En résumé :
- Le Sénat poursuit l’examen du texte de la réforme des retraites à la veille d’une nouvelle journée de mobilisation nationale. Cette nuit, il a adopté l’article 2 prévoyant la création d’un «index seniors».
- Coté syndicats, «on passe à la vitesse supérieure». Le patron de la CGT Philippe Martinez a ainsi résumé dimanche l’enjeu de cette nouvelle journée de mobilisation. Un durcissement qui durera «a minima jusqu’au 7 mars et a maxima jusqu’à la gagne» a prévenu le secrétaire général de la CGT Energies Sébastien Ménesplier.
- Coté gouvernement on brandit le chiffon rouge de la France à l’arrêt. «On peut avoir une opposition, mais le blocage n’est pas une solution pour le pays», a martelé le ministre du Travail Olivier Dussopt dimanche dans le Parisien.
Top départ pour la grève. Des grèves ont démarré lundi et parfois avant en France, notamment dans l’énergie et chez les éboueurs, afin d’obtenir un mouvement massif mardi à l’aube, journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites du gouvernement. A la SNCF, par exemple, la grève a commencé lundi à 19 heures et 80% des TGV Inoui et Ouigo sont annulés, ainsi que presque tous les Intercités, avec des liaisons internationales dégradées voire interrompues entre la France et l’Allemagne et la France et l’Espagne notamment. Chez les éboueurs, ceux de la ville de Paris qui assurent la collecte dans la moitié des arrondissements parisiens (IIe, Ve, VIe, VIIIe, IXe, XIIe, XIVe, XVIe, XVIIe, et XXe) se sont mis en grève, a confirmé Natacha Pommet, secrétaire générale de la CGT Services Publics. Selon elle, les poubelles n’ont pas été collectées lundi soir dans quatre arrondissements, le VIe, le XIVe, le XVIIe et le XXe. Un des trois incinérateurs autour de Paris, porte d’Ivry, est bloqué depuis lundi par des agents de la ville, empêchant les déchets d’y être brûlés.
Selon Borne les Français «les plus modestes» seront «les premiers pénalisés» par les grèves. A chaque jour ses propos culpabilisateurs du gouvernement contre la grève. Ce lundi soir, sur France 5, la Première ministre, en personne, a tenté d’envoyer un message à celles et ceux qui ont prévu de se mobiliser ce mardi contre la réforme des retraites. Selon la locataire de Matignon, les Français «les plus modestes» seront «les premiers pénalisés» par les grèves. «Une France à l’arrêt», comme l’envisagent l’ensemble des organisations syndicales, «c’est évidemment mauvais pour nos concitoyens», a affirmé Elisabeth Borne sur France 5. La Première ministre a également jugé que l’utilisation de l’expression «mettre la France à genoux» était «grave» et «pas responsable» en réaction aux mots du secrétaire général de la CGT Chimie Emmanuel Lépine.
Borne défend (encore et encore) sa réforme. Invitée de l’émission C à vous sur France 5, la Première ministre, Elisabeth Borne s’est efforcée, avec difficultés, de défendre une fois de plus une réforme qui reste impopulaire. «Quand on passe à 3 actifs qui financent 1 retraité à 1,5 demain, c’est l’avenir de notre système qui est en cause», a-t-elle insisté, qualifiant cette réforme de «nécessité». Pas d’annonce mais un clin d’oeil aux sénateurs de droite prêts à instaurer une «surcote» sur les pensions des femmes ayant eu des enfants. «L’enjeu, pour moi, en moins que les femmes partent plus tôt que les hommes [...] c’est d’avoir des meilleures pensions», a-t-elle assuré.
Trois terminaux méthaniers en France arrêtés pour «sept jours». Trois des quatre terminaux méthaniers qui permettent d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) en France, ont été mis à l’arrêt pour «sept jours», indique lundi soir la CGT Elengy, qui proteste contre le projet de réforme des retraites du gouvernement. L’arrêt de ces trois terminaux situés à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) pour deux d’entre eux, et à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) pour le troisième, bloque l’alimentation en gaz du réseau de distribution GRT Gaz, le déchargement des navires méthaniers et le remplissage des citernes de GNL.
Trains, RER et métros au ralenti aussi mercredi. Le 7 mars n’est pas encore arrivé que la RATP et la SNCF s’attendent déjà à ce que les transports soient «très fortement perturbés» le lendemain. Dans les deux entreprises de transport, l’ensemble des syndicats appellent à une grève reconductible à partir de mardi, une journée qui s’annonce déjà particulièrement suivie avec 80 % des TGV et TER annulés côté SNCF tandis que la RATP n’ouvrira la plupart de ses lignes de métro qu’aux heures de pointe et ne fera rouler qu’entre 25 % et 50 % des trains sur les lignes A et B du RER selon les heures.
