En résumé :
– Ce jeudi 13 avril, pour la douzième journée nationale de mobilisation contre la réforme des retraites, des cortèges ont défilé dans toute la France. Dans l’ensemble des villes, le nombre de manifestants était globalement en baisse par rapport à la semaine dernière.
– Le Conseil constitutionnel doit rendre demain ses décisions sur la réforme des retraites et sur la possibilité de lancer un référendum d’initiative partagée sur le sujet. En sortant du Conseil des ministres, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a souligné que la loi serait promulguée «dès sa validation» par les sages. Les manifestations seront d’ailleurs interdites devant l’institution de la rue de Montpensier à partir de ce jeudi soir.
– Des cheminots et travailleurs de la santé, de l’éducation et d’autres secteurs en grève contre la réforme des retraites ont envahi brièvement le siège parisien du géant du luxe LVMH. «Ce n’est pas le dernier jour de mobilisation», a prévenu quant à elle Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT, à l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine alors qu’une partie des éboueurs parisiens se remet en grève à partir de ce jeudi. Quelques raffineries françaises sont aussi mobilisées, sans que leur activité soit fortement perturbée.
Place de la Bastille, les derniers de manifestants encerclés. Dans un calme relatif, la nasse policière se resserre pour évacuer les derniers manifestants place de la Bastille, et notamment la chorale devant l’opéra. Des manifestants se sont assis sur les marches et chantent la Marseillaise. Dernières huées, dernières gouttes de pluie. « Il y a deux bouches de métro ouvertes », informe un policier par mégaphone. Il reste quelques dizaines de manifestants encerclés.
Une nouvelle proposition de RIP déposée par la gauche. Il était moins une. Inquiets que la première mouture du projet de référendum d’initiative partagée puisse être retoquée par le Conseil constitutionnel en raison de sa formulation, les élus de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ont, d’après France Inter, déposé in extremis ce jeudi soir une seconde proposition de loi. Selon un député communiste interrogé par la radio publique, le nouveau texte propose une reformulation plus à même de passer l’épreuve des «sages». «Une mesure de financement a été rajoutée» dans la nouvelle mouture a précisé à France Inter le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel.
Alors, la prochaine date de mobilisation, c’est pour quand ? Ce n’est pas ce soir qu’on le saura puisque l’intersyndicale n’a pas prévu de publier de communiqué ce jeudi. Il faut dire que la suite du mouvement social est suspendue à la décision du Conseil constitutionnel, attendue demain. Mais les syndicats ont déjà en tête la date du 1er mai, qui pourrait cette fois-ci être unitaire. Et se préparent à poursuivre le mouvement sous d’autres formes si par exemple le référendum d’initiative partagée était validé. Ils pourraient décider de la marche en suivre en tout début de semaine prochaine. Par Frantz Durupt
380 000 manifestants en France selon l’Intérieur, «plus de 1,5 million» selon la CGT. La tendance venue des petites villes et les ressentis dans les cortèges se confirment : la douzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites a globalement rassemblé moins de monde que les trois journées précédentes. Selon le ministère de l’Intérieur, quelque 380 000 manifestants ont défilé jeudi en France. Le 6 avril, 570 000 personnes s’étaient mobilisées, selon Beauvau. La CGT a de son côté comptabilisé «plus de 1,5 million de manifestants» ce jeudi, contre deux millions la semaine dernière. Le syndicat avait dans un premier temps annoncé dans un communiqué «plus d’un million», ce qui aurait été la plus faible participation revendiquée par le syndicat depuis le début du mouvement social.
Place de la Bastille, une chorale qui «déteste la police». Une chorale spontanée s’est formée sur les marches de l’opéra de Paris pour chanter «Tout le monde déteste la police». En face, la colonne de Juillet taguée «Summertime Zadness» sur laquelle sont montés quelques manifestants disparaît un instant sous les lacrymogènes. La police multiplie charges et tirs de lacrymos pour essayer de disperser la (jeune) foule de manifestants restants. La chorale continue de s’époumoner en chantant «On est là». «C’est plus que des intermittents, gros», dit un spectateur. Par Adrien Franque
Retraites : le Conseil constitutionnel, cap ou pas cap de censurer ? Au centre du jeu comme rarement, les neuf juges examinent vendredi 14 avril la constitutionnalité de la réforme. Leur décision doit se fonder sur le droit, mais elle n’est pas dénuée d’enjeux politiques et d’inclinations personnelles. Analyse.
