En résumé :
– Paris, Marseille, Lyon, Lille mais aussi Montargis ou Saint-Brieuc : dans tout le pays, les Français opposés à la réforme des retraites ont défilé une nouvelle fois dans la rue dans l’espoir de peser sur l’exécutif et le Parlement. La CGT a compté 1,7 million de manifestants. Ils étaient 480 000 selon l’Intérieur.
– Vers 17h30, les sept députés et sept sénateurs qui composent la commission mixte paritaire se sont mis d’accord sur le texte final du projet de réforme des retraites.
– Emmanuel Macron réunit ce mercredi soir, à 20 heures, Elisabeth Borne et les ministres concernés par la réforme des retraites à l’Elysée avant une journée décisive au Parlement.
La CGT a compté 1,7 million de manifestants ce mercredi. Ils étaient 480 000 selon le ministère de l’Intérieur. Selon la CGT, 1,7 millions de personnes ont défilé en France ce mercredi contre la réforme des retraites pour la huitième journée d’action à l’appel des syndicats. C’est davantage que lors de la septième journée, samedi, qui avait vu plus d’un million de personnes défiler, selon le syndicat, mais moins que le 7 mars, quand plus de 3 millions de personnes s’étaient mobilisées.
De son côté, le ministère de l’Intérieur a recensé 480 000 manifestants en France, ce mercredi. Il en avait compté 368 000, samedi.
Reportage
Anne Hidalgo refuse de réquisitionner les éboueurs de Paris. La maire PS de Paris, Anne Hidalgo, «ne donnera pas suite» à la demande de la préfecture de police de réquisitionner les éboueurs de la ville pour limiter les effets de leur grève contre la réforme des retraites, écrit-elle dans un courrier transmis à l’AFP. Alors que les déchets continuent de s’accumuler dans la capitale au dixième jour de la grève, avec 7 600 tonnes non ramassées, le gouvernement et la mairie, qui soutient le mouvement social, se renvoient la responsabilité de cette situation «catastrophique» selon la mairie. Au Sénat, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait affirmé que si la mairie ne procédait pas à des réquisitions, le préfet de police de Paris procéderait à des réquisitions.
Merci de l'avoir posée
Emmanuel Macron réunit ce mercredi soir Elisabeth Borne et les ministres concernés par la réforme des retraites. Le Président réunit ce mercredi soir à l’Elysée Elisabeth Borne et les principaux ministres concernés par la réforme des retraites à la veille d’une journée décisive au Parlement, mais n’envisage pas «à ce stade» de la faire adopter sans vote par un 49.3, a appris l’AFP de sources concordantes dans le camp présidentiel. La réunion est prévue après 20 heures avec notamment les ministres du Travail, Olivier Dussopt, des Comptes publics, Gabriel Attal, des Relations avec le Parlement, Franck Riester, et le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a dit la présidence. Il ne s’agit pas d’un Conseil des ministres mais d’une réunion de travail.
A Paris avec les soignants : « il faut réfléchir au modèle de société qu’on veut avoir». Vanessa, psychologue à l’hôpital psychiatrique ERASME, dans les Hauts-de-Sein, s’arrête pour prendre un café avec ses collègues. «Si cette réforme des retraites passe, tous les signes forts de l’Etat providence dont Macron était si fier vont s’effondrer». La professionnelle de santé constate qu’après les vagues Covid, une vague psychiatrique est en train de surgir, notamment chez les jeunes. Et il faut s’en occuper. Or, «il sera impossible physiquement et psychiquement de s’occuper de ces ados à 67 ans». Pour elle, repousser la retraite c’est aussi mettre en péril la prise en charge des patients alors qu’actuellement «40% des postes sont dépourvus» dans son unité. «Les professionnels de la santé n’arrivent plus a bien soigner les gens». Pour Vanessa, il faudrait un questionnement collectif sur le modèle de société vers lequel on tend et celui qu’on voudrait avoir: «Nous avons le meilleur système de santé et des retraites au monde. Mais si on laisse cette réforme passer, les années qui viennent on sera en train de parler de la sécurité sociale».
37 000 manifestants à Paris selon la police. Selon la préfecture de police, 37 000 personnes ont défilé à Paris aujourd’hui. Lors de contrôles préventifs en amont de la manifestation, et au fil d’un cortège émaillé de tensions entre certains manifestants et les forces de l’ordre, celles-ci annonçaient, à 17 heures, avoir réalisé 9 interpellations.