Laurent Berger ne sera pas le maillon faible. Si la majorité pariait sur le fait que le leader de la CFDT se désolidariserait de la CGT au moment où celle-ci prône la grève reconductible, c’est raté. Dans la bataille contre la réforme des retraites, le syndicaliste réformiste apporte au contraire tout son crédit «raisonnable» au mouvement. Lire le billet de Jonathan Bouchet-Petersen.
A la veille de la sixième journée de mobilisation, Solidaires affiche sa confiance. «On sent que demain sera un tsunami social», assure ce lundi Murielle Guilbert, co-déléguée générale de Solidaires, lors d’une conférence de presse au siège du syndicat à Paris. Pour son homologue Simon Duteil, professeur d’histoire-géographie, la journée de mardi «devrait être la journée de mobilisation la plus forte de l’histoire de France», en tout cas une «journée exceptionnelle en termes de mobilisation». Sur les trente dernières années, le record de manifestants date du 12 octobre 2010, avec 1,23 million de participants selon les autorités et 3,5 selon les syndicats.
Des facs de Lyon et Tolbiac lancent les blocages dans les universités. Plusieurs campus ont déjà fermé leurs portes ce lundi alors que les syndicats étudiants annoncent des mobilisations les 7, 8 et 9 mars contre la réforme des retraites mais aussi celle des bourses. Notre article.
Valérie Pécresse porte plainte contre Louis Boyard, Mélenchon applaudit l’Insoumis. Le challenge organisé par le deuxième plus jeune député de l’Assemblée n’en a décidément pas terminé de faire parler. L’ex-prétendante à la présidentielle et actuelle présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse a annoncé dans un communiqué aujourd’hui «porter plainte pour incitation au délit d’entrave et incitation à la violence» contre Louis Boyard. Elle s’explique : «Ses déclarations appelant au blocage des lycées et à des publications sur les réseaux sociaux sont inacceptables. Le droit de manifester doit respecter le droit d’étudier. Appeler aux blocages des lycées, c’est risquer l’affrontement. Les déclarations pyromanes de Louis Boyard sont irresponsables. Les lycées sont des sanctuaires et la violence n’a rien à y faire.» Le son de cloche est - sans surprise - totalement différent chez Jean-Luc Mélenchon qui félicite le député du Val de Marne sur Twitter : «Bravo Louis Boyard ! Coup au but ! Tous les perroquets du régime surjouent l’indignation et font la pub de ton idée ! Ils ont oublié les clowneries de Macron avec les youtubeurs.»
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Les syndicats de la RATP «prêt(s) à prolonger (le mouvement) jusqu’au retrait». Invité de BFM TV en début d’après-midi, Alexis Louvet, le co-secrétaire du syndicat Solidaires RATP, a assuré que les employés des transports parisiens étaient «prêts à prolonger (le mouvement) jusqu’au retrait». «On ne veut pas bloquer, on ne fait pas grève pour s’amuser. Personne n’a les moyens de perdre de multiples journées de salaire par la grève», précise-t-il à la veille de la «journée la plus suivie depuis le début du mouvement». Mais, «le gouvernement doit enfin cesser de prendre en otage la démocratie». Le syndicaliste ne se voit malgré tout pas prolonger le blocage «indéfiniment», ayant «bon espoir que le gouvernement revienne à la raison».
Un 8 mars sous le signe de la lutte contre la réforme des retraites. Des dizaines de milliers de manifestants sont attendues mercredi à Paris et dans environ 150 villes en France pour la journée internationale des droits des femmes, placée sous le signe de la lutte contre la réforme des retraites et les inégalités salariales. Ce 8 mars est «l’occasion d’appeler les femmes à investir massivement les rues pour obtenir le retrait du projet de réforme des retraites, qui va les pénaliser plus sévèrement», a déclaré lors d’une conférence de presse Youlie Yamamoto, cofondatrice du mouvement féministe «Les Rosies». Les syndicats FSU, CGT et Solidaires, ainsi que 45 organisations féministes, appellent à la «grève féministe» pour exiger «l’égalité au travail et dans la vie». Ils ont déposé des préavis dans tous les secteurs d’activité.
