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Travail

Face à l’explosion des licenciements, un rapport parlementaire pointe «l’attentisme» du gouvernement

Alors que le nombre de plans sociaux explose depuis 2024, une commission d’enquête de l’Assemblée souligne l’inaction du gouvernement dans un rapport publié ce jeudi 16 juillet. Les Ecologistes veulent profiter de l’examen du prochain budget pour alerter.
Une mobilisation devant le siège d'ArcelorMittal, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 13 mai 2025. (Bastien Andre/Hans Lucas. AFP)
publié le 17 juillet 2025 à 21h25

Michelin, Kaporal, Casino, ArcelorMittal… En un an, les plans de licenciements se sont multipliés. En mai 2024, la CGT sortait son «premier livre noir des licenciements». Cette année, le syndicat estime à au moins 400 le nombre de sites touchés par des plans sociaux depuis le mois de septembre 2023. A la suite de ce constat, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale a publié un rapport, mercredi 16 juillet, qui pointe les «défaillances» des pouvoirs publics vis-à-vis de la hausse des plans de sauvegarde de l’emploi. «Il est urgent de redonner aux pouvoirs publics les moyens de protéger les emplois et les territoires», dit la commission d’enquête présidée par Denis Masséglia (EPR), député du Maine-et-Loire. Le caractère inédit de ces licenciements réside d’ailleurs dans le fait qu’«aucun secteur» et «aucun territoire» n’est épargné, assure le député écologiste et rapporteur des travaux, Benjamin Lucas-Lundy, à Libération.

Pendant quatre mois, les parlementaires ont souligné l’explosion du nombre de licenciements dans l’industrie, le tertiaire, le prêt-à-porter et même le secteur bancaire. Selon le député écologiste, l’explication est multifactorielle. Il évoque un affaiblissement du droit du travail – notamment avec la loi El Khomri de 2016 qui a élargi les motifs de licenciements pour raison économique – couplée à l’installation d’un «attentisme avec la mythologie du plein-emploi des gouvernements Macron, selon laquelle un poste supprimé est recréé ailleurs».

«Un manque de démocratie économique»

Parmi les exemples étudiés par la commission d’enquête, on retrouve «le drame écologique et social» de l’entreprise Michelin. Avant 2026, plus de 1 250 salariés de l’ouest de la France – employés par les usines de Cholet (Maine-et-Loire) et Vannes (Morbihan) – verront leur site fermé, et avec, leurs postes être supprimés. Si pendant son audition, Florent Menegaux, le président du groupe, a évoqué «la hausse des coûts de production en Europe, la fiscalité, la hausse du prix des matières premières», les syndicats ont une vision des choses bien différente. Selon la restitution de l’audition de Nicolas Robert, délégué syndical central SUD de l’usine de Cholet, les licenciements sont «souvent le résultat de choix politiques, managériaux et financiers, parfois accompagnés d’un silence complice de l’Etat».

Et ces mauvaises orientations seraient en partie dues à un manque d’attention porté aux alertes des partenaires sociaux. Dans le cas de Michelin, les représentants de salariés avaient mis en garde le patronat deux ans avant l’annonce du plan de licenciement. «Il y a un manque de démocratie économique», analyse Benjamin Lucas-Lundy, qui veut «rééquilibrer le rapport de force entre représentants salariés et patronat».

Un déséquilibre aussi observé dans la grande distribution. A noter que chez les deux enseignes étudiées par la commission, on décompte plus de 2 200 licenciements pour le groupe Casino sur la période 2024-2025, et près de 200 de plus pour Auchan sur la même période. Chez les deux groupes, la commission dit avoir fait un «constat alarmant», en observant à regret des salariés trop peu intégrés aux «orientations stratégiques». Pour y remédier, Benjamin Lucas-Lundy préconise de relever «la représentativité des salariés dans le conseil d’administration à 50 %». Pour l’heure, depuis 2019, avec la loi Pacte, un conseil d’administration de plus de huit membres doit compter au moins deux représentants des salariés.

Conditionner les aides publiques au maintien de l’emploi

Parmi les 51 préconisations du rapport, le député écologiste veut aussi qu’on «applique les mêmes contraintes aux grandes entreprises qui perçoivent des aides publiques que pour les versements d’allocations sociales», et ainsi conditionner les aides au maintien de la création d’emploi. D’autant qu’il existe un «manque de transparence sur le nombre d’aides publiques perçues par les entreprises», assure-t-il. Selon la Cour des comptes, ces aides perçues par les entreprises s’élèveraient à 260 milliards entre 2021 et 2023, «mais il n’existe aucun calcul de Bercy». Benjamin Lucas-Lundy souhaite alors pousser pour la création «d’une Haute Autorité indépendante», capable de contrôler la légitimité de l’argent perçu.

En parallèle de la préconisation de leviers à activer en «dernier recours» qui existent déjà, comme la «nationalisation temporaire d’entreprises», il prévoit de profiter de l’examen du projet de loi de finance 2026 pour porter certaines mesures via des amendements. Avec son groupe, l’écologiste entend profiter de l’objectif des 43,8 milliards d’euros d’économies pour démontrer celles qui pourraient être faites «grâce à un meilleur contrôle des entreprises qui ne garantissent pas l’emploi sur le territoire».