En résumé
- Afin d’accélérer les débats jusqu’ici laborieux vers l’article 7 – celui du report de l’âge légal à 64 ans – les députés de la Nupes ont retiré mercredi soir quelque 3 000 amendements, soit l’équivalent de 90 % de l’ensemble déposé initialement. Marine Le Pen, présidente du groupe RN, a déposé le même jour une motion de censure «afin que les députés opposés» à la réforme des retraites «puissent exprimer leur rejet de ce texte».
- La première journée de mobilisation, le 19 janvier, réunissait deux millions de personnes selon les syndicats, un million selon la police. La deuxième, le 31 janvier, environ 2,8 millions de personnes selon les syndicats, 1,272 million selon la police. Pour la troisième journée, mardi 7 février, ce sont près de deux millions de personnes qui ont défilé en France selon la CGT, 757 000 selon le ministère de l’Intérieur. Enfin, la quatrième, samedi 11 février, se soldait sur «plus de 2,5 millions» de manifestants selon la CGT et 963 000 selon l’Intérieur.
- La mobilisation de ce jeudi a été sans réelle surprise moins forte que les précédentes. 440 000 personnes étaient dans la rue selon le ministère de l’Intérieur, 1,3 million selon les syndicats. Ces derniers appellent à «bloquer le pays» le 7 mars pour relancer la mobilisation et faire plier le gouvernement.
Le ministère de l’Intérieur décompte 440 000 manifestants. D’après le ministère de l’Intérieur, 440 000 personnes sont descendues dans la rue ce jeudi. Moins que les 963 000 de samedi dernier et que les 757 000 du mardi 7 février. Les syndicats, qui ont également constaté une baisse de la mobilisation en pleines vacances scolaires, parlent eux ce jeudi de 1,3 million de manifestants.
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La CGT annonce 1,3 million de manifestants. Une mobilisation, sans surprise, en forte baisse. D’après la CGT, 1,3 million de personnes étaient dans les rues ce jeudi pour lutter contre la réforme des retraites. Bien moins donc que les deux millions annoncés mardi 7 février ou que les 2,5 millions du week-end dernier. Cette baisse était à prévoir, en période de vacances scolaires et alors qu’une très forte mobilisation est attendue à partir du 7 mars, date à laquelle les syndicats veulent durcir le mouvement.
«L’aveu de Jean-Luc Mélenchon» fait réagir Gabriel Attal. Au tour du ministre délégué aux Comptes publics de réagir, devant les députés, au tweet de Jean-Luc Mélenchon : «Contrairement à ce que vous disiez ce matin où vous vouliez accélérer [...] on voit qu’il y a une bascule. Cette bascule c’est le tweet de Jean-Luc Mélenchon ! Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on sait qu’on est minoritaires. [...] Donc il faut faire traîner les débats, c’est l’aveu de Jean-Luc Mélenchon !» Et Attal de faire remarquer que «les socialistes sont partis probablement parce qu’ils sont dégoûtés de cette stratégie d’obstruction. Il reste trois écologistes. Les communistes il n’y a plus que trois personnes, il n’y a plus que vous La France insoumise parce que les autres ne partagent pas cette obstruction!». Riposte de Manuel Bompard, le coordinateur national de LFI : «Cessez vos diversions.» Pour le député de Haute-Garonne, si le gouvernement veut «vraiment» que «l’ensemble des articles [...] soient débattus, il y a une solution extrêmement simple : prolongez les débats, renoncez à l’utilisation du 47.1, laissez-nous débattre de l’ensemble de ce projet de loi et nous le ferons avec plaisir».
«Ce n’est pas un sujet de nombre de jours, c’est un sujet d’obstruction assumé par Jean-Luc Mélenchon, lui-même, sur Twitter, a répondu Gabriel Attal. Il dit il faut faire traîner les débats parce que sinon on va se faire battre !» Avant de demander à ce très proche de Jean-Luc Mélenchon, citant des «tweets de journalistes», si cette décision de prolonger l’obstruction a été prise «à une voix près» au sein du groupe LFI. «Oui nous assumons que l’ensemble des articles de ce projet de loi sont importants, plaide Manuel Bompard. Pourquoi vous n’ouvrez pas des débats supplémentaires. Pourquoi vous nous obligez à adopter à la hâte, en dix jours - en dix jours ! -, un projet de loi sur les retraites ! [...] Ne comptez pas pour nous pour être d’accord avec votre sinistre besogne.»
De Twitter à l’hémicycle en quelques minutes : le tweet de Jean-Luc Mélenchon se fait une place à l’Assemblée.
