Trois ans et demi de mandat et puis s’en va. Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière, passera vendredi la main à l’issue du 25e congrès du syndicat, qui démarre au Parc des expositions de Rouen ce lundi. Près de 3 000 délégués vont débattre autour de grandes tablées de la feuille de route à suivre pour les années à venir. Le numéro 1 de FO en a donné un avant-goût à la mi-journée en présentant le rapport d’activités 2022 : «FO n’a pas vocation à rester troisième confédération syndicale. Nous avons vocation à progresser encore et encore, chaque jour.» Sous-entendu : dépasser la CGT.
Vu ces grandes ambitions, hors de question pour l’organisation de dégrader son image lors de ce Congrès. Tous ont en tête le cauchemar de 2018, à Lille. Le débat «doit se passer de manière sereine et fraternelle. Après ce qui nous est arrivé en 2018, le congrès et les syndicats y seront attentifs», a averti dimanche dans une interview au Parisien Yves Veyrier, l’actuel secrétaire général. Le chef de l’époque, Jean-Claude Mailly, avait été copieusement hué par une partie des troupes de FO. Et six mois plus tard, son successeur, Pascal Pavageau, avait été poussé à la démission après la polémique due à la révélation d’un fichage interne des dirigeants de la centrale.
Un proche de Veyrier grand favori
Le défi était immense pour Veyrier, élu de justesse fin novembre 2018 après le séisme Pavageau face à deux candidats issus des tendances «trotskistes» et «anarchistes». Il fallait alors rassembler une organisation minée par des querelles fratricides où cohabitent toute une palette de sensibilités. En mars, le secrétaire général de 64 ans a annoncé qu’il ne souhaitait pas rempiler. Au cours de son mandat, il a eu le temps de s’illustrer notamment lors de deux négociations paritaires en 2020 sur le télétravail et la santé au travail, qui ont donné lieu à des accords interprofessionnels nationaux.
Son travail a été amplement salué dans les rangs de FO. Aujourd’hui, deux hommes s’affrontent pour prendre la relève : le favori, Frédéric Souillot, secrétaire confédéral au secteur de l’organisation et des affaires juridiques, âgé de 54 ans, et Christian Grolier, 56 ans, secrétaire général de la fédération générale des fonctionnaires. Déjà candidat en 2018, ce dernier est issu du courant «troskiste». Venu de la fédération de la métallurgie, Souillot, lui, est un proche de Veyrier, et semble quasi assuré de l’emporter.
La retraite à 60 ans, «un idéal»
Si FO a conforté sa position dans le secteur public, sa représentativité dans le privé s’est légèrement effritée entre 2017 et 2021. Dans une interview au Monde, Yves Veyrier a pointé le «défi majeur» du syndicat, qui souhaite progresser dans les petites et moyennes entreprises, «secteurs où les syndicats sont peu implantés.» Le tout dans un contexte de déclin syndical lié à la transformation de l’emploi. Dans son discours bilan au congrès ce lundi, Veyrier a donné le cap : «Nous devons aller au devant et convaincre les travailleurs, femmes, hommes, jeunes, en apprentissage, en stage, en situation de précarité, à temps partiel, à domicile, isolés, demandeurs d’emploi, travailleurs de plateforme, de prendre part au syndicat.»
Son successeur aura évidemment à se frotter à réforme des retraites, confirmée par Emmanuel Macron malgré un front du refus syndical unanime. Dans sa prise de parole, Veyrier a réaffirmé que la priorité était de «commencer par bloquer» un recul de l’âge de départ à 65 ans, une position commune à tous les autres syndicats de salariés. Et d’ajouter que la retraite à 60 ans restait «une aspiration pour FO, un idéal».
Souillot, inconnu du grand public mais facile à reconnaître grâce à ses anneaux aux oreilles, compte bien s’inscrire dans la ligne ferme de son prédécesseur. Favori, il peut compter sur le soutien des proches de Veyrier, et notamment de la puissante fédération FO-métaux, et d’une partie des militants trotskistes encartés à FO. Son rival, Grolier, malgré le soutien des fonctionnaires, n’obtiendrait qu’un quart des voix selon les derniers pointages. Il pourrait donc se retirer avant même le scrutin prévu vendredi.