Les Français n’avaient pas besoin de ça. Aux inquiétudes déjà pesantes à l’approche de l’hiver liées à la guerre en Ukraine et aux tensions qu’elle occasionne sur l’approvisionnement en gaz, au constat quotidien du poids de l’inflation sur des produits souvent de première nécessité, s’ajoute désormais l’obligation de faire la queue des heures durant à une station-service pour assurer le plein d’essence. Quand ils trouvent une station. L’exécutif laissait entendre ce week-end que la situation était globalement sous contrôle et allait s’améliorer rapidement.
Patatras ! Le voilà qu’il dégaine lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale l’arme de la réquisition des salariés grévistes pour débloquer certains sites pétroliers. En clair, pour éviter que la situation dégénère, Elisabeth Borne fait le choix – légal – de la contrainte à l’égard des salariés grévistes. On aurait aimé voir Elisabeth Borne ou son ministre de l’Economie user de cette même stratégie du rapport de force à l’égard des grands groupes pétroliers – ou d’autres – quand la question de la taxation des superprofits est arrivée sur la table. Qu’ont-ils fait ? La sourde oreille. Les superprofits, ça n’existe pas, circulez il n’y a rien à voir, s’est contenté de dire Bruno Le Maire. C’est ce boomerang-là que le gouvernement se prend aujourd’hui dans la figure. Sa position était intenable.
Reportage
Rappelons que le bénéfice net d’Esso a plus que quadruplé au premier semestre par rapport à l’an dernier. Ou que le patron de Total a cru opportun d’augmenter sa rémunération fixe de 1,4 à 1,55 million d’euros cette année. Et si l’on comprend bien que le gouvernement n’a pas la main sur la politique salariale de telles entreprises – et c’est heureux – il dispose d’une arme qu’il a choisi de ne pas utiliser : un discours politique clair sur la nécessité d’une juste répartition «des marges exceptionnellement élevées», dixit le patron de Total, enregistrées cette année. Bruno Le Maire tente de récupérer le coup via des amendements au projet de loi de finances. Une réaction à la fois trop tardive et trop timide.