Cette époque où des tweets de gens hors de l'hémicycle sont utilisés à tort et à travers dans l'hémicycle https://t.co/JsbF4L5AdY
— Etienne Baldit (@EtienneBaldit) February 16, 2023
La préfecture de police annonce 37 000 manifestants à Paris. Ce n’est pas encore aujourd’hui que les syndicats et les forces de l’ordre vont se mettre d’accord sur le nombre de personnes mobilisées dans la capitale. Alors que la CGT annonçait un peu plus tôt dans l’après-midi 300 000 personnes dans les rues de Paris, la préfecture de police n’en a compté que 37 000, soit près de dix fois moins. Samedi dernier, la police avait annoncé 93 000 manifestants contre 500 000 pour les syndicats. Le cabinet Occurrence en a pour sa part compté 33 000.
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A Paris, «Macron doit se rappeler qu’on ne l’a pas élu pour cette réforme mais pour ne pas faire passer Le Pen». «Je suis l’une des premières à être ciblée par cette réforme. Mais je ne descends pas que pour moi. On nous demande toujours davantage, cette fois ça suffit», s’indigne Évelyne, née en deuxième partie de l’année charnière 1961, rencontrée dans le cortège parisien. Actuellement au chômage, cette ancienne agent de voyages a été frappée de plein fois par la crise du Covid-19. Offusquée de l’usage du 47.1 par l’exécutif, cet article de la Constitution permettant de limiter à 50 jours l’examen d’un texte au Parlement, elle dénonce un «gouvernement borné», mais surtout «l’égo d’un homme, celui de Macron». «Il n’est pas normal de faire avancer si vite les débats. La majorité doit prendre des décisions en prenant en compte l’avis des Français. Macron doit se rappeler qu’on ne l’a pas élu pour cette réforme mais pour ne pas faire passer Le Pen», vitupère la sexagénaire à la doudoune rose, qui en veut bien moins aux amendements multiples de la Nupes. Évelyne soutient l’appel des syndicats à une grève reconductible à compter du 7 mars. Et lâche comme une évidence : «On ne peut pas faire autrement si l’on n’est pas écoutés.» Par notre journaliste Lucie Beaugé.
A Strasbourg, la Une de Libé comme pancarte.
Pas de pancarte pour Robert. L’ancien postier a opté pour la Une de Libé : il ne croit pas à la retraite minimale à 1200€ pour tous. « Ça ne concerne pas tout le monde, et c’est une somme brute, donc les gens recevront moins » #greve16fevrier pic.twitter.com/qu051mnbwo
— Camille Aguilé (@AguileCamille) February 16, 2023
Pas content, Jean-Luc Mélenchon, contre la stratégie des communistes. Il n’a plus de mandat, n’est plus député, mais continue de s’immiscer dans le travail parlementaire et de faire siffler quelques oreilles. Sur Twitter, Jean-Luc Mélenchon s’est plaindre du retrait «incompréhensible» des amendements des communistes à l’Assemblée jusqu’à l’article 7 - article qui prévoit le report de l’âge légal de départ à 64 ans. Le Parti communiste avait annoncé cette décision ce matin dans un point presse. Au total, plus de 3 000 amendements ont été retirés par la Nupes.
Incompréhensible retrait des amendements du PCF. Pourquoi se précipiter à l'article 7 ? Le reste de la loi ne compte pas ? Hâte de se faire battre ?
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) February 16, 2023
A Paris, la manif touche à sa fin. Les manifestants parisiens commencent à s’éparpiller Place d’Italie, mais le cortège derrière s’étend encore à perte de vue le long du boulevard de l’Hôpital. Même si le nombre de manifestants semble être inférieur aux précédents cortèges de la capitale, on reste à un niveau très nettement supérieur à ce qu’on a pu voir ces dernières années. Les ballons CFDT étaient en nombre et les militants CFTC encore très bruyants. Et le 7 mars ? Laurent, conducteur de train retraité et «militant de rien du tout», qui porte une pancarte «j’ai bien tout compris et je suis contre», sait déjà qu’il sera dans la rue, avec l’espoir que «les salariés seront en grève». Car selon lui, «ce ne sont pas les députés qui vont faire en sorte que ça ne passe pas. Le seul moyen, c’est de bloquer le pays». Par notre journaliste Frantz Durupt.
