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Remaniement

Le ministère du Travail revient à Astrid Panosyan-Bouvet, très critique envers la réforme de l’assurance chômage

Gouvernement Bayroudossier
La députée macroniste de Paris, qui a régulièrement affiché son intérêt pour les questions liées aux conditions de travail, succède à Catherine Vautrin. Elle aura à gérer en priorité les éternels dossiers de l’assurance chômage et des retraites.
Astrid Panosyan-Bouvet à l'Assemblée nationale le 30 novembre 2022. (Xose Bouzas/Hans Lucas via AFP)
publié le 21 septembre 2024 à 20h13
(mis à jour le 22 septembre 2024 à 15h21)

Première expérience gouvernementale pour la macroniste de la première heure Astrid Panosyan-Bouvet, qui devient la nouvelle ministre du Travail – et du seul Travail, contrairement à sa prédécesseuse Catherine Vautrin, qui occupait aussi les portefeuilles de la Santé et des Solidarités. Faut-il y voir le signe d’une sévère rétrogradation de ce ministère ? Le nom d’Astrid Panosyan-Bouvet n’a été citée qu’en quatorzième position par le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, quand Catherine Vautrin était troisième dans le gouvernement de Gabriel Attal. Partie aux Collectivités locales, cette dernière n’aura pas eu l’occasion, en six mois, de mener beaucoup de chantiers. Elle laisse à la députée de Paris deux gros dossiers, qui constituent les principales occupations de toutes celles et ceux qui se sont succédé rue de Grenelle depuis 2020 : l’assurance chômage et les retraites.

Le premier est indéniablement le plus urgent. Les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi actuellement en vigueur arrivent à échéance le 31 octobre, après avoir été prolongées à trois reprises depuis le début de l’année. D’un point de vue juridique, assurent des sources syndicales, une nouvelle prolongation pourrait se révéler périlleuse. Quelles sont donc les options de la nouvelle ministre ? La première, soutenue notamment par FO, consisterait à reprendre la convention sur laquelle l’ensemble des organisations patronales et trois organisations syndicales (CFDT, FO, CFTC) s’étaient entendues en novembre 2023. Il faudrait alors que les parties prenantes se réunissent à nouveau pour compléter le volet «seniors» de l’accord, laissé inachevé en raison de l’échec de la négociation pour un «pacte de la vie au travail» en avril.

Deuxième option : ressortir du tiroir la réforme qu’avait présentée Gabriel Attal fin mai, et qui durcissait les conditions d’accès à l’assurance chômage tout en réduisant la durée d’indemnisation maximale à quinze mois au lieu de dix-huit. Un tel geste provoquerait immédiatement l’ouverture d’un conflit avec l’ensemble des syndicats de salariés. Il contredirait surtout la position affichée par Astrid Panosyan-Bouvet lorsque Gabriel Attal préparait cette réforme, puisqu’elle affirmait en mars que «l’urgence n’est pas de réformer l’assurance chômage, mais de rendre attractifs les métiers qui ne le sont pas […] et lever les freins centraux à l’emploi – formation, transport, logement, garde d’enfants…» Des propos en phase avec l’intérêt qu’elle a montré régulièrement pour les questions liées aux conditions de travail et d’emploi à l’Assemblée nationale, en lançant même il y a un an un «groupe de réflexion transpartisan» sur l’évolution du travail avec ses collègues Dominique Potier (PS) et Stéphane Viry (LR). «J’espère qu’elle va être constante avec cette position et qu’elle va faire en sorte d’enterrer définitivement» la dernière réforme de l’assurance chômage, a commenté ce dimanche sur BFM TV la secrétaire général de la CGT, Sophie Binet, qui appelle la nouvelle ministre à «redonner la main aux acteurs sociaux avec une toute autre lettre de cadrage» que celle de 2023 – la CGT n’avait pas signé la convention de 2023 car elle estimait que celle-ci ne contenait pas assez d’avancées pour les privés d’emploi.

Les retraites dans la rue et à l’Assemblée

Moins urgent mais bien plus épineux politiquement : les retraites. Un an après l’entrée en vigueur de la réforme poussant l’âge de départ à 64 ans, Michel Barnier s’est engagé à «ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles». Ce pourrait justement être l’occasion de traiter pour de bon le sujet de la pénibilité et des conditions de travail, laissé en jachère, mais il faudra «respecter le cadre budgétaire», a précisé le même Barnier, ce qui limite considérablement la marge de manœuvre, et devrait rendre compliqué le dialogue avec des syndicats toujours partisans d’un retour aux 62 ans et encore échaudés par le «déni de démocratie» qu’a constitué, en 2023, le recours au 49.3 pour faire passer la réforme. L’abrogation de la réforme figure au sommet de la liste des revendications que porteront la CGT, la FSU et Solidaires dans la rue le 1er octobre. A l’Assemblée nationale, Astrid Panosyan-Bouvet devra parallèlement faire face à plusieurs propositions de loi et amendements portés par la gauche et le RN pour détricoter la loi de 2023.

Enfin, même si le sujet est aussi dans les mains de Bercy, la nouvelle ministre aura à traiter la question des bas salaires. Chargés d’une mission par Elisabeth Borne quand elle était à Matignon, les économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer ont formulé des propositions pour sortir du maquis des allègements de cotisations sur les bas salaires, accusés de décourager les patrons d’augmenter leurs employés en raison d’effets de seuil. Mais les représentants des employeurs seront, comme toujours, prêts à monter au créneau contre toute option qu’ils accuseront d’alourdir le «coût du travail».