A Bastille, la Banque de France ciblée par des projectiles. Place de la Bastille, la situation s’est tendue une heure entre un groupe de manifestants et des forces de l’ordre largement massés autour de la Banque de France, cible de projectiles. Les CRS ont alterné entre jets de grenades lacrymogènes et bonds offensifs pour interpeller certains manifestants un par un (la préfecture annonce 36 interpellations à Paris et 10 policiers blessés à 18 heures). Le calme est ensuite revenu avec l’arrivée des cortèges syndicaux et de leurs services d’ordre. Le reste du cortège arrive peu à peu mais semble encore loin d’avoir fini de remplir la place. Applaudis par la foule, des pompiers manifestent et tournent en rond au rythme du «pimpom» de leur mini-camion. Par Ludovic Séré
La préfecture de police de Paris a compté 42 000 manifestants dans le cortège parisien. Lors de la onzième journée de mobilisation, il y a une semaine, elle en avait recensé 57 000. Plus tôt dans l’après-midi, la CGT a estimé à 400 000 le nombre de manifestants à Paris, ce jeudi.
Dans la manif parisienne, les cadres craignent la fin de l’intersyndicale. Un joueur de cornemuse passe, imperturbable, devant une haie de gendarmes mobiles qui bloquent la rue du Renard, non loin de l’hôtel de ville de Paris. Derrière le carré de tête syndical, le cortège de la CFE-CGC, avec ses chasubles et drapeaux blancs, chemine entouré par une corde que tiennent des agents d’une entreprise de sécurité privée. La sono crache le classique de Queen Don’t Stop Me Now. «Ce n’est pas si souvent que les cadres sont aussi souvent et aussi longtemps dans la rue, euphémise Frédéric, 53 ans. Nous ne sommes pas les plus concernés par cette réforme puisqu’on a commencé à travailler tard, mais elle est tellement injuste pour les autres !» Il redoute l’après-décision du Conseil constitutionnel, craint que «ça se radicalise», qu’il y ait une «scission dans l’intersyndicale entre réformistes et non réformistes», que cela soit «difficile de remotiver ensuite surtout qu’il y a les vacances scolaires qui arrivent dans dix jours». Stéphane, un autre adhérent, a écouté les propos tenus par Laurent Berger et il pense lui que «c’est la CFDT qui sera la première à lâcher». Par Anne-Sophie Lechevallier
Un journaliste victime d’un coup de matraque à Lyon. En reportage dans le cortège lyonnais ce jeudi, un journaliste du site d’informations Actu Lyon s’est retrouvé au milieu d’une charge policière. Selon le média local, «pris dans un mouvement de foule, il a trébuché au sol. Au moment de se relever, il a reçu un violent coup de matraque par un policier». Une photo diffusée sur Twitter montre le journaliste le visage ensanglanté. Pris en charge par les pompiers, il a été évacué à l’hôpital. Le SNJ - premier syndicat des journalistes - apporte sur Twitter son «soutien» à leur confrère.
L'un de nos journalistes @actufr_lyon a été blessé à la tête lors de la #manif13avril à Lyon. Après une charge policière, il est tombé au sol boulevard des Belges et a reçu un coup de matraque à la tête. Il a été pris en charge par les pompiers et évacué vers un hôpital. pic.twitter.com/b3D1ih6dfO
— actu Lyon (@actufr_lyon) April 13, 2023
Les jeunes en renfort dans la manifestation lilloise. A Lille, le renfort de la jeunesse engagée se voit dans le cortège, chantante et dansante. Un jeune homme a placardé sur son tee-shirt Metallica un autocollant de Lutte ouvrière : «Augmentons les salaires, pas l’âge de la retraite.» Beaucoup d’étudiants espèrent un rebond de la mobilisation après les vacances et les partiels, bien peu ont entendu parler du référendum d’initiative partagée, sur lequel le Conseil constitutionnel se prononce demain. «Mais c’est fait pour ne pas marcher à la base, ce truc, avec 36 000 conditions», se marre Jérôme, à la FSE (Fédération syndicale étudiante). «Que lui, Macron, lance un référendum alors que la grande majorité des Français est contre lui, je n’y crois pas, ça ne marchera pas.» Des lycéennes approuvent : «Notre seule force, c’est la manifestation et le blocage.» Au-dessus de la foule, une pancarte flotte, avec la photo de Darmanin : «Calme-toi, Gérald, ça va bien se passer.» Par Stéphanie Maurice
Un énorme dispositif policier aux abords du Conseil constitutionnel.
