L’entreprise le demandait elle-même, l’annonce ne faisait donc guère de doute. Duralex a été placé ce mercredi 24 avril en redressement judiciaire par le tribunal de commerce d’Orléans. Le mythique verrier français, dont l’usine est située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), connaît de grosses difficultés financières liées notamment à l’augmentation du coût de l’énergie. Duralex espère grâce à cette procédure voir ses dettes effacées et un repreneur du site se manifester. Dans un communiqué diffusé le 16 avril, la direction attribue les difficultés actuelles à «l’inflation, un environnement de consommation en fort retrait et à une concurrence exacerbée».
Reportage
Avant de rendre leur décision, les juges ont entendu à tour de rôle les élus du comité social et économique (CSE), ainsi que la direction de la société lors d’une audience à huis clos. Après un peu plus d’une heure de débats où n’a pas été abordée en profondeur la situation financière de l’entreprise, le tribunal a acté l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et ouvert une période d’observation de six mois. Une prochaine audience, visant à faire le point sur la viabilité de la société, a été fixée au 5 juin. «Le tribunal espère trouver un repreneur», a expliqué à la presse un magistrat à l’issue de l’audience, ajoutant que deux administrateurs judiciaires seront chargés du dossier. Sollicitée par les journalistes à la sortie du tribunal, la PDG de Duralex, Géraldine Fiacre, n’a pas souhaité s’exprimer.
«C’est une bonne nouvelle que l’activité soit maintenue»
Sur le parvis, une vingtaine de militants CGT et quelques élus se sont réunis. La sono joue à fond Résiste de France Gall et Respect d’Aretha Franklin, sous l’œil vigilant des gendarmes. Aujourd’hui à la retraite, Daniel Calzada, 70 ans, a fait le déplacement. Il a travaillé pendant «trente-sept ans et demi» à Duralex et se rappelle que quand il en est parti, il y a quinze ans, «ça marchait bien». «C’est l’énergie qui les a foutus dedans», affirme-t-il, se souvenant d’une période, pendant les années 90, où près de 1 500 salariés (ils ne sont aujourd’hui plus que 232) se relayaient 7 jours sur 7 sur les chaînes du verrier, mondialement connu pour sa vaisselle très résistante.
Déjà placée en redressement judiciaire en septembre 2020 après des années de galère, Duralex avait été reprise par Pyrex en janvier 2021 et nourrissait alors de grandes ambitions. La guerre en Ukraine et la flambée des prix de l’électricité qui s’était ensuivie avaient rapidement provoqué l’arrêt du four – très énergivore – en septembre 2022. L’Etat avait alors mis la main à la pâte avec un prêt de 15 millions d’euros qui avait permis de relancer la production. Mais les commandes, «en baisse de 30 %» depuis la crise ukrainienne, selon l’élu CGT François Dufranne, n’ont pas suivi. A la fin de l’audience, le représentant du personnel a la mine sombre mais veut voir le bon côté des choses. «C’est une bonne nouvelle que l’activité soit maintenue, salue-t-il. Ça montre que l’usine est viable et peut tourner. On peut espérer pouvoir retrouver un repreneur.»
Hormis les élus appelés à témoigner à l’audience, seuls deux salariés de Duralex se sont déplacés sur le parvis du tribunal. Michael, 49 ans, est l’un d’eux. Chargé de la qualité, c’est son quatrième redressement judiciaire en vingt-neuf ans de boîte. Suffisant pour se demander si cette entreprise n’est pas un peu maudite. Il récapitule : «On a un outil de travail performant. Une marque renommée. Des produits de qualité.» Pourtant, les ennuis semblent devoir se suivre et se ressembler. «Lassé» et les yeux dans le vague, il résume tout bas, sans forcément y croire : «On voudrait que ça continue.»
Mis à jour : à 19h45 avec réactions des élus et salariés.