation nationale – ce jour de carence étant, pour rappel, le délai d’une journée durant lequel l’agent en arrêt maladie n’est ni rémunéré par son employeur, ni indemnisé par la Sécurité sociale.
La population est intéressante à observer à deux titres. D’abord car ses agents représentent 16 % du secteur public, soit un échantillon considérable. Ensuite car les règles d’indemnisation des arrêts maladie dans la fonction publique ont changé à trois reprises depuis 2012, ce qui constitue, relève Mélina Hillion, l’autrice de la note, une série d’«expériences naturelles» propices à l’étude scientifique. En effet, le jour de carence a d’abord été introduit en 2012 (par la majorité de droite), puis supprimé en 2014 (par la majorité socialiste), et enfin réintroduit en 2018 (par la majorité macroniste).
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Au-delà des économies budgétaires attendues, une idée sous-tend ce jour de carence, ainsi que les propositions visant à allonger encore le délai (à l’image de celle adoptée par le Sénat fin 2023 pour le faire passer à trois jours) : que les travailleurs en arrêt maladie de courte durée abuseraient du système de protection sociale grâce à des «arrêts de complaisance» délivrés par des médecins peu scrupuleux.
Effet de cascade
A première vue, la mesure semble efficace : dans l’éducation nationale, entre 2006 et 2019, l’Insee a relevé une baisse de 23 % de la fréquence des absences pour «congé maladie ordinaire» (autrement dit : sans gravité apparente) dans les périodes où le jour de carence était effectif. L’effet est particulièrement visible sur les arrêts d’une journée, réduits quasiment de moitié (-44 %), tandis que les arrêts de deux ou trois jours ont baissé d’environ un quart. Le nombre total de jours d’absence, lui, a reculé de 5 %. Seulement, tempère l’étude, cette évolution «ne traduit pas nécessairement une réduction des absences qui seraient injustifiées. En effet, l’introduction du jour de carence peut encourager les personnes malades à travailler». Ce qui peut, par effet de cascade, aggraver les symptômes des personnes concernées et favoriser la propagation de maladies, et donc faire augmenter le nombre d’arrêts.
L’Insee relève par ailleurs que l’introduction du jour de carence n’a pas les mêmes conséquences sur toutes les populations. Ainsi, «les femmes sont plus souvent et plus longtemps absentes pour raison de santé», tout comme les agents «qui exercent dans un établissement d’éducation prioritaire». Et si le jour de carence tend à faire baisser leurs absences davantage que chez les autres, «ces populations continuent de présenter un nombre d’épisodes d’absence pour maladie ordinaire plus élevé que les autres catégories de la population, et sont donc davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence». Ce qui suggère qu’elles souffrent de «disparités d’état de santé ou d’exposition à des risques professionnels qui subsistent en présence du jour de carence». Des enjeux bien plus vastes et cruciaux que les supposés «abus» ciblés par les gouvernements.