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Libération

Les élections professionnelles dans les TPE sous la menace de l’abstention

Dès ce lundi et jusqu’au 6 avril, 5 millions de salariés des très petits entreprises, employés à domicile et apprentis, sont appelés à voter pour le syndicat de leur choix. Les centrales craignent une désaffection record sur fond de crise sanitaire et économique.
Reporté une première fois, le scrutin doit permettre aux salariés des TPE, sans élus du personnel de proximité, d’«être représentés, conseillés et défendus». (Pascal Rossignol/Reuters)
publié le 22 mars 2021 à 16h49

«Votez.» Sur les réseaux sociaux, les préfectures battent le rappel : ce lundi débutent les élections syndicales des très petites entreprises (TPE). Reporté une première fois, le scrutin doit permettre aux salariés des TPE, sans élus du personnel de proximité, d’«être représentés, conseillés et défendus». Soit 5 millions de salariés des entreprises employant moins de onze personnes, d’employés à domicile et d’apprentis âgés de plus de 16 ans invités à voter pour le syndicat de leur choix, et ce jusqu’au 6 avril. Une élection «primordiale», assure le gouvernement qui vante un scrutin «simple, rapide et confidentiel» grâce au vote en ligne ou par correspondance. Sans trop d’illusion toutefois sur la participation attendue. Institué par une loi de 2010, le scrutin a jusqu’alors été largement boudé. Lors des deux précédentes éditions, la participation est restée très faible, 10,38 % en 2012, et 7,35 % en 2017. De quoi laisser craindre une nouvelle abstention record pour cette troisième édition, sur fond de crise sanitaire et économique.

Scrutin mal connu

«Vous pourriez penser que la crise sanitaire n’est guère propice à cette élection. C’est tout le contraire. Cette crise concerne directement votre emploi, vos conditions de travail et vos salaires et vous devez faire entendre votre voix», tente de convaincre le président du Haut Conseil du dialogue social, Jean-Denis Combrexelle, dans le dossier de presse du ministère du Travail. Tout en reconnaissant les difficultés à toucher les électeurs : «En dépit des efforts d’information faits par les pouvoirs publics et par les syndicats, il est apparu [en 2017 que le scrutin était mal connu et surtout que les salariés n’en comprenaient pas l’utilité.» Côté syndicats, on s’inquiète aussi de voir les salariés se détourner du scrutin. «Ça ne perce pas beaucoup le radar médiatique», alertait Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, lors d’une conférence de presse, la semaine dernière. Et de pointer le contexte qui «entrave» les équipes syndicales dans «la façon de faire campagne», avec l’impossibilité notamment d’organiser de grands rassemblements. Une «élection TPE se joue sur le terrain», renchérit Yves Veyrier, de FO, tout en pointant les difficultés à toucher ces salariés «qui ne croisent que rarement le syndicat» et sont peu informés de cette échéance électorale.

L’enjeu du scrutin est pourtant pluriel, et dépasse les seules TPE. Avec ce dernier, les salariés des petites entreprises déterminent certes la «couleur» syndicale des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), instance qui assure depuis 2017 une mission de conseil et de médiation auprès des salariés et employeurs de ces petites structures. Mais les résultats du vote contribuent aussi à la mesure de l’audience des organisations syndicales et à la détermination de leur représentativité pour leur permettre de désigner des conseillers aux prud’hommes et signer des conventions de branche ou interprofessionnelles. Autant dire que le scrutin (dont les résultats s’additionnent aux suffrages des salariés agricoles et à ceux exprimés dans les entreprises de plus de onze salariés pour les comités sociaux et économiques clos le 31 décembre 2020) est surveillé de près par les centrales.

Bagarre syndicale

«Ce n’est pas simplement un enjeu électoral, mais aussi un enjeu de visibilité de ces travailleurs», assurait Laurent Berger, la semaine dernière. Rappelant que les travailleurs des TPE sont aussi, pour une part importante, ceux de la «deuxième ligne», particulièrement exposés pendant la crise. Et toujours en attente d’une revalorisation de leur métier. Mais le numéro 1 de la CFDT ne minorait pas pour autant l’enjeu électoral et la bagarre syndicale pour rafler la première place : «Là, le vote de la semaine prochaine va être extrêmement déterminant.»

Lors de la précédente édition de 2017, la CGT a remporté la première place avec 25,12 % des suffrages exprimés devant la CFDT (15,49 %), suivie par FO (13,01 %). Mais l’avance de la centrale de Philippe Martinez dans les petites entreprises n’avait pas suffi à sauver sa place de premier syndicat de France, au profit de la CFDT. Une première historique pour la centrale de Laurent Berger qui espère encore «réduire l’écart» avec la CGT, cette année, sur le terrain des TPE. Et conserver ainsi sa place de «premier syndicat de France». «On va essayer de faire mieux que la dernière fois», explique Berger. Résultats des courses le 16 avril pour ce scrutin des très petites entreprises, et le 31 mai pour la mesure de l’audience nationale interprofessionnelle.