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Travail

Emploi des seniors : l’Assemblée entérine la création d’un contrat spécifique pour les plus de 60 ans

Les députés ont approuvé jeudi 3 juillet des mesures visant à faciliter l’embauche des plus de 60 ans, notamment la création d’un «CDI senior».
La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, à Paris le 25 novembre 2024. (Cha Gonzalez/Cha Gonzalez)
publié le 4 juillet 2025 à 12h25

Il s’agissait de transposer dans la loi des accords trouvés l’an dernier entre syndicats et patronat. Les députés ont approuvé en première lecture, jeudi 3 juillet, à 57 voix contre 9, des mesures visant à gonfler l’emploi des «seniors». Un angle mort de la réforme des retraites de 2023 qui reporte à 64 ans l’âge légal de départ en retraite, fustigeaient les syndicats.

L’emploi des salariés les plus expérimentés en France «est l’un de nos points faibles», a reconnu la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, en ouverture des débats, rappelant un taux d’emploi des plus de 60 ans de 38 %, contre 61 % en Allemagne et 70 % en Suède. Ce sous-emploi constitue «une injustice, un gâchis humain et un gâchis économique que nous ne pouvons plus accepter ou permettre», a déclaré la ministre.

A la tribune, les députés de gauche, mais aussi du Rassemblement national, n’ont pas manqué de rappeler «le passage en force» de la réforme des retraites de 2023, selon les mots de la députée Sophie Taillé-Polian (groupe écologiste et social). L’élue a fustigé la «politique contradictoire du gouvernement» consistant à reculer «l’âge de départ à la retraite» à 64 ans «sans pour autant» s’être «préoccupé vraiment de la précarité des seniors en situation d’exclusion sur le marché du travail».

Parmi les députés présents dans l’Assemblée clairsemée, seule La France insoumise a rejeté le texte. Le reste de la gauche a majoritairement voté pour, avec quelques abstentions. Le RN a également voté pour. L’accord national de novembre avait été validé par quatre syndicats (la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC), seule la CGT s’y opposant.

Le CDI senior

Le projet de loi, déjà adopté au Sénat, prévoit notamment la création d’un CDI senior baptisé «contrat de valorisation de l’expérience» (CVE), à titre expérimental les cinq prochaines années suivant la promulgation de la loi.

Il s’agissait de la principale marotte patronale dans les négociations. Le principe est le suivant : si une entreprise embauche un demandeur d’emploi de plus de 60 ans (ou 57 ans en cas d’accord de branche), elle peut lui demander de transmettre un document de l’assurance retraite «mentionnant la date prévisionnelle d’obtention» du taux plein. Ce qui permettra à cette même entreprise, la date venue, de mettre le salarié à la retraite d’office, ce qu’elle ne peut actuellement faire que lorsque le salarié atteint l’âge de 70 ans.

Une mesure qui ne plaisait pas vraiment aux élus de gauche. Le député communiste Nicolas Sansu a dénoncé derrière ce «contrat boomer» une «vieille lune du patronat et de la droite, qui affaiblit le CDI». La députée insoumise Ségolène Amiot a quant à elle estimé que ce contrat était du «social washing» cachant un «nouveau cadeau au patronat, une nouvelle exonération de cotisations». «Vous allez juste enfermer des seniors dans des contrats précaires», a ajouté son collègue Louis Boyard. Socialistes et écologistes ont également pointé les limites du texte et ses usages potentiellement problématiques. «Ok on t’embauche, mais à la date où tu as le taux plein il faut que tu partes, ce qui peut ainsi empêcher d’accéder à d’éventuelles surcotes», a notamment questionné l’élue écolo Sophie Taillé-Polian.

Les autres mesures

Côté syndicats, la principale avancée était à chercher du côté de la retraite progressive, un dispositif actuellement sous-exploité – à peine 27 000 personnes en bénéficiaient fin 2023. Le projet de loi prévoit de renforcer les obligations d’un employeur de justifier un refus de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive.

Les députés ont aussi voté pour rendre obligatoire une négociation au moins tous les quatre ans, autour de l’emploi et du travail «des salariés expérimentés», à la fois au sein des branches professionnelles et pour les entreprises de plus de 300 salariés.

Le projet de loi prévoit également l’entrée en vigueur d’une petite évolution dans l’assurance chômage : les primo-accédants devront avoir travaillé cinq mois, au lieu de six, pour pouvoir avoir droit à leur allocation chômage. Cette avancée syndicale avait été entérinée dans un accord sur l’assurance chômage conclu lui aussi entre syndicats et patronat en novembre 2024, mais elle a besoin d’une validation législative pour entrer en vigueur.

A la suite d’un troisième accord signé en novembre dernier, les députés ont aussi voté pour supprimer la limite de trois mandats successifs pour les élus du Comité social et économique (CSE). Cette mesure faisait partie des ordonnances Travail de 2017.

Enfin, le gouvernement a obtenu un vote positif de l’Assemblée nationale pour des amendements introduits mercredi soir, transposant un accord trouvé entre la majorité des syndicats et l’ensemble des organisations patronales le 25 juin, destiné à faciliter l’utilisation des dispositifs de reconversion professionnelle. Avec cet accord, le compte personnel de formation (CPF) pourra désormais être mobilisé, à hauteur de 50 %, et avec l’accord du salarié, pour financer une période de reconversion lorsque celle-ci est proposée par l’employeur.