A Albi, les leaders syndicaux annoncent 50 000 manifestants. Le temps d’une journée, la préfecture du Tarn est devenue la capitale de la lutte. Au lieu de mener le cortège parisien, les principaux leaders des syndicats engagés contre la réforme des retraites (Philippe Martinez, Laurent Berger et compagnie) s’étaient donné rendez-vous à Albi ce jeudi. Une manière d’incarner la mobilisation particulièrement forte dans les villes dites «moyennes» depuis le début du mouvement. Selon l’intersyndicale, ils ont été 50 000 à défiler dans les rues de la ville de Jean Jaurès aujourd’hui, bien plus que les 20 000 annoncés samedi dernier.
Un raz-de-marée sur #Albi contre la #ReformeDesRetraites ! ✊🔥#Tarn #Occitanie #France @CharliB97783485 @RemyBuisine #greve16fevrier #manif16fevrier #NonALaReformeDesRetraites pic.twitter.com/qqzeBsLpbU
— Fred BONNET (@Fred4Bonnet) February 16, 2023
Vu de Paris : Cette réforme reflète «la confrontation entre vies intimes, nos corps et le monde politique». A travers les manifestants, une petite troupe de femmes se démarque. L’une d’entre elles porte sur ses épaules deux jambes articulées en papier mâché. Une autre a suspendu sur ses omoplates une pancarte écarlate sur laquelle il est écrit : «Plein le dos!» Elles sont comédiennes, costumières, ou encore médiatrices au sein du même collectif de théâtre et de marionnettes, La fine compagnie, dont les spectacles se jouent à Aubervilliers. «Nos corps sont précieux», soutient Johanne, directrice artistique aux yeux bleu d’acier, en tenant fermement les deux gambettes cartonnées entre ses pommettes rieuses. Cette réforme reflète «la confrontation entre vies intimes, nos corps et le monde politique», explique-t-elle. Le groupe n’est affilié à aucun syndicat mais tenait à être là «pour montrer qu’il y a toujours du monde aux manifestations, avant que l’on passe à quelque chose de plus efficace, de plus impactant», capable de faire «enfin réagir» le gouvernement. La «focalisation de certains médias» sur le nombre d’amendements de la Nupes l’agace : «C’est le gouvernement qui a imposé ce cadre de discussion beaucoup trop court, en incluant le projet de réforme dans le vote du budget de la sécurité sociale. L’opposition a de toute façon été dépossédée de ses moyens d’action.» De notre journaliste Juliette Delage.
A l’Assemblée, on «culpabilise un peu» de ne pas pouvoir manifester. Alors qu’une nouvelle suspension de séance vient d’être prononcée à l’Assemblée nationale, les députées communiste et écologiste Elsa Faucillon et Marie-Charlotte Garin soufflent quelques minutes dans le jardin du Palais Bourbon. Habituées des manifestations, les deux élues ne prendront pas cette fois-ci part à la mobilisation. «Malheureusement, nous n’avons pas le temps... C’était trop compliqué d’aller à Bastille et d’être ici pour 15 heures», souffle l’écolo estimant qu’à la veille de la fin des débats, «[leur] place est ici». «Mais on culpabilise un peu», sourit Faucillon alors que la cloche retentit, imposant un retour dans l’hémicycle. Par notre journaliste à l’Assemblée, Sacha Nelken.
Le blocage de Tolbiac levé sous pression policière. Les étudiants bloquant le site de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sont sortis de ce campus du XIIIe arrondissement de Paris. Vers midi, un important dispositif policier a encadré les tours de Tolbiac, situées non loin de la place d’Italie, où doit arriver le cortège parisien du jour. «Les bloqueurs ont eu le choix entre sortir maintenant sans être interpelés, ce qu’ils ont fait, ou attendre l’intervention policière», nous explique un étudiant. Il s’agit d’un exemple de plus d’intervention policière rapide face à une mobilisation étudiante contre cette réforme des retraites. Par Olivier Monod.
Gros dispositif policier à Tolbiac : le centre de @SorbonneParis1 est encerclé par les CRS, les étudiant-e-s évacué-e-s et des lycéen-ne-s ayant manifesté depuis Place de La Sorbonne sont contrôlé-e-s pic.twitter.com/M9ROV2pHUf
— Le Poing Levé Paris 1 (@LevePoing) February 16, 2023
Vu de Strasbourg : «Quel avenir ? Pour nous les jeunes, il semble bouché.» Le soleil d’hiver qui avait accompagné le lancement du cortège a disparu. Mais ils sont près de 10 000, selon la CGT, 3 200 selon la police, à battre les pavés strasbourgeois. Isaac a 18 ans seulement. Etudiant en première année de médecine, le jeune homme au physique long et fin arbore un drapeau du NPA aux couleurs LGBT. «On soutient toutes les causes», précise-t-il d’emblée. D’une voix posée, il explique être là «pour montrer aux députés qui sont contre la réforme qu’on les soutient. Je suis aussi là pour défendre les travailleurs», explique-t-il tout en distribuant des flyers. «Quel avenir ? Pour nous les jeunes, il semble bouché», lâche Isaac. C’est sa cinquième participation au mouvement. Il promet d’être là le 7 mars et espère que sa génération sera entendue, elle aussi. De notre journaliste à Strasbourg Ophélie Gobinet.
