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Le RSA fait de nouveau l’objet de chantage de la droite

Le revenu de solidarité active est à nouveau la cible des départements de droite qui refusent de financer sa revalorisation, prévue au 1er avril, pour protester contre les choix budgétaires de l’Etat.
La revalorisation du RSA fixée chaque année au 1er avril, s’élevait à 1,7 % en 2025. (Romain Etienne/Item pour Libération)
par Marie Mouline
publié le 28 mars 2025 à 13h20

Les bénéficiaires du RSA sont-ils la variable d’ajustement budgétaire des départements de droite ? C’est en tout cas le signal envoyé par le communiqué du groupe «Droite, centre et indépendants», dans lesquels les 72 départements «s’engagent à ne pas payer l’augmentation du RSA à la Caisse d’allocations familiales (CAF) prévue au 1er avril». Mécanisme légal, la revalorisation du RSA fixée chaque année au 1er avril, s’élevant à 1,7 % en 2025, a pour vocation de compenser l’inflation. Les allocataires devraient donc bien percevoir leur prestation revalorisée versée par la CAF, mais ces départements refusent de prendre en charge cette dépense, mettant en cause une gestion des finances publiques par l’Etat qu’ils considèrent comme injuste. Ils disent refuser de payer «toute dépense nouvelle ou supplémentaire décidée unilatéralement par le gouvernement et non compensée intégralement.»

Ce n’est pas la première fois que les départements de droite entrent dans un bras de fer avec l’Etat en mettant sur la table l’argument du RSA. Encore en novembre, ils avaient menacé de suspendre le versement de l’allocation au 1er janvier pour protester contre les coupes budgétaires prévues par le projet de loi de finances 2025. Après plusieurs promesses du Premier ministre d’alors, Michel Barnier, ils avaient finalement fait marche arrière. Mais ces arguments sont de nouveau mis sur la table. Les élus départementaux dénoncent un «effet ciseaux». Une forte augmentation des dépenses sociales intervient alors que chutent leurs recettes, issues pour une grande partie de l’immobilier via «les frais de notaire», or le gouvernement ne prévoit pas de mécanisme de compensation.

Remettre à plat un «mode de financement obsolète»

Une revendication bien tardive pour Stéphane Troussel, président socialiste du département de Seine-Saint-Denis : «Je suis navré de constater que, lorsqu’il pleuvait ces dernières années des DMTO [droits de mutation à titre onéreux, qualifiés de frais de notaires par abus de langage, ndlr], et que ces derniers augmentaient dans un certain nombre de territoires très attractifs [à Paris, dans le littoral, en zone montagneuse], ils ne se plaignaient pas du défaut de compensation.» L’élu de gauche souligne que de nombreux territoires, et au premier chef le sien, sont confrontés depuis des années à des dépenses sociales élevées, qui ne sont pas financées par des recettes immobilières : les conditions sociales de leurs habitants comme leur attractivité ne permettent pas toujours cet équilibrage. Mais les réformes successives visant le marché du travail, le report de l’âge légal du départ à la retraite ou le chômage font mécaniquement augmenter le nombre de bénéficiaires du RSA. Selon lui, ce moment de grande tension budgétaire, qui touche un nombre toujours plus important de départements, doit être l’occasion de remettre à plat «un mode de financement obsolète et injuste.»

Or avec cette décision des élus de droite, «le débat médiatique tourne autour d’une allocation qui permet à des gens de survivre», regrette Stéphane Troussel, qui pointe une nouvelle stigmatisation des allocataires du RSA, à l’occasion de la réforme en cours prévoyant de nouvelles sanctions. Stigmatisation également dénoncée par Noam Leandri, président du collectif Alerte, qui représente 37 fédérations et associations nationales, collectifs interassociatifs locaux de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Ce collectif a publié jeudi 27 mars un communiqué appelant à une revalorisation bien supérieure du RSA à celle prévue au 1er avril par l’Etat. Pour «éradiquer la grande pauvreté», cette prestation devrait s’élever à 1 014 euros, montant qui correspond au seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian, et plus plafonnée aux alentours de 600 euros. «Qui paie le prix à la fin ? feint de s’interroger Noam Leandri. Ce ne sont pas les élus du département, mais les bénéficiaires.»