Pas de révolution dans le paysage syndical français. Au terme de quatre années marquées notamment par une mobilisation sans précédent contre la réforme des retraites, la CFDT conserve sa place de premier syndicat de France, devant – dans cet ordre – la CGT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, l’Unsa et Solidaires, selon les résultats de l’audience syndicale publiés ce mardi 8 avril par le ministère du Travail. Ce classement résulte des scores obtenus par les organisations de salariés à l’occasion de trois moments électoraux : les élections professionnelles dans les entreprises d’au moins onze salariés qui se sont tenues entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2024, les élections TPE (très petites entreprises) de l’automne 2024, et les élections aux chambres départementales qui ont eu lieu en début d’année. C’est la quatrième fois que l’audience syndicale est calculée de cette manière depuis une réforme de la représentativité syndicale mise en œuvre en 2008.
Fait notable : la participation globale est encore en baisse avec un total de 5,1 millions de suffrages exprimés, soit 36,5 %, presque deux points de moins par rapport à l’édition précédente. «La quasi-totalité des organisations syndicales perdent des voix sur ce cycle», relève la CGT, qui l’explique entre autres par «l’augmentation des déserts syndicaux» et met en cause les réformes des dernières années sur la mise en place des conseils sociaux et économiques (CSE). Elle appelle par ailleurs le gouvernement à lancer «une concertation pour faire le bilan de ce nouveau mode de mesure instauré en 2013», les élections dans les TPE souffrant d’une abstention de 96 %. Un motif de satisfaction : les élections dans les entreprises de plus de 11 salariés ont davantage mobilisé. Leur participation progresse de 1,3 point, et atteint presque 59 %. «Cette expression démocratique est un signal positif dans une période où la confiance dans les institutions est trop souvent malmenée», commente la CFDT.
Analyse
C’est la troisième fois d’affilée que la CFDT, qui a doublé la CGT en 2018, occupe le haut du classement. La centrale adepte du compromis réduit très légèrement son avance avec 26,58 % des suffrages, contre 26,77 % en 2021. Après avoir changé de visage avec l’arrivée de Sophie Binet à sa tête en 2023, la CGT, de son côté, poursuit sa baisse en recueillant 22,21 % des voix, soit 0,75 point de moins qu’en 2021. La faute, explique la confédération dans un communiqué, à des évolutions structurelles telles que l’augmentation du nombre de cadres et de professions intermédiaires, l’externalisation et la progression de la précarité, et «la baisse du nombre d’emplois dans l’industrie et son augmentation dans le tertiaire, secteur dans lequel la CGT est moins implantée historiquement». Autant de sujets qui seront abordés lors de son congrès de 2026. La CGT signale être tout de même en tête «chez les 5,3 millions de salarié·es des entreprises de moins de 11 salarié·es ainsi que chez les 5,7 millions d’agent·es de la fonction publique».
Solidaires numéro 1 chez les employés de cinéma
La CFE-CGC, qui avait réalisé une progression notable lors de la dernière vague, gratte encore des voix avec 12,95 % des suffrages (contre 11,9 %), et relève avoir encore progressé dans son champ statutaire, l’encadrement, «avec 21,75 % des suffrages» (contre 20,7 % en 2021).
Etant les seules à recueillir plus de 8 % des suffrages exprimés, la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC restent les cinq organisations considérées comme représentatives au niveau national et interprofessionnel, ce qui leur donne le droit de négocier des accords nationaux, de siéger au sein d’organismes paritaires et de participer aux concertations lancées par le gouvernement. Parmi les autres syndicats, l’Unsa (6,45 %) comme Solidaires (3,68 %) progressent un peu. Solidaires relève qu’elle «devient la première organisation chez les employés des cinémas et conserve la première place chez les journalistes, les centres d’initiatives en milieu rural et les organismes de la confédération paysanne».
Un mode de calcul «erroné»
Du côté des organisations patronales, dont le poids est mesuré par les adhésions d’entreprises (soit en nombre d’entreprises, soit en nombre de salariés concernés), les grands équilibres demeurent également. Le Medef, dont les 149 000 entreprises adhérentes représentent 63 % des salariés, reste la première force devant la CPME (243 700 entreprises, 32 % des salariés) et l’U2P (221 800 entreprises, 4,5 % des salariés). Cette dernière, qui représente essentiellement des artisans et des commerçants, estime le mode de calcul «erroné», car il «minimise le nombre d’entreprises adhérentes par rapport au nombre de salariés de ces entreprises» : «En dépit du fait que l’U2P fédère 36 % des entreprises adhérentes, son influence et sa capacité à s’opposer à des accords collectifs demeureront totalement sous-évaluées.» L’organisation patronale écrit qu’elle examinera des voies de recours pour contester la validité des résultats. La CPME, qui estime aussi le mode de calcul faussé, se revendique quant à elle rien moins que «première organisation patronale de France».