Vu de Paris : «J’en ai juste ras le cul que ce soit la classe populaire et moyenne qui fasse des efforts.» Les communistes se sont donné rendez-vous au métro Sully-Morland à 14h. Fabien Roussel est là, dans sa parka habituelle. Et déroule son discours. «Ils sont en train de provoquer le chaos social», martèle le chef du parti. «Notre seul outil c’est de manifester et de mettre le pays à l’arrêt.» A ceux qui accusent son parti de bloquer les débats à l’Assemblée, il répond : «Nous avons retiré tous nos amendements, nous voulons vite aller jusqu’à l’article 7.» Et lance un appel aux députés Les Républicains et du Modem. «Tous les députés communistes voteront contre la réforme. Qu’en est-il de vous ?» Derrière lui, les drapeaux rouges du PCF flottent. Fred, lunettes de soleil sur le nez, tient l’un d’entre eux d’une main de fer. De l’autre, il brandit une affiche : «Macron méprisant de la République». Il s’est encarté dans le parti le 19 janvier, premier jour de manif : «J’en avais marre de rester seul chez moi à ruminer contre le capitalisme.» L’intermittent du spectacle reprend : «Je m’en fous des chiffres, j’en ai juste ras le cul que ce soit la classe populaire et moyenne qui fasse des efforts.» A côté de lui, Lucas, 24 ans et au chômage, membre de la jeunesse communiste depuis ses 15 ans. «C’est hors de question pour moi de partir à la retraite à 64 ans. Surtout quand je vois mes parents qui sont épuisés. Mon père est à 1500 euros par mois à 62 ans, il est crevé. Je ne veux pas qu’il continue dans ces conditions.» De notre journaliste Salomé Chergui.
300 000 manifestants contre la réforme des retraites à Paris, selon la CGT. Pour cette cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, la CGT fait état de 300 000 manifestants à Paris. Soit moins que lors de la dernière journée de mobilisation samedi, où la CGT avait recensé 500 000 manifestants dans la capitale et les autorités 93 000. Le chiffre des autorités pour la manifestation de ce jeudi n’est pas encore connu.
Vu de Paris : «On vient montrer à quel point ce système est indigne pour les plus précaires.» Pour Eolia, «diaboliser» LFI, ce serait «décrédibiliser la vraie cause». Alors que les insoumis sont accusés de faire de l’obstruction, et ce même par une partie de la Nupes, le jeune homme de 19 ans estime qu’il ne faut pas se tromper de cible. «C’est une stratégie comme une autre. Il ne faut pas diaboliser leurs tentatives. Sinon, on ira dans le sens que veut la majorité. Dire que tout est de leur faute, cela décrédibilise la vraie cause : la dénonciation de cette réforme», considère-t-il. Son ami Arto juge lui aussi que cette gauche a fait «comme elle pouvait» et que le «blâme» doit être donné à la majorité. Les deux étudiants en mode regardent, comme les syndicats, déjà vers le 7 mars, date à laquelle un durcissement du mouvement a été annoncé. «C’est une solution nécessaire car le gouvernement ne fait pas marche arrière», juge Arto. S’ils sont conscients des avantages permis par leur futur métier, peu éprouvant physiquement, Arto et Eolia se veulent solidaires des autres. «On vient montrer à quel point ce système est indigne pour les plus précaires», proteste le dernier. De notre journaliste Lucie Beaugé.
A Paris, un millier de contrôles en amont mais aucune interpellation. Les forces de l’ordre ont procédé à 1080 contrôles de police en amont de la manifestation parisienne de ce 16 février, sans aucune interpellation, informe la préfecture de police. Un chiffre temporaire mais qui confirme la tendance de mouvements sociaux qui se passent dans le calme depuis le mois de janvier. Lors de la dernière mobilisation du 11 février, 10 personnes avaient été interpellées.
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