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Outre-mer

En Martinique, un retour au calme apparent dans l’attente de l’issue des négociations

Après une semaine intense et tendue, l’île a retrouvé un peu de tranquillité ce dimanche 13 octobre alors que les négociations pour encadrer les prix des denrées alimentaires sont dans un entre-deux. Elles doivent reprendre mardi pour un dernier round.
Fort-de-France, le 25 septembre 2024. (Ed Jones/AFP)
publié le 13 octobre 2024 à 18h54

Fort-de-France n’est pas connu pour être animé le dimanche et ce 13 octobre n’échappe pas à la règle. Dans les rues du centre-ville de la préfecture de Martinique, les rideaux des commerces sont tirés et les animations sont rares. Il y a un peu de queue à la boulangerie, quelques passants qui se baladent entre les stands d’un petit marché, du monde à la messe pour l’installation du nouveau curé, et c’est à peu près tout. Mais il flotte dans l’air une ambiance légère, calme, un semblant de normalité auquel les Martiniquais n’étaient, depuis quelques jours, plus habitués.

Après une semaine intense et tendue, marquée par des barrages sur de nombreuses routes, des manifestations qui virent aux affrontements avec forces de l’ordre, un envahissement de l’aéroport et un couvre-feu, l’île a retrouvé un peu de tranquillité. Depuis samedi, la plupart des routes sont dégagées. Il ne reste que quelques rares points de blocages ça et là, tenus la nuit par une poignée de jeunes et facilement contournables. «L’accalmie amorcée hier se confirme, la nuit de samedi à dimanche a été calme, s’est félicitée la préfecture ce dimanche matin. Aucun incident majeur n’est à déplorer selon les forces de sécurité intérieure.»

La trêve reste malgré tout fragile. Il y a la queue à toutes les stations-service, sur fond de crainte d’une pénurie de carburant et autres rumeurs de blocage de la raffinerie de l’île. La préfecture assure pourtant ce dimanche que «les stations-service sont approvisionnées dans des conditions normales et qu’aucune tension dans la production et dans la livraison ne sont à attendre». Il y a surtout ces centaines de voitures calcinées laissées à l’abandon chez un concessionnaire automobile de la banlieue de Fort-de-France, ces cadavres de camions, bus et poubelles croisés le long de routes, ou la suie qui colle au bitume sur les ronds-points et qui viennent rappeler que les braises ne sont pas encore tout à fait éteinte et qu’il suffirait d’un rien pour que le mouvement reparte de plus belle.

Le nombre de produits concernés, principal point de blocage des discussions

Le sort de l’île est suspendu à ce qu’il sortira des négociations menées dans les bureaux de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) entre le préfet, les élus, les représentants du RPPRAC (l’association qui a lancé le mouvement contre la vie chère) et les distributeurs. Arrêtés tard dans la nuit vendredi, les échanges qui pourraient aboutir sur une large baisse des prix des denrées alimentaires sont censés reprendre une dernière fois mardi. Le principal point de crispation qui persiste concerne le nombre de produits concernés par la ristourne.

Qu’il y ait accord ou non, la réponse de l’État sur le plan sécuritaire est aussi scrutée de près. Samedi, plusieurs centaines de personnes ont défilé dans les rues de Fort-de-France à l’appel d’une trentaine d’organisations syndicales pour demander le départ d’une compagnie de CRS dépêchée fin septembre en Martinique, une première depuis les manifestations sanglantes de décembre 1959. «Tout se passait dans le calme jusqu’à ce qu’on nous gaze et qu’on nous envoie les CRS. C’est juste de la provoc, les autorités et le préfet ont mis de l’huile sur le feu, il ne faut pas s’étonner qu’on réponde derrière», s’insurgeait un ancien employé d’hôtel aujourd’hui retraité rencontré dans le cortège.

Le sort de Rodrigue Petitot sur toutes les lèvres

Beaucoup s’inquiètent aussi du sort «du R», Rodrigue Petitot, le leader du RPPRAC ultra-soutenu par les manifestants. Sans citer son nom directement, Bruno Retailleau l’avait visé lors d’une prise de parole vendredi en marge d’un déplacement en Seine-et-Marne. «On a un travail avec la justice pour judiciariser un certain nombre d’individus, je pense particulièrement à un qui sort de quatre ans prison pour trafic de produits illicites», avait lâché le ministre de l’Intérieur, faisant référence aux multiples condamnations de la figure du mouvement. Une déclaration paradoxale puisque Rodrigue Petitot fait partie des acteurs qui négocient au nom du RPPRAC avec le préfet, donc l’État, et qui n’est pas du tout passée en Martinique.

«S’il se fait attraper, c’est sûr que ça va repartir», nous soufflait un manifestant samedi. Au micro, une syndicaliste se faisait plus menaçante encore : «Ils n’ont pas intérêt à toucher à un seul cheveu du R. S’ils le font, nous allons embraser la Martinique et mettre le feu partout.»