Elle les regarde d’un œil un peu suspicieux, les militants en chasuble orange qui lancent des «la CFDT se mobilise pour sauver la démocratie !» aux voyageurs pressés de la gare de Melun. En ce vendredi matin pluvieux dont on peine à croire qu’il signe le début de l’été (oui, on est bien le 21 juin), des dizaines de personnes se déversent chaque minute des portiques, ou s’y engouffrent au contraire pour gagner leur lieu de travail. La plupart ignorent le tract qu’on leur tend et qui leur dit que «non, la solution n’est pas à l’extrême droite». La dame blonde au sac à dos bleu, elle, reste statique. Après quelques minutes de réflexion, elle se lance : «Et pourquoi vous voulez faire barrage au RN ?» s’enquiert-elle auprès de Marie-Christine Oudart, de l’union départementale CFDT de Seine-et-Marne, avant d’égrener tous les bouts de rien-ne-va-plus qui la minent : un proche «qui n’a plus droit à rien, plus d’APL», «les personnes âgées qui n’ont plus les moyens de se payer un médecin» (elle en a vu une à la télévision)… Tout cela, croit-elle, a à voir avec «les autres, qui viennent en France». Elle interroge la syndicaliste : «Donc si j’ai bien compris, vous êtes pour eux ?» Les explications de Marie-Christine Oudart resteront sans effet sur elle. «De toute façon j’en ai rien à foutre, je ne vote pas !» lance la dame en partant.

Ainsi va un tout petit bout de la vie syndicale dans cette campagne sur laquelle pèse un enjeu inédit, ave