Le suspense est levé, au moins pour cette première étape. Les députés de la commission des affaires sociales ont voté pour la suspension de la réforme des retraites lors de l’examen du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) ce vendredi 31 octobre. En dépit de l’opposition de La France insoumise et des Républicains, et malgré l’abstention des écologistes et du groupe Renaissance, cette suspension a été adoptée avec les voix des socialistes et du Rassemblement national (22 votes pour, 12 votes contre et 13 abstentions). «C’est une victoire, le Premier ministre a pris cet engagement lors de son discours de politique générale et nous avons pu voter, ça rend possible la suite de la discussion», a réagi le socialiste Jérôme Guedj, lâché par le reste de la gauche, à l’issue du vote dans les couloirs du Palais-Bourbon.
«Une pure arnaque» pour les insoumis
Lors des débats, les insoumis ont tenu leur ligne et se sont opposés à la lettre rectificative introduite par Sébastien Lecornu pour intégrer la suspension de la réforme des retraites dans le PLFSS, dénonçant «une pure arnaque». «C’est mot pour mot la réforme de 2023 dont vous avez modifié le rythme d’un an […] nous ne voterons jamais un texte qui prive les gens de deux ans de vie avec un départ à 64 ans», arguait Hadrien Clouet, vice-président de la commission, continuant de défendre une abrogation pure et simple de la réforme Borne. LFI prévoit d’inscrire la proposition d’abrogation de la réforme de 2023 à l’ordre du jour de sa niche parlementaire le 27 novembre.
«La lettre ne correspond en rien aux engagements du Premier ministre, la suspension va concerner seulement les gens nés en 1964, le compte n’y est pas», a déclaré Yannick Monnet pour justifier l’abstention du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR). «Je suis pour le système par capitalisation, mais nous acceptons en attendant de voter contre la suppression de cet article» a enchaîné le démocrate Philippe Vigier qui a donc soutenu la suspension de la réforme Borne.
Comme annoncé plus tôt dans la journée, les écologistes, eux, se sont abstenus. «Les trois mois que vont gagner les générations concernées sont pour nous importants, mais il y a d’énormes problèmes dans le décalage tel que proposé par le gouvernement, notamment l’exclusion des carrières longues», a expliqué Sandrine Rousseau, vice-présidente de la commission. «C’est un simple décalage, c’est l’une des rares fois ou je suis d’accord avec le président Emmanuel Macron», a enchaîné Hendrik Davi (Les Ecologistes) lors des débats. Autre point soulevé par les verts pour justifier leur abstention : les mesures d’austérité qui pèsent sur les retraités pour financer cette suspension. Préférant attendre l’ouverture des débats en séance, Renaissance leur a emboîté le pas. «Nous ne sommes que 10 en commission et 91 en séance, on veut affiner la position du groupe pour l’hémicycle puis soutenir le gouvernement pour doter la France d’un budget», justifie la députée EPR Annie Vidal.
Les Républicains se sont, eux, opposés au texte. «La suspension fait reposer le coût de la suspension de la réforme des retraites sur le reste à charge des patients par l’augmentation des mutuelles et le gel des pensions des retraites», a dénoncé la députée LR de la troisième circonscription du Jura, Justine Gruet. Et ce sont les voix des députés d’extrême droite qui l’a finalement sauvé in extremis. «Nous avons dit que nous soutenions la suspension, on fait ce qu’on dit», s’est targué le député RN Christophe Bentz. Quelques heures avant le vote, le suspense planait encore sur l’avenir de la suspension : «Il y a un axe PS-Rassemblement national qui se crée», plaisantait un insoumis dans les couloirs.
Retour dans l’hémicycle mardi
Pour rappel, le texte du Premier ministre prévoit de suspendre l’âge légal à 62 ans et 9 mois jusqu’en 2028, ainsi que l’accélération de la durée de cotisation. Si les votes de la commission donnent des indications sur l’avenir de la mesure en séance, les députés repartiront mardi dans l’hémicycle de la copie initiale du gouvernement. A peine la victoire du vote de la suspension en commission savourée, le socialiste Jérôme Guedj a alerté sur l’importance des prochains jours : «Les sujets les plus irritants comme le doublement des franchises médicales seront débattus la semaine prochaine, il va falloir trouver des recettes du côté des grandes entreprises et des hauts patrimoines, pour l’instant nous n’avons pas de ligne d’arrivée.»
Avant la suspension de la réforme Borne, l’article 44, qui prévoit le gel des prestations sociales et de la revalorisation des pensions de retraite sur la période 2026-2030 a été supprimé par l’ensemble des groupes excepté Renaissance et Les Républicains. Au même moment dans l’hémicycle qui examinait le projet de loi de finance (PLF) et venait de rejeter la taxe Zucman, le Sébastien Lecornu s’est dit ouvert à regarder les amendements qui veulent «dégeler les pensions de retraite» et «les minima sociaux». «Si nous saluons la suspension de la réforme, nous nous opposons aux mesures censées la financer et nous engageons à en débattre en séance», a précisé Sandrine Runel (PS) lors des débats. L’ensemble du texte, aussi bien son volet recettes que son volet dépenses, a d’ailleurs été rejeté.
Mise à jour à 9h38 avec le rejet du texte avant son arrivée dans l’hémicycle.