La CGT du groupe TotalEnergies a dénoncé lundi un «chantage» à l’emploi et à l’investissement. Selon la CGT Total Energies, la direction de deux raffineries exercerait un «chantage» à l’emploi et à l’investissement à l’égard des salariés souhaitant faire grève mardi. Les responsables des raffineries de Normandie et de Feyzin (Rhône) ont diffusé des vidéos en interne «pour dire qu’en gros, on sortait déjà d’une période compliquée, que remettre le couvert en termes de grève, ce serait mettre en péril les sites», a déclaré Eric Sellini, coordinateur CGT pour le groupe. Des éléments de langage repris peu ou prou par le directeur de la plateforme de Feyzin, Gilles Noguérol : soulignant une lourde perte financière subie par la raffinerie l’an dernier, il a fait appel à la «responsabilité» des employés pour «préserver» l’outil de travail «qui génère tant d’emplois et tant de fierté», estimant que l’avenir du site «passe par une disponibilité technique, mais il passe aussi par une disponibilité sociale».
Le «blocus Challenge», pas du goût de la présidente de l’Assemblée nationale. Qu’une visite de l’Assemblée nationale soit la récompense du concours lancé par le député LFI a achevé d’indigner les macronistes, qui ont estimé qu’avec son Blocus Challenge, le député LFI Louis Boyard «abîmait l’institution», selon les mots de sa présidente Yaël Braun-Pivet. Côté Rassemblement national, le député et porte-parole Laurent Jacobelli a brocardé le «deal» d’une visite de l’Assemblée nationale «contre une zadisation des lycées et des facs». Certains alliés de la coalition de gauche Nupes toussent aussi. «Je n’aime pas le débat public quand il se transforme en jeu. […] La créativité a toute sa place dans le débat mais elle doit trouver sa propre limite», a ainsi réagi le premier secrétaire du PS Olivier Faure sur Public Sénat. Côté LFI, on sourit. «J’observe que depuis hier il y a partout dans les médias et sur les réseaux un débat sur le blocage des lycées», se réjouit Aurélien Le Coq, co-animateur des Jeunes insoumis.
L’Assemblée n’est pas un prix de concours. La politique n’est pas un challenge TikTok. Vous devriez les servir, vous leur faites du mal.
— Yaël Braun-Pivet (@YaelBRAUNPIVET) March 5, 2023
Respectez votre fonction, respectez votre institution, respectez les Français ! https://t.co/A2CrJTKNvS
Le gouvernement lance son «trimestre anti-inflation». Pour tenter d’éteindre l’incendie de l’inflation sur les produits alimentaires à la veille de la mobilisation sur les retraites, le gouvernement a annoncé un «trimestre anti-inflation», opération commerciale qui laisse une grande liberté aux grandes surfaces, ainsi qu’un chèque alimentaire qui devrait voir le jour en 2023. L’opération commerciale qui vise à offrir, dixit le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, «le prix le plus bas possible» sur une sélection de «centaines» de produits laissée au choix des distributeurs, doit se prolonger jusqu’en juin. Il en coûtera «plusieurs centaines de millions d’euros» à la grande distribution, selon le ministre qui a scellé l’accord lundi à Bercy en présence des principaux représentants du secteur.
Plus de 60 % de grévistes dans les écoles. La FSU-SNUipp, le premier syndicat du primaire, estime que 60 % des enseignants du premier degré feront grève mardi, pour la sixième journée d’action qui s’annonce massive contre la réforme des retraites. Le taux de grévistes le plus élevé chez les enseignants date du 19 janvier, lors de la première journée d’action, avec 42,35 % dans le primaire et 34,66 % dans le secondaire selon le ministère. Ce 19 janvier, les syndicats avaient eux recensé jusqu’à 70 % d’enseignants grévistes dans le primaire et 65 % dans les collèges et lycées.
Un nouveau CDI pour les seniors, voté au Sénat. Dominé par la droite, le Sénat a voté ce lundi la création d’un nouveau type de contrat à durée indéterminée de «fin de carrière». Le but : favoriser le recrutement de salariés âgés d’au moins 60 ans. Cet amendement n’est pas du goût du gouvernement ni de la gauche. La majorité craint des effets d’aubaine tandis que les socialistes dénoncent un «cadeau» aux entreprises. «C’est une commande directe du Medef», dénonce le sénateur PS Yan Chantrel. Avec ce nouveau CDI, l’employeur serait exonéré de cotisations famille. Il pourrait mettre un terme au contrat en plaçant à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Il ne serait donc pas tenu de le conserver jusqu’à ses 70 ans, ce qui représente aujourd’hui «un frein à l’embauche de seniors», selon les rapporteurs du texte. La France est en dessous de la moyenne européenne pour l’emploi des 55-64 ans : 56 % contre 60,5 %.
