Concocté depuis près d’un an par le gouvernement, repoussé à maintes reprises, le voici enfin. Ce jeudi matin, Emmanuel Macron a dévoilé le plan pour les indépendants à l’occasion du rendez-vous annuel de l’Union des entreprises de proximité (U2P), à la Maison de la Mutualité à Paris.
Ils sont trois millions d’actifs en France, et donc autant de suffrages potentiels. Du plombier au psychologue, en passant par l’architecte ou le chauffeur de taxi ; qu’ils exercent en libéral, qu’ils soient entrepreneurs individuels ou microentrepreneurs, nombreux sont les travailleurs indépendants qui ont été touchés par la crise sanitaire et économique. Et qui attendaient cette réforme, présentée comme une réponse aux difficultés liées à leur statut. Dans un communiqué paru jeudi, Emmanuel Macron assure œuvrer depuis le début de son mandat pour eux, mais vouloir poursuivre les efforts : «Si les dispositions déjà prises vont dans le bon sens, nous devons aller encore plus loin. Pour mieux protéger les indépendants face aux accidents de la vie, renforcer leur accompagnement – de la création d’entreprise jusqu’à sa transmission – pour simplifier leurs démarches du quotidien», explique le président de la République.
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Elaborée par le ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises (PME), Alain Griset, la réforme tant attendue comportera une vingtaine de mesures réparties dans trois textes législatifs : un projet de loi dédié aux indépendants, le projet de loi Finances 2022 (PLF), et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Construit autour de cinq axes, le plan sera en partie applicable dès janvier 2022. «L’objectif a été d’identifier à chaque étape tous les obstacles à surmonter pour les travailleurs indépendants», indique l’entourage du ministre délégué.
Neutraliser les effets de la crise
Le premier volet du plan pour les indépendants vise à protéger l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur individuel pour éviter que ses biens soient engagés en cas de difficultés de l’entreprise. «L’ensemble du patrimoine personnel sera insaisissable par effet de la loi […] en cas de défaillance» et «seuls les éléments indispensables à l’activité professionnelle pourront être saisis», a précisé Emmanuel Macron aux Rencontres de l’U2P. Actuellement, seule leur résidence principale était protégée en cas de coup du professionnel. Par ailleurs, un statut unique sera créé pour l’entrepreneur individuel.
Au menu également, l’extension de l’assurance volontaire individuelle, servant à couvrir les accidents du travail et maladies professionnelles. Aujourd’hui, seuls 45 000 indépendants sur 3 millions en disposent, a constaté le cabinet d’Alain Griset : «Il faut les inciter à y recourir plus massivement». Pour ce faire, le taux de cotisation, calculé à partir du revenu annuel du professionnel, sera abaissé à 30 % sans impact sur les prestations. Par ailleurs, une série de mesures seront prises pour simplifier les démarches avec l’URSSAF, la sécurité sociale des indépendants. Pour neutraliser les effets de la crise des secteurs les plus touchés, comme l’hôtellerie-restauration ou le tourisme, l’exécutif a également l’intention de valider des trimestres de retraite sur la base des revenus des trois derniers exercices. L’année 2020 sera aussi supprimée du calcul des indemnités journalières pour ne pas pénaliser ces mêmes secteurs.
Favoriser la transmission
Le troisième axe devrait faciliter les reconversions des indépendants. Le plan élargira les critères de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI), sorte de prestation chômage pour les non-salariés instaurée en 2019 mais très faiblement sollicitée (environ 1 000 bénéficiaires seulement). Pour être éligible à cette allocation mensuelle de 800 euros pendant six mois, les entrepreneurs ne devront pas obligatoirement être passés par une liquidation judiciaire ou un redressement : ils pourront attester d’une baisse de revenu justifiant que leur activité n’est plus viable. La condition de revenu minimum pour bénéficier de l’ATI sera également assouplie. Cette mesure qui coûtera près de 130 millions d’euros ciblera 29 000 bénéficiaires, soit autant qu’à sa création en novembre 2019.
Favoriser la transmission des entreprises et des savoir-faire est également au programme de la réforme. La mesure consistera à baisser l