Annoncée en juin, la fermeture d’une ligne de production de l’usine de papier de la papeterie Condat laissait craindre une saignée sociale. On connaît désormais son ampleur. Les syndicats du plus gros employeur privé de Dordogne ont signé un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant 174 licenciements, soit plus de 40 % des quelque 420 salariés, a-t-on appris mercredi auprès de la direction et de l’intersyndicale. «Alors que notre gouvernement prône la réindustrialisation du pays, il faudrait commencer par maintenir les usines déjà installées ! C’est une catastrophe économique et sociale pour notre territoire», s’indignait cet été auprès de Libération Philippe Delord, élu CGT de l’entreprise implantée à Lardin-Saint-Lazare.
Après plusieurs semaines de négociations et une date-butoir ce mercredi 10 octobre, les syndicats CGT, FO et CFE-CGC ont accepté la veille les modalités de départ des salariés concernés. «Le PSE va partir à la Dreets [Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, ndlr] et il y aura validation de la Dreets puisque les trois organisations syndicales ont signé», a expliqué Jean-François Sarlat, représentant CFE-CGC. Le PSE visait initialement la suppression de 187 emplois en raison de la fermeture de la ligne de production 4 spécialisée dans le papier couché double face, destiné à l’édition.
L’accord prévoit une prime supra-légale de 6 000 euros par salarié plus 400 euros par année d’ancienneté, soit 22 000 euros pour ceux qui ont passé quarante ans dans l’entreprise. Sont également prévues des aides pour accompagner les salariés âgés proches de la retraite et des primes à la création d’entreprise ou de microentreprise. Les salariés concernés devraient recevoir, eux, leur lettre de licenciement d’ici au mois de novembre. De son côté, le groupe espagnol Lecta, propriétaire de l’usine, n’a pas souhaité faire de commentaire. Philippe Delord a indiqué à France Bleu que les syndicats étudient les possibilités pour faire retoquer ce PSE.
33 millions d’euros d’aides publiques pour l’entreprise
Le groupe espagnol avait pourtant reçu un paquet d’aides financières pour son site périgourdin. En 2020, la région Nouvelle-Aquitaine a accordé 19 millions d’euros de prêt à taux zéro pour la modernisation de la ligne 8 en contrepartie… de la conservation des plus de 400 emplois, mais aussi d’une subvention de 14 millions d’euros par l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour l’installation d’une chaudière biomasse (CSR). La région avait expliqué qu’en cas d’issue négative n’est pas trouvée, elle exigerait le remboursement immédiat du prêt. La direction de Lecta mise d’ailleurs sur la ligne 8, dédiée aux papiers pour étiquettes notamment. Et fait valoir 140 millions d’investissements dans la machine et la chaudière biomasse depuis trois ans.
Lecta, qui emploie 2 850 salariés dans sept usines, dont la moitié en Espagne, est né à la fin des années 1990 de la réunion de Cartiere del Garda (Italie), Condat et Torraspapel (Espagne), rachetées par le fonds CVC Capital Partners. En 2019, le groupe est passé dans les mains d’autres fonds (Apollo, Cheyne Capital, Tikehau et Credit Suisse Asset Management). La maison mère est aujourd’hui basée à Londres, où elle n’emploie aucun salarié selon son dernier rapport annuel.
Un blocage du site de la papeterie Condat avait été organisé pendant dix-sept jours entre fin août et mi-septembre par les salariés pour faire entendre leur voix, tandis que l’intersyndicale plaidait pour une cession à un repreneur. Mais ni cette mobilisation, ni les aides versées, ni l’impact de ces licenciements sur les plus de 1 200 emplois directs et indirects, selon la région Nouvelle-Aquitaine, n’auront suffi à empêcher le départ de près de la moitié des emplois de la papeterie Condat.