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Les indemnités chômage de la France ne sont pas particulièrement généreuses

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Selon une analyse de deux chercheurs, la France se situait déjà, avant la toute dernière réforme, plutôt dans la médiane des autres pays comparables. Et le solde du régime est largement positif.
publié le 30 mai 2024 à 18h18

La troisième réforme du chômage de l’ère Macron, annoncée par le Premier ministre, Gabriel Attal, s’annonce particulièrement éprouvante pour les chômeurs et nuisible également aux salariés. Une des justifications gouvernementales, régulièrement brandie notamment par Bruno Le Maire, est que la France serait parmi les plus généreux d’Europe. Deux chercheurs, Jean-Marie Pillon (sociologue à Paris-Dauphine) et Baptiste Françon (économiste à l’université de Lorraine), se sont attachés à vérifier ces affirmations, en regardant des données remontant à 2021 et 2022, avant la dernière réforme donc, mais aussi avant que les deux précédentes (qui ont successivement durci les conditions d’éligibilité, révisé le calcul de l’allocation et réduit la durée d’indemnisation) ne soient pleinement montées en charge.

Ils s’insurgent tout d’abord contre les termes employés : en 2021, les chômeurs indemnisés ne représentent que 46 % des inscrits à France Travail, et ne touchent en moyenne en 2022 que 52 % du salaire médian (1 093 euros par mois). Ils jugent donc trompeur de parler de générosité.

Niveau intermédiaire

Lorsqu’on la compare aux huit Etats européens «les plus comparables par la taille de leur population et de leur PIB», plus le Danemark, sélectionné du fait de «son statut de modèle incontournable dans les débats autour des politiques de l’emploi», la France est classée à un niveau intermédiaire. Aussi bien en termes absolus (dépenses moyennes par bénéficiaire) que relatifs (dépenses en proportion du salaire médian), la France est située en cinquième position sur neuf. Un seul pays se détache clairement dans le domaine et affiche un niveau presque aussi élevé d’indemnisation chômage que de salaire : le Danemark. Selon les auteurs, ce pays est le seul qui «s’approche le plus d’un dispositif de maintien du niveau de vie (pour les salariés éligibles)».

Un autre critère pour comparer la «générosité» des aides est d’observer à quelles conditions elles sont versées, sur combien de mois elles sont calculées (période de référence), et combien de temps les chômeurs peuvent en bénéficier au maximum. Ici également, avant même la réforme annoncée il y a quelques jours par Gabriel Attal, la France est à peu près dans la moyenne : quatrième période de référence la plus courte (avec 24 mois), cinquième période d’indemnisation la plus longue (18 mois) sur neuf pays. Et par rapport à ses voisins, la France est le pays dans lequel le recours aux contrats courts (moins d’un mois) est le plus important. Ce qui fait que de nombreux travailleurs ne parviennent pas à remplir les conditions pour ouvrir des droits. Et «ils sont par ailleurs susceptibles d’être fortement pénalisés sur le montant qu’ils perçoivent», indique l’étude, du fait de la réforme de 2021 qui inclut les périodes non travaillées dans le calcul.

Si la réforme de l’assurance chômage que Gabriel Attal souhaite faire passer par décret en juillet prochain n’est pas justifiée par une «générosité» supérieure de la France par rapport à celle de ses voisins, elle ne l’est pas non plus par un quelconque déséquilibre du régime. Au contraire. Le solde financier de l’Unédic a été très largement positif en 2023, à 4,3 milliards d’euros.

D’ici à 2028, il est même prévu que le solde positif augmente encore largement, pour atteindre 11 milliards d’euros. Pas de quoi justifier le projet gouvernemental de réaliser des économies sur le dos des chômeurs.