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Budget

Emploi : la baisse du budget de l’insertion par l’activité économique inquiète les acteurs du secteur

Le gouvernement impose cette année une baisse de près de 80 millions d’euros des aides financières versées à ces structures qui forment et accompagnent des personnes éloignées de l’emploi. La formation est particulièrement touchée par cette coupe, que le gouvernement assume.
Devant le ministère du Travail, le 17 janvier à Paris. (Albert Facelly/Libération)
par Marie Mouline
publié le 9 avril 2025 à 18h17

Au moment où le gouvernement défend son objectif d’augmenter le taux d’emploi, c’est une coupe budgétaire qui peut sembler contre-productive. Une circulaire adressée mardi 8 avril aux préfets, que Libération a consultée, confirme l’ampleur de la réduction qui avait été annoncée pour le secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) en 2025. Avec un budget global de 1,4 milliard d’euros, la baisse atteint 80 millions d’euros, et met les acteurs concernés en état d’alerte. Entreprises d’insertion, entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI), chantiers d’insertion ou associations intermédiaires… les structures du secteur, qui se concentrent sur des activités telles que l’artisanat du bâtiment, le maraîchage ou l’aide à la personne, sont au nombre de 4 600, et accompagnent chaque année près de 300 000 personnes éloignées de l’emploi (demandeurs d’emploi de longue durée, allocataires de minima sociaux…). L’accompagnement socioprofessionnel dure jusqu’à deux ans, avec un temps de travail pour les publics accueillis qui peut varier de 20 heures à 35 heures par semaine. Il est plus ou moins renforcé selon la forme de la structure et le public accueilli, certaines personnes souffrant de graves difficultés (addictions, problèmes de santé…). Toutes proposent des actions de formation et un nombre d’encadrants supérieur aux entreprises classiques, l’idée étant, grâce au passage par une de ces structures, de «gagne[r] en compétences, reprend[re] confiance en soi», explique le ministère du Travail.

Pourtant, le budget consacré à ce «dispositif original», dixit la Cour des comptes dans un rapport publié en 2019, connaît une baisse de 5,6 % sur 2025 par rapport au budget 2024. «C’est tout le modèle économique qui est en danger», avertit David Horiot, président du réseau représentant les chantiers d’insertion, Chantier école. Avec un aspect particulièrement crucial : la formation. «Il s’agit d’un effet levier pour que l’insertion fonctionne, les personnes ont besoin d’être formées pour postuler [dans les entreprises classiques] en sortie de parcours», souligne Antoine Laurent, délégué général adjoint de la Fédération des entreprises d’insertion. Or, la baisse du budget consacré à la formation atteint 30 %, puisqu’il passe de 100 millions d’euros à 70 millions. «Nous avons des obligations de résultat», rappelle Antoine Laurent, car l’Etat fixe aux structures des objectifs. «Mais s’il n’y a pas de formation, c’est plus difficile.»

Le ministère du Travail assume cette coupe, qu’il relativise par rapport à l’effort qui lui est demandé dans le cadre du budget 2025, de l’ordre de 4 milliards d’euros, soit 14 % de baisse de son budget global. «Je voudrais rappeler l’effort considérable qui a été fait», a souligné la ministre Astrid Panosyan-Bouvet, devant l’Association des journalistes de l’information sociale, le 3 avril. «De 800 millions de crédits pour 140 000 places en 2017, on est passé à 1,5 milliard de crédits pour 150 000 places en 2024. Parce que les places qui se sont créées sont allées essentiellement vers les chantiers d’insertion qui sont destinés aux personnes les plus éloignées de l’emploi», a-t-elle précisé. «Je pense qu’on peut sortir d’une logique d’entrée et améliorer la logique de sortie», a-t-elle encore développé, visant une meilleure insertion.

«Je reconnais les efforts très importants qui ont été faits, convient David Horiot. Mais nous avons accompagné l’Etat pour que cette ambition soit mise en place.» Il dénonce une logique de «stop-and-go», des phases d’augmentation des crédits suivis par des baisses qui mettent les structures en difficulté pour consolider leur modèle économique. «C’est dommage qu’il n’y ait pas plus de moyens assignés, complète Antoine Laurent, c’est un modèle qui marche très bien et ne coûte pas très cher à l’Etat, alors que le maintien des personnes dans les minimas sociaux coûte, lui, des milliards d’euros.» En 2017, une étude macroéconomique sur le coût de la privation d’emploi, portée par ATD Quart monde et dirigée par Patrick Valentin, fondateur de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, expliquait même que les coûts directs (allocations sociales) et indirects (problèmes de santé, aides au logement, …) de l’absence d’emploi pesaient sur le budget de l’Etat au moins autant que le financement de structures de retour à l’emploi. «C’est comme si on prétendait économiser d’un côté en faisant un trou dans la poche de l’autre», conclut Patrick Valentin.

Mise à jour le 10 avril à 17h45 : avec une précision dans la dernière citation d’Antoine Laurent.