«Si le Conseil constitutionnel valide le texte et refuse le RIP, ce sera la merde.» «Quand on se mobilise, la CFDT, on arrive à faire neiger en avril», lance au micro une chanteuse qui danse et fait danser le cortège de manifestants derrière le ballon de la CFDT Ile-de-France, gilet orange fluo aux couleurs du syndicat. «Ce n’est pas la pluie qui va nous arrêter», renchérit un autre, alors qu’une averse s’abat sur la place du Châtelet. Ils chantent sur tous les tons «64 ans, c’est non». Quand il s’est mis en route pour cette douzième manifestation, Vincent, 50 ans, cadre dans le financement de la protection sociale, ne s’est pas dit que c’était la dernière. Mais il prendra ses décisions «au fil de l’eau», en fonction de ce que dira l’intersyndicale, en fonction de ce que décidera le Conseil constitutionnel demain. «S’il valide le texte et refuse le RIP, ce sera la merde», redoute-t-il, ne voyant pas bien comment les syndicats pourraient «continuer à travailler avec le gouvernement après cela». Un grand soleil est revenu rue de Rivoli. «64 ans, c’est toujours non», rechantent les animateurs du cortège. Par Anne-Sophie Lechevallier
A Paris : «J’espère que les Sages vont être sages.» Béatrice est professeure de SES à Nogent-sur-Marne. Elle est venue avec une marinière, un foulard rouge. Elle a dessiné une Marianne au large sourire sur une pancarte. Elle se touche le ventre, comme si sa colère s’y cachait. «Je suis bavarde.» Alors elle parle. «J’espère que les Sages vont être sages. S’ils ne le sont pas, si le bon sens ne l’emporte pas, ils mettent en péril la démocratie. Ma petite Marianne est zen, elle fait du yoga. Les gens me disent que je suis la seule qui a de l’espoir, qu’au Conseil constitutionnel ce sont des hommes politiques donc que la décision sera politique. Mais j’y crois. Je ne veux pas qu’on dise que le mouvement s’essouffle. Macron ne compte que là-dessus. C’est ma première manif, qu’il le sache ! On est des millions à ne pas être d’accord. On va organiser une tournante ! Il faut être logique avec soi-même : on ne peut pas enseigner des choses à des lycéens, la démocratie, le parcours législatif, et se laisser faire. L’espoir, c’est un référendum.» Par Romain Boulho
La CGT annonce 400 000 manifestants à Paris. Les chiffres restent stables. Comme la semaine dernière, quelque 400 000 personnes ont manifesté ce jeudi à Paris pour la douzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, a annoncé la CGT à l’AFP. Le comptage des autorités n’était, lui, pas immédiatement disponible. Les autorités avaient recensé 57 000 personnes lors de la onzième journée de mobilisation, le 6 avril.
En France, la mobilisation est proche de son plus bas niveau. La participation est à nouveau en baisse ce jeudi pour la douzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, les chiffres des syndicats comme ceux des autorités approchant leurs plus bas niveaux depuis le début du mouvement social. Dans l’Ouest, bastion de la contestation, ils étaient ainsi 10 000 à Nantes selon la police, 25 000 d’après les organisateurs, dans les deux cas au plus bas depuis le 11 mars – date de la plus faible mobilisation au niveau national à ce jour. Idem à Rennes, où 6 500 à 15 000 personnes ont défilé, à Rouen (4 500 à 9 000) et au Havre (entre 3 800 et 20 000), où les jauges ont rarement été si basses. La tendance se vérifie aussi dans le centre, à Orléans (2 700 à 6 000) ou Clermont-Ferrand (6 000 à 10 000) et au Sud, de Bayonne (3 000 à 7 000) à Nice (2 700 à 15 000) en passant par Montpellier (5 000 à 10 000). Comme souvent en cas de reflux, les écarts se creusent entre les estimations, en particulier à Toulouse avec un écart d’un à huit (de 9 000 à 70 000) et même un record d’un à vingt à Marseille (entre 6 500 et 130 000).