#Greve15Mars | Interpellation dans la station de métro #Invalides d’un individu porteur de fumigènes. pic.twitter.com/Y1A41eKj8q
— Préfecture de Police (@prefpolice) March 15, 2023
A la sortie de la CMP, Olivier Marleix salue des mesures «importantes». Le patron du groupe LR à l’Assemblée s’est réjoui du bilan de la CMP. Sur la «clause de revoyure» d’abord, un «rendez-vous de transparence» permettant de faire le bilan de la réforme en 2027. Sur le sujet des carrières longues ensuite : alors que la gauche estime qu’un tiers des salariés ayant commencé avant 21 devront au bout du compte cotiser plus de 43 annuités, Marleix appuie lui sur les «deux tiers [qui] seront gagnants». «C’est une mesure importante. On est allé au bout de ce combat», a-t-il dit, omettant de mentionner le nom du député du Lot, Aurélien Pradié, qui a mené cette bataille. «Cette réforme est plus impopulaire qu’elle ne devrait l’être», a ajouté l’élu d’Eure-et-Loir, satisfait de la revalorisation des petites pensions qu’a porté son groupe. Le groupe LR, divisé sur la réforme, doit se retrouver en réunion à 18 h 30.
Après l’examen par chaque assemblée, 7 députés et 7 sénateurs de diverses sensibilités se sont accordés et proposent un texte commun pour préserver notre système de retraites.
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) March 15, 2023
Par ce compromis, ils répondent à la demande des Français de bâtir ensemble des solutions pour le pays.
Le sénateur LR Bruno Retailleau à son tour privé de courant. Le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, a donné de sa personne pour défendre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. La CGT Energie de Vendée lui a fait payer ce mercredi en coupant l’électricité de son domicile pendant quatre à cinq heures. Retailleau a annoncé avoir «déposé plainte contre la CGT Energie 85» affirmant qu’il ne se «laissera intimider par aucune pression». Il rejoint une longue liste d’élus favorables à la réforme des retraites qui ont vu leur domicile ou leur permanence parlementaire privés d’électricité depuis le début du mouvement social.
La CGT annonce 450 000 manifestants à Paris. Quelque 450 000 personnes ont manifesté ce mercredi à Paris pour la huitième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, a annoncé la CGT à l’AFP, alors que le chiffre des autorités n’était pas immédiatement disponible.
C’est davantage que lors de la dernière journée de mobilisation, samedi (300 000 manifestants) mais moins que la journée record du 7 mars (700 000).
La commission mixte paritaire s’accorde sur un texte commun. Après huit heures de réunion à huis clos, les 14 parlementaires (7 députés et autant de sénateurs) de la commission mixte paritaire se sont accordés ce mercredi après-midi sur une version commune du projet de réforme des retraites du gouvernement. 10 parlementaires se sont prononcés favorablement. Le texte sera soumis jeudi après-midi au vote du Sénat puis de l’Assemblée nationale. En marge de la huitième journée nationale de mobilisation, l’instance avait été convoquée ce mercredi matin à 9 heures au Palais-Bourbon, faute de vote dans les deux chambres du Parlement : alors que le Sénat a voté l’ensemble du texte samedi, l’Assemblée n’y était pas parvenue. Depuis le début de la matinée, le contenu des débats a été rendu public par les élus de gauche, sur les réseaux sociaux, laissant présager d’un accord entre la majorité macroniste et les représentants de LR. Sans trop de surprise : l’instance comprenait en effet une majorité de parlementaires appartenant au camp présidentiel et à la droite, largement favorable à la réforme.
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Dans le cortège parisien, les soignants ne se découragent pas. A Paris, les soignants marchent et affichent leur ras-le-bol. Assia, infirmière à l’hôpital Saint-Antoine est exsangue alors que «ça ne fait que vingt ans» qu’elle travaille. «Le médecin m’a dit que mes douleurs sont des douleurs d’usure. Notre corps est aussi notre outil de travail, avec cette réforme on ne pourra pas faire notre boulot correctement», deplore-t-elle. Pour que le gouvernement entende leurs revendications, la seule solution serait «d’arrêter les soins et tout bloquer». Une action qu’elle n’aimerait pas mener car elle aime son métier «mais un soignant qui va mal ne peut pas s’occuper de quelqu’un qui va mal». Logique. Joël, ancien infirmier et syndicaliste à temps plein, estime de son côté que «les jeunes n’ont pas été entraînés» à la lutte sociale. «Il ne faut pas qu’on arrête de montrer notre mécontentement.» Par Yoanna Herrera.