Au Sénat, cinquième jour d’examen du texte pour les sénateurs. Après un week-end studieux, où les deux premiers articles (régimes spéciaux et index senior) du projet de loi réformant les retraites ont été adoptés, les élus de la Chambre haute poursuivent l’examen du texte ce lundi. Au menu de la matinée : l’amendement du rapporteur René-Paul Savary (LR) visant à créer un CDI exonéré de cotisations pour les salariés d’au moins 60 ans. Le but étant de favoriser l’emploi des salariés proches de la retraite. A la tribune, les ministres Olivier Dussopt et Gabriel Attal ont exprimé leurs réticences sur la proposition du groupe majoritaire au Sénat. Le ministre du Travail s’est dit ouvert à une expérimentation de la mesure, mais préfère la renvoyer à un décret pris après concertation entre les branches professionnelles. Son collègue des Comptes publics s’est dit, lui, «sceptique» sur une baisse de cotisations liées à l’âge. «Le risque, c’est qu’on décale le problème à ceux qui sont juste avant 60 ans», pointe Attal, avant de mettre en garde contre un amendement «qui coûte une certaine somme». La gauche, par la voix de Monique Lubin (PS) a dénoncé des «cadeaux aux entreprises» qui ne favoriseraient pas l’embauche des seniors. Les débats doivent se poursuivre toute la semaine jusqu’au gong final, dimanche à minuit.
Déjà deux campus bloqués à Lyon. A la veille de la mobilisation générale contre la réforme des retraites, les étudiants de l’Université Lyon 2 ont pris de l’avance. Les campus Berges du Rhône et Porte des Alpes de l’établissement sont bloqués ce lundi matin. Une caisse de grève a été mise en place par l’Unef locale pour soutenir la mobilisation des personnels de l’université. La mise en mouvement de la jeunesse est un enjeu très important du mouvement social en cours. Ce week-end, le député LFI et ancien syndicaliste lycéen, Louis Boyard, a lancé un défi à la jeunesse sous forme de Challenge TikTok. Il enjoint les jeunes à lui envoyer les plus belles photos de blocage de leur lycée ou université le 7 mars prochain.
On lance le #BlocusChallenge !
— Louis Boyard (@LouisBoyard) March 5, 2023
🚫 Contre macron et sa réforme, le #7mars bloque ta fac ou ton lycée
📸 Poste la plus belle photo de ton blocus avec le hashtag #BlocusChallenge
🏆 On tirera au sort une des photos et on emmène l’équipe de bloqueurs visiter l’Assemblée nationale pic.twitter.com/ZU0DigheGD
Ruffin voit «une forme de folie» dans la détermination de Macron. Le député de La France insoumise François Ruffin voit «une certaine forme de folie» dans la volonté d’Emmanuel Macron de faire passer sa réforme des retraites malgré un refus majoritaire de l’opinion, ironisant auprès d’Europe 1 sur son «bon sens du CAC40». Le chef de l’Etat «malheureusement aujourd’hui est plus à même d’écouter Jeff Bezos, le patron d’Amazon […] que d’écouter les Français qui travaillent», a déploré le parlementaire. «Ils ont la valeur travail dans les mots mais ils l’écrasent tous les jours dans les faits», a encore critiqué le député LFI, décrivant «la France qui manifeste» comme celle «qui se lève tôt», «qui va au boulot», «qui prend son auto» et «qui a mal au dos». François Ruffin appelle à faire de cette sixième journée de mobilisation une «work pride» (marche de la fierté du travail), développant «cette France-là mérite le respect : il y a une demande de fierté».
Laurent Berger : «Nous devons avoir demain une mobilisation puissante». Il est l’heure de battre le rappel. Au micro de France Inter, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a enjoint ce lundi matin : «Nous devons avoir demain une mobilisation puissante.» L’objectif ? «Faire plus fort que le 31 janvier dernier, toutes les enquêtes d’opinion le montrent il y a un profond rejet de l’âge de 64 ans.» Face à un «mouvement démocratique et populaire» s’exprimant de manière «pacifique», «le président de la République ne peut pas rester sourd», martèle Laurent Berger. Le dialogue est pour l’heure rompu avec le gouvernement. L’intersyndicale «n’a pas été reçue» par l’exécutif, seul un coup de fil de la Première ministre Elisabeth Borne a été reçu «individuellement» par les syndicalistes.