Le sursis de six mois accordé par le ministère du Travail devait arriver à son terme ce soir. Près de deux millions de salariés du privé doivent toujours effectuer le transfert de leurs heures acquises avant 2015, dans le cadre du DIF, sur leur compte professionnel de formation (CPF). Un montant pouvant aller jusqu’à 1 800 euros de droits qui sera irrémédiablement perdu en cas de retard. Face à l’afflux de visiteurs sur le site dédié ces dernières heures, le rendant inaccessible, le gouvernement s’est engagé ce mercredi à faire preuve de «souplesse», sans donner de nouveau délai. Libération vous explique comment ne pas perdre ces droits acquis à la formation.
Qu’est-ce que DIF et CPF ?
Créé en 2008, le Droit individuel à la formation (DIF) permettait aux salariés du secteur privé de suivre une formation professionnelle continue grâce à des heures de droit à la formation. A l’origine, ce compte était abondé à hauteur de vingt heures par an avec un plafonnement maximum de 120 heures. Depuis le 1er janvier 2015, il a été remplacé par le Compte professionnel de formation (CPF) qui a dès lors converti ces heures en euros. Chaque salarié est désormais crédité de 500 euros par an (800 pour les peu qualifiés) et peut cumuler jusqu’à 5 000 euros à dépenser «par tout salarié, tout au long de sa vie active y compris en période de chômage, pour suivre une formation qualifiante ou certifiante», rappelle le site service-public.fr.
Mais le transfert entre les droits à la formation acquis dans le cadre du DIF et le CPF n’est malheureusement pas automatique, sauf pour les agents de la fonction publique. De leur côté, les actifs en entreprise devront procéder par eux-mêmes à ce transfert s’ils peuvent justifier d’une activité professionnelle entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2014 par une fiche de paie ou une attestation d’employeur. Une fois ce transfert effectué, les heures acquises sont alors transformées en euros à raison de 15 euros par heure, ce qui peut représenter une somme allant jusqu’à 1 800 euros pour une personne n’ayant jamais utilisé son compte DIF.
Comment faire ?
La première chose à faire, si ce n’est pas déjà fait, c’est de créer un espace personnel sur le site internet www.compteformation.gouv.fr ou bien sur l’application «Mon compte formation». Une opération simple qui s’effectue à l’aide de son numéro de sécurité sociale. Une fois connecté, il faut entrer ses droits acquis au titre du DIF dans la rubrique «saisir mon DIF» en dessous de l’onglet «Mes droits à la formation». Cette manipulation s’effectue grâce au solde indiqué sur la dernière attestation DIF, ou sur une ancienne fiche de paie. Une fois le report effectué, il sera possible de consulter son crédit CPF disponible sur la page «Mes droits formation». Ce solde peut dès à présent être utilisé pour payer en partie ou en totalité une formation.
Une vidéo explicative est disponible directement sur le site du CPF mais il est également possible de poser ses questions au numéro gratuit mis en place par le ministère du travail ou par l’intermédiaire d’un formulaire dédié.
Où en est-on du transfert ?
2 millions de salariés manqueraint toujours à l’appel. A ce jour, 6,3 millions de personnes auraient déjà intégré leurs droits individuels à la formation à leur CPF, selon la fédération de la formation professionnelle, pour une moyenne de 1 264 euros par compte. Un retard de transaction qui peut notamment s’expliquer par le fait que deux salariés sur trois estiment ne pas avoir été assez informés et 73 % ne pas avoir vu de campagnes d’informations sur le sujet au cours des derniers mois, selon un sondage Ipsos/Wall street english. Un problème auquel le ministère du Travail a tenté de remédier en lançant récemment sa campagne de communication et de sensibilisation qui aurait permis d’augmenter les enregistrements et permettant d’atteindre les 10 000 transferts par jour.
Il est d’autant plus important de rappeler que malgré le confinement, le nombre de formations demandées a plus que doublé. Il est passé de 630 000 en 2019 à 1.6 millions en 2021. Une montée en charge renforcée par la sortie de l’application «Moncompteformation» sortie fin 2019 et qui permet de s’inscrire à une formation sans passer par un intermédiaire.
Attention aux arnaques !
Le ministère met néanmoins en garde, sur son site internet, contre les escroqueries liées à la mise en place de ce service, mais également face à la date butoir qui approche, favorisant les démarches abusives. A cette occasion, bon nombre d’organismes tentent de presser les actifs en multipliant les mails, sms et appels, les encourageant à souscrire à une de leurs formations. Malheureusement certaines de ces sollicitations s’avèrent être des arnaques. Le principe est simple : faire croire à ceux qui ne l’auraient pas déjà fait, qu’il est nécessaire de choisir une formation avant le 30 juin. Résultat, certains usagers se précipiteraient pour s’inscrire dans certaines formations dont la qualité est loin d’être garantie, ou pour se faire «aider pour établir le transfert» au risque d’être victimes d’une usurpation d’identité.
La caisse des dépôts, qui gère le site «Moncompteformation» aurait déjà relevé plus de 10 000 comptes potentiellement exposés à une arnaque, sur 38 millions de comptes. Une fraude qui représenterait de 10 à 12 millions d’euros détournés.
Pour lutter contre ces arnaques, la caisse des dépôts conseille de «raccrocher si on vous appelle au sujet du DIF ou du CPF» assurant que «la seule fois ou on appelle un actif, c’est qu’il a déjà fait une démarche vers nous.» Pour mémoire, l’usager a toujours onze jours pour se rétracter, en cas de doute, après avoir accepté une formation. Et les conditions générales de ventes ont été modifiées pour interdire les démarches commerciales déloyales et proscrire les sollicitations régulières et informations trompeuses. «Quand on a des organismes qui abusent ou importunent les usagers, on les sort», affirme le directeur de la formation professionnelle à la caisse des dépôts, Laurent Durain. Mais selon lui «la date du 30 juin va mettre fin aux abus qui surfaient sur un sentiment d’urgence».