A l’occasion des «Rendez-vous de l’histoire», qui se tiennent à Blois du 4 au 8 octobre, la rédaction de Libération invite une trentaine d’historiens et historiennes pour porter un autre regard sur l’actualité. Retrouvez ce numéro spécial en kiosque jeudi 5 octobre et tous les articles de cette édition dans ce dossier.
L’historien et l’historienne sont des hommes et des femmes comme les autres. Ils voient la pauvreté dans les rues qu’ils arpentent. Les matelas installés dans les encoignures des portes, les sans-abri qui y passent leurs nuits et souvent leurs jours. Certains leur deviennent familiers. Ils savent dans leur quartier où s’installent les soupes populaires avec leurs files, surtout d’hommes, qui attendent d’être servies. Dans le supermarché qu’ils fréquentent, ils prennent la liste tendue par les bénévoles des banques alimentaires et achètent les produits de première nécessité qu’ils demandent.
Mais l’historienne et l’historien sont aussi différents. Attentifs à l’actualité, ils savent que les questions qu’ils posent au passé sont des questions du présent. Ils savent que ce qu’ils voient n’est pas la totalité de ce qui est. Ils veulent comprendre. Ils souffrent aussi de réminiscences. Le présent fait écho au passé.
L’Assemblée nationale vient d’examiner la loi «plein-emploi» et la réforme du revenu de solidarité active (RSA). Cette loi, encore en navette, incite des historiens à réfléchir à des questions fondamentales. La loi ne vise-t-elle pas les «pauvres» comme des assistés ? Une «activité» permettrait-elle de sortir de la pauvreté ? Au cours de l’histoire, on est venu en aide aux «pauvres» par charité, bienfaisance, philanthropie avant que l’Etat s’en mêle à partir de la Révolution française. Mais chacun sait ce qui est bon pour les pauvres, sans se soucier de l’inventivité dont ils ont fait preuve pour assurer leur vie et celle des leurs. Les catégories populaires, toujours menacées de basculer dans la misère, ont usé de solidarité comme le montrent la richesse et la diversité des associations – sociétés de secours mutuels, de prévoyances, coopératives… créées au XIXe siècle. Jusqu’à la dignité retrouvée par l’autogestion des sans-abri de Portland.