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Libération
Précarité

Le Secours catholique n’a jamais eu autant de bénéficiaires sans ressources et alerte sur le non-recours aux prestations sociales

L’association constate que 25,4 % de ses bénéficiaires n’avaient aucune ressource l’an dernier, un chiffre «record» s’alarme-t-elle ce jeudi 14 novembre. Elle pointe les difficultés d’accès aux prestations sociales en raison de critères resserrés et de démarches dématérialisées complexes.
95 % des ménages rencontrés par le Secours catholique en 2023 vivaient sous le seuil de pauvreté, qui est établi à 1 216 euros pour une personne seule. (Xose Bouzas/Hans Lucas)
publié le 14 novembre 2024 à 9h31

Un indicateur de la précarité grandissante en France. Plus d’un quart des personnes accueillies par le Secours catholique l’an dernier étaient sans ressource, un niveau record. Le revenu médian des ménages accueillis par l’association s’est établi à 555 euros par mois en 2023, constate l’association dans son rapport annuel dévoilé ce jeudi 14 novembre. Au total, 95 % des ménages rencontrés vivaient sous le seuil de pauvreté, qui est établi à 1 216 euros pour une personne seule.

Point important de ce rapport : 25,4 % d’entre eux étaient n’avaient aucune ressource, un chiffre «record», en hausse de deux points par rapport à 2022. Ils tentent de «survivre grâce à la débrouille et au soutien de ceux qui sont en capacité de les aider». Cette précarité est notamment la traduction de «l’éloignement de la solidarité produite par l’administration elle-même», estime l’association, qui a accueilli l’an dernier plus d’un million de personnes dont 216 000 familles avec enfants.

Elle alerte ainsi sur «la difficulté à accéder à la protection sociale face à la dématérialisation des démarches administratives», mise en œuvre il y a une décennie et qui a connu une accélération depuis 2017. Ainsi, 13 % des ménages rencontrés en 2023 ont exprimé un besoin d’aide pour effectuer de telles démarches, une hausse de 7 points en dix ans. Ces publics se heurtent à «des sites faits par l’administration et pour l’administration», explique le président du Secours catholique, Didier Duriez. «Ceux qui n’ont pas accès à internet, ceux qui ne comprennent pas» ce qui leur est demandé, ni comment s’orienter dans les méandres administratifs, sont le plus pénalisés.

La peur de la stigmatisation

Au final, un certain nombre de personnes ne perçoivent pas les aides auxquelles elles ont droit. Par exemple, plus d’un tiers des ménages français éligibles au Revenu de solidarité active (36,1 %) rencontrés par le Secours catholique ne le sollicitent pas, une proportion en hausse de plus de 13 points en une décennie. En ce qui concerne les allocations familiales, près du quart des ménages éligibles ne les perçoivent pas, une part en hausse de presque 10 points depuis 2010.

Outre le manque de connaissances ou le découragement face à la difficulté pour effectuer le démarche, la peur d’être stigmatisé explique le non-recours à ces prestations sociales. «Plus on dit dans les médias, au niveau des autorités politiques que ces gens sont des assistés et que ça coûte un pognon de dingue», plus «ça fait des dégâts incroyables», assure Didier Duriez.

Le recul de l’accès à certains droits est aussi le résultat du «durcissement des critères d’éligibilité» à certaines aides, comme le minimum vieillesse, les allocations chômage et le RSA, affirme le Secours catholique. «Si vous ne cochez pas les cases» ou que «vous êtes un petit peu en dehors de la case qui est prévue», le risque est d’entrer dans un «no man’s land» où peut s’écouler jusqu’à plusieurs mois avant de pouvoir obtenir une réponse de l’administration, met en garde le président de l’association. Pour remédier à cette situation, le Secours catholique demande de garantir un accès physique aux administrations et la mise en place d’une «politique publique de lutte contre les non-recours».