A Conflans-Sainte-Honorine : «Je suis venu défendre nos petits-enfants qui se font matraquer.» Le blocus prévu cet après-midi n’aura pas lieu au lycée Jules-Ferry de Conflans-Sainte-Honorine. Alors parmi celles et ceux qui se sont pressés devant les grilles du lycée ce matin, on peut retenir le témoignage d’Anaïs, 17 ans, future bachelière, venue comme beaucoup «manifester contre la réforme des retraites, mais aussi contre les violences policières, pour le climat…» Bref, un tout. Il y a aussi Louis, retraité. Ce moustachu à lunettes arrivé à 7h30 était l’un des premiers sur place. Choqué par la vidéo virale du 6 avril, il ne mâche pas ses mots : «Je suis grand-père, je suis venu défendre nos petits-enfants qui se font matraquer.» Des images choquantes aussi pour la LDH dont plusieurs membres étaient sur place, reconnaissables à leur chasuble. A une échelle différente, eux aussi ont un message pour le locataire de la place Beauvau, «merci à Darmanin, maintenant on a plein de nouveaux membres», glisse en souriant l’un d’entre eux. Par Camille Gagne-Chabrol
Avec la CFTC dans la manifestation parisienne : «On est obligés de suivre les autres syndicats.» Faisant écho aux inquiétudes d’autres manifestants, dans le cortège parisien Martine, qui n’a pas manqué une manif, ne pense pas que la CFTC sortira de l’intersyndicale. Elle espère que le Conseil constitutionnel rejettera tout le projet de loi. Si ce n’est pas le cas, elle a «envie de continuer» : «On n’a plus rien à perdre. On est obligés de suivre les autres syndicats, si on se met de côté, les salariés nous diront qu’on ne se bat pas pour eux.» Elle dit sa colère contre cette «réforme injuste pour les femmes» et contre un gouvernement qui «mène tout le monde en bateau depuis le début». Martine travaille encore, à la caisse d’un restaurant d’entreprises, en attendant sa retraite à taux plein. Elle a 65 ans. Par Anne-Sophie Lechevallier
Les étudiants sont venus en masse à Paris. Paris XIII, EHESS, Inalco, Sorbonne Nouvelle, et d’autres encore… Etudiants et professeurs sont nombreux dans le cortège parisien cet après-midi. Derrière une banderole des «écoles de la culture en lutte», les jeunes sont en feu : plusieurs pancartes de flammes et des slogans qui flambent Macron, le capital, le patronat, la précarité et la police. Le Conseil constitutionnel n’a pas la faveur des discussions, plutôt la répression du gouvernement contre la Ligue des droits de l’homme, l’utilisation du fonds Marianne créé par Marlène Schiappa après la mort de Samuel Paty ou les propos de Maître Gims sur l’électricité du temps de l’Egypte antique. Léon, étudiant en école d’art, 21 ans, suppute que le Conseil Constitutionnel validera la réforme. «Y a que des gens de droite dedans, non ?» Il souffle. «Boarf, ça changera rien.» Lui n’attend qu’une chose : la grève générale. Par Romain Boulho
A la CFTC, une dernière mobilisation ? Derrière la banderole de la CFTC, les manifestants qui progressent sur l’avenue de l’Opéra à Paris ont enfilé les ponchos transparents par-dessus les chasubles bleues et soufflent régulièrement dans leurs vuvuzelas, bleus eux aussi. Parmi eux, les deux Laurent, 58 et 49 ans, qui travaillent dans la logistique pour le même sous-traitant de la Poste. Sur les douze journées de manifestation intersyndicale, ils n’en ont manqué que deux. Ces deux élus de ce syndicat réformiste n’avaient jamais participé à un mouvement aussi long, hormis la contestation contre la loi Devaquet visant à réformer les universités pour le plus âgé des deux. Ils pensent que la direction du syndicat va finir par sortir de la mobilisation après la décision du Conseil constitutionnel attendue demain : «Nous, on n’est pas d’accord avec ça. Il y a de grosses différences entre la base et la direction. Nous, la souffrance des gens, on la voit tous les jours. Sur 300 salariés, il y a 67 % de restrictions médicales ! Comment ils pourraient travailler après 62 ans ?» S’il reste à la CFTC, c’est pour la grande liberté qui leur est laissée dans l’exercice de leur mandat dans l’entreprise. Par Anne-Sophie Lechevallier