La droite annonce une CMP «conclusive»… Avant de plaider l’erreur technique. Le groupe LR a l’Assemblée a envoyé un communiqué à la presse pour se féliciter d’une commission mixte paritaire «conclusive». Dans un texte daté du 5 mars (au lieu du 15 mars) LR annonce un «accord qui améliore considérablement le texte porté par le gouvernement». Le groupe se targue aussi de trois «acquis» sur les carrières longues, la surcote des pensions des mères de famille et la clause de revoyure devant permettre de dresser un bilan de la réforme en 2027. Parti alors que les discussions entre parlementaires de la CMP sont toujours en cours, la communication du groupe LR a plaidé une erreur de manipulation technique. Oups. Par Victor Boiteau
Avec les enseignants à Paris : «Je rêve d’une rentrée sans profs.» Bandana orange savamment glissé dans les cheveux et fin piercing ornant son nez, Emmanuelle oscille entre deux discours. «Ce sera la dernière grande manifestation aujourd’hui», prédit cette enseignante en primaire «à la campagne». Tout en espérant : «Il faudrait que le mouvement prenne un nouveau tournant... Je rêve d’une rentrée sans prof.» Mais pas facile dans un métier aussi en lutte pour ses salaires. A 48 ans, avec plus de trente ans d’expérience, Emmanuelle gagne autour de 2 500 euros par mois. Après cinq jours de grève, elle redoute sa fiche de paie à la fin du mois. Tout comme Christine, prof de CP, trois cortèges syndicaux plus loin. «J’aimerais que le mouvement se durcisse, mais je n’en ai pas les moyens», confie-t-elle. Pour manifester, elle a profité des samedis et mercredis, jours où elle ne travaille pas. A 58 ans, elle se voyait déjà quitter Trappes (Yvelines) pour retourner parmi ses proches sous le soleil de Marseille pour sa retraite. Par Elise Viniacourt.
A Paris, des tracts distribués dans la manif appellent au blocage de la capitale. Après la manif, «on ne rentre pas chacun chez soi». A Paris, des petits tracts sont distribués dans le cortège pour préparer l’après. On y appelle à un rassemblement à 19 heures à la Bourse du Travail, près de la place de la République, «pour discuter, partager et s’organiser pour bloquer Paris». Le rendez-vous est aussi inscrit sur une grande banderoles affichée sur un échafaudage aux abords de la manifestation. Le site Paris-luttes.info en parle également : «Ce soir, on ne rentre pas chacun chez soi après la manif. C’est plus possible d’apprendre les actions de blocage sur son fil info, en espérant chaque jour quelque chose de fort, sans jamais pouvoir s’y rapporter directement. [...] Il paraît que c’est la dernière ligne droite avant l’adoption de la loi, que c’est mercredi et jeudi que tout va se jouer. On sent bien l’arnaque, la défaite annoncée, 49.3 ou pas. C’est le moment de décider si on veut que [la réforme] passe ou pas.»
Grève des éboueurs à Paris : Derichebourg arrête sa «collecte sanitaire d’urgence». Le principal opérateur privé de collecte des ordures à Paris dit devoir arrêter sa collecte dans les arrondissements touchés par les grèves des éboueurs. «Des salariés grévistes de la ville de Paris et du Syctom ont menacé de bloquer les entrées et sorties de notre site de Charenton si nous poursuivions la collecte sanitaire, pourtant légale et contractuelle», a affirmé ce mercredi Thomas Derichebourg, président de Derichebourg Environnement. Et de préciser : «Nous avons été amenés à intervenir partiellement dans les arrondissements en grève, à la demande de notre client, la ville de Paris, pour collecter les déchets dans certains endroits ciblés afin d’éviter tout risque pathogène, comme devant les crèches. Mais nous avons pris la décision de ne poursuivre que les collectes de déchets que nous assurons quotidiennement dans les Ier, IIIe, IVe, VIIe, Xe et XVIIIe arrondissements.»
Le trafic se normalise sur le réseau de la RATP, excepté sur le RER. La régie des transports parisiens prévoit pour jeudi une circulation normale de ses métros, bus et tramways, au dixième jour d’une grève reconductible à l’appel des syndicats contre la réforme des retraites. Le service restera néanmoins perturbé sur les lignes A et B du RER. On comptera trois trains sur quatre sur la ligne A et les deux tiers des trains sur la B, d’après le communiqué de la RATP de ce mercredi. Pour vendredi, la RATP prévoit encore un trafic normal pour le métro, les bus et les trams, «quasi normal» sur la ligne A du RER et «perturbé» sur la ligne B.
Avec les soignants à Paris : «Il faut massifier la grève.» Le cortège des blouses blanches de la CGT lève les poings et chante en chœur : «Macron, si tu savais, ta réforme où on se la met.» Karine, laborantine à l’hôpital Saint-Antoine explique que dans son milieu «la lutte est permanente» : sous-effectif, bas salaires, horaires à rallonge et maintenant la retraite qui s’éloigne. «Le gouvernement ne veut rien lâcher mais c’est dans la rue que ça va se jouer», affirme Karine. Amory, infirmier dans le même hôpital pense qu’il faudrait «massifier la grève» car les manifestations «ne feront pas reculer le gouvernement». Par Yoanna Herrera.
Avec les profs à Paris : «Chez les enseignants, c’est pas vraiment la tradition d’entrer en reconductible.» La clope de Jean-Claude se consume lentement tandis que les DJ de la CGT donnent tout. Loin de zouker, le prof de 59 ans dans un lycée de Seine-et-Marne analyse : «Chez les enseignants, c’est pas vraiment la tradition d’entrer en reconductible. Ça aurait un impact limité sur l’économie.» Le plus stratégique pour la suite selon lui ? Multiplier les assemblées générales, les manifestations, les blocages... Problème : dans son établissement, un peu moins de 30% des enseignants suivent le mouvement. «C’est une question de dignité de lutter contre cette réforme, même si elle est adoptée», assène-t-il. L’idée de travailler plus longtemps lui «donne le vertige ». «A presque 60 ans, dans ma classe c’est le bazar parfois, ce qui n’était pas le cas avant», relève-t-il, désabusé. Autre problème : ce prof de littérature ne se sent en plus en «phase» avec ses élèves. La tendance du «quoicoubeh», TikTok, les memes Instagram... «Je n’ai plus les références et cet écart d’âge diminue la qualité de mon enseignement», admet-il avec tristesse. Il plonge sa main dans ses grandes poches marrons et en ressort une cigarette. Par Elise Viniacourt.
A Paris, les manifestants se projettent déjà dans le futur de la mobilisation. En habitué du pavé, Benoît marche ce mercredi dans le cortège parisien, mais il pense déjà au vote parlementaire de demain. Les mots inscrits recto-verso sur sa pancarte reflètent les mots d’ordre qu’il souhaiterait voir exaucer jeudi : «Tous à l’Assemblée. Le peuple au pouvoir.» Boucher de 38 ans dans un magasin Auchan, il a fait partie de la «grande aventure» des gilets jaunes. Pourtant aujourd’hui, Benoît se dit plutôt résigné sur la destinée du projet de réforme. Il avoue ne «même pas être sûr» qu’avec du «grabuge» devant la chambre des députés, la donne puisse s’inverser. «Moi, je pense que ce gouvernement est capable de tout dans le pire. Finalement, Macron a survécu aux gilets jaunes puisqu’il a été réélu. J’ai bien peur que les mobilisations historiques que nous vivons depuis janvier ne parviennent pas à avoir raison de lui.» Par Anaïs Moran.
A Saint-Brieuc, «on est au moins 5 000». Dans la ville de Côtes-d’Armor, les manifestants ont quitté la place de la Liberté pour s’engager dans la longue rue de Gouédic, qui descend puis remonte vers le centre-ville, offrant une perspective avantageuse sur le cortège. «On est au moins 5 000», commente, en observant la foule depuis la banderole de tête Olivier Debretagne, secrétaire départemental de la FSU. «C’est rassurant, on était un peu inquiets au début, mais les gens arrivent avec trente ou quarante-cinq minutes de retard», observe-t-il. Pour lui, «selon ce qui va se passer à l’Assemblée, il peut y avoir un rebond. S’il y a un 49.3, il y aura un retour de bâton massif. Les gens sont en colère». Animées elles aussi par «un vrai sentiment de colère», Pascale et Martine, toutes deux anciennes institutrices en retraite, ne comptent pas baisser les bras. «Il va falloir trouver d’autres actions», estime Pascale, qui craint que toute cette colère «pas écoutée» ne finisse par profiter au RN. «Pour moi, ce n’est pas foutu, ils peuvent avoir des mauvaises surprises parce qu’il y a une vraie colère sociale. Et moi, je l’accompagnerai», affirme Martine, qui compte continuer de se mobiliser et qui cotise aux caisses de grève, pour permettre aux salariés de tenir. Par Elodie Auffray.