Menu
Libération
Mouvement social

Grève ou pas grève : état des lieux dans les huit raffineries françaises

La grève dans les raffineries françaises de TotalEnergies a été reconduite sur cinq sites par la CGT lundi tandis que, du côté d’Esso-ExxonMobil, elle a été levée jeudi et vendredi. «Libé» fait le point sur la situation des raffineries mobilisées.
La grève pour les salaires a été reconduite ce mercredi après-midi sur le site Esso-ExxonMobil de Gravenchon (Seine-Maritime). (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
publié le 12 octobre 2022 à 18h41
(mis à jour le 19 octobre 2022 à 16h05)

Pour la plupart, le combat continue. A la veille de la journée nationale de grève ce mardi, cinq sites de TotalEnergies poursuivent leur mobilisation malgré la signature d’un accord sur les salaires conclu entre la direction et deux syndicats. La CGT a notamment toutefois refusé de signer. Les raffineries et dépôts de Normandie, Donges, Mède, Feyzin ainsi que le dépôt de Flandre figurent ainsi toujours dans la liste des sites en grève. Les deux raffineries d’Esso-ExxonMobil - Port-Jérôme-Gravenchon et Fos-sur-Mer - ont quant à elles dû reprendre du service après la conclusion d’un accord salarial. Celles de Lavéra (groupe Petroineos) et de Grandpuits (Total) ne sont pas pas bloquées.

A Gravenchon et Fos-sur-Mer, il n’y a «plus de levier pour [se] battre»

Après 25 jours de mobilisation, la grève a finalement été levée jeudi à la raffinerie de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), puis vendredi à celle du Port-Jérôme-Gravenchon (Seine-Maritime). L’arrêt du mouvement a été décidé à l’issue d’un vote des salariés. «Les négociations avec la direction sont bloquées et les réquisitions sont en place, nous n’avons plus de levier pour nous battre», a regretté Christophe Aubert, délégué syndical central CGT.

Cette décision intervient après qu’un accord a été trouvé mardi 11 octobre entre la direction et deux syndicats, dont la CFDT, mais pas avec la CGT, qui avait alors décidé de maintenir l’appel à la grève sur les deux sites.

Le site de Port-Jérôme-Gravenchon avait été le premier à être visé par des réquisitions de personnels le mercredi 12 octobre pour permettre la livraison de carburants, en rupture dans de nombreuses stations-service. Malgré la menace de réquisition, la grève avait été reconduite le jour même, votée à l’unanimité par la quinzaine de salariés présente sur le piquet de grève. Le recours en référé de la CGT devant le tribunal administratif de Rouen pour contester les arrêtés de réquisitions avait été rejeté deux jours plus tard.

Selon la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher ce lundi, les pipelines du site, qui alimentent entre autres le dépôt pétrolier de Gennevilliers, «ont redémarré». «Mais il faut maintenant pousser le carburant jusque dans les stations», a-t-elle ajouté. Cela peut prendre une dizaine de jours pour redémarrer totalement l’infrastructure.

A 930 km de là, aucun carburant n’était sorti de la raffinerie de Fos-sur-Mer depuis le 21 septembre. Quelque 200 grévistes de TotalEnergies et Esso-ExxonMobil s’étaient rassemblés le mardi 11 octobre devant le site d’Esso pour dénoncer des conditions de travail qui se détériorent dans l’indifférence. Ils avaient ensuite rejoint en voiture le site Total de la Mède - qui a elle reconduit la grève vendredi - au bord de l’étang de Berre. En tout, 42 membres du personnel avaient déjà été réquisitionnés, côté raffinerie, «pour la mise en sécurité du site» mais sans production de carburant.

Dans un communiqué, le groupe Esso a indiqué que le retour «à une situation de marche normale» dans les deux raffineries prendra «deux à trois semaines». «Les unités des deux raffineries d’Esso Raffinage seront progressivement redémarrées selon les protocoles de sécurité nécessaires et de façon à minimiser les nuisances», ajoute l’entreprise.

A Gonfreville-L’Orcher, le combat continue

La plus grande raffinerie de France (22 % des capacités de raffinage du pays et environ 1 600 employés), près du Havre, a aussi été la première à s’interrompre dès le 27 septembre. Et, après un vote à main levée tenu jeudi 13 octobre, il a été décidé qu’elle ne reprendrait pas ses activités. Selon Les Echos, 23 % de ses salariés y feraient désormais grève. Hasard du calendrier : le géant pétrolier Total comparaissait la veille devant le tribunal correctionnel du Havre, à la suite d’un incendie survenu dans cette raffinerie en 2016, qui avait blessé cinq personnes, selon le média d’investigation local le Poulpe.

A Feyzin, la raffinerie poursuit la grève, le dépôt est réquisitionné

La raffinerie de la banlieue lyonnaise était aussi entrée dans le mouvement mercredi 12 octobre. Samedi matin, la CGT a annoncé que le site maintenait le cap. Les premiers jours de la grève, TotalEnergies assurait qu’elle était à l’arrêt à cause d’un accident technique. La grève du «service expédition empêche les livraisons» de carburant, expliquait de son côté Sébastien Saliba, secrétaire général CGT à Feyzin, cité par le site Rapportsdeforce. «D’habitude, il y a 250 à 300 camions par jour et entre 30 et 50 wagons, là, il n’y a rien qui va sortir», ajoute la CGT.

En revanche, le gouvernement a annoncé lundi réquisitionner le dépôt de Feyzin. Comme l’a annoncé la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, lors d’une visite matinale sur le port de Gennevilliers en Ile-de-France, sept personnes devront reprendre du service à partir de 14 heures ce lundi. «Nous le faisons pour les Français, nous ne le faisons pas contre les grévistes, elles (les réquisitions) sont absolument nécessaires pour que les gens puissent continuer d’aller au travail et subvenir à leurs besoins basiques», a-t-elle affirmé.

Donges stoppe la grève

Après plusieurs jours de débrayage, les salariés de la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique) ont voté la fin de la grève ce mercredi, en milieu d’après-midi a annoncé le secrétaire CGT Fabien Privé Saint-Lanne. «En responsabilité et en conscience, l’arrêt de la grève a été annoncé pour le personnel d’exploitation à compter de 13h et pour le personnel de jour à compter 17h», a-t-il déclaré à l’issue d’une assemblée générale.

Vendredi 14 octobre, les grévistes de cette raffinerie implantée près de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) avaient voté en faveur de la reconduction du mouvement au moins jusqu’à mercredi. Selon Ouest-France, 400 personnes étaient alors rassemblées. Toutefois, ils se sont aussi engagés à livrer du carburant ce week-end. «Nous avons ouvert ces robinets pour détendre l’atmosphère. L’objectif n’est pas de diviser les Français, de créer des tensions, l’objectif est maintenant de rassembler les Français autour d’une même revendication», a indiqué samedi Fabien Privé Saint-Lanne, secrétaire CGT TotalEnergies.

Dans cette raffinerie de plus de 600 salariés, la grève pour les salariés s’était étendue à partir de 5 heures, mercredi 12 octobre. L’appel à la grève émanait de la CGT et de FO. «Ce qui nous fait réagir : il y a deux points. D’abord le blocage complet de la part de Total dans les discussions et les revendications de nos collègues des autres établissements depuis maintenant près de trois semaines. […] Et d’autre part, les réquisitions qui viennent d’être effectuées par Elisabeth Borne au sein d’Exxon, qui sont une atteinte au droit de grève constitutionnel», avait déclaré Fabien Privé Saint-Lanne. Le secrétaire estimait que les mesures de réquisition pour débloquer les dépôts de carburants du groupe Esso-ExxonMobil «[mettaient] le feu aux poudres, clairement».

A Grandpuits, l’ombre de 2010

Dans un communiqué publié mercredi 12 octobre dans l’après-midi, le syndicat FO de Grandpuits-Gargenville (Seine-et-Marne) avait annoncé rejoindre «la grève légitime engagée depuis le 27 septembre 2022». Les grévistes s’étaient toutefois massivement mobilisés au dépôt de carburants de cette même commune plutôt qu’à la raffinerie, qui continue à fonctionner normalement (sauf les week-ends). Il s’agissait, selon la CGT, de limiter au maximum la sortie de produits pétroliers. Toutefois, le jeudi 13 octobre, la base de chargement de Grandpuits était à nouveau ouverte. Le coordinateur CGT du groupe Eric Sellini a déclaré qu’elle n’était plus «bloquée par des militants sur place». Sans savoir cependant «si la logistique va suivre» pour que le site fonctionne de nouveau.

C’est notamment à Grandpuits qu’à l’occasion du conflit sur la réforme des retraites de 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le gouvernement avait procédé à des réquisitions d’employés dans la raffinerie, à l’arrêt pendant deux semaines.

A Lavéra, tout roule

Dans cette raffinerie du groupe Petroineos des Bouches-du-Rhône, point de piquets de grève. Et pour cause : les salariés ont déjà obtenu des hausses salariales jugées satisfaisantes. «Les résultats sont tellement bons en ce moment que c’était bien normal», se félicite Sébastien Varagnol de la CGT du site. Dans le détail, les employés ont négocié une augmentation de salaire plancher de 200 euros et une augmentation de 20 % de la prime de déplacement.

Mise à jour : ce lundi à 16 h 05, avec l’évolution des situations dans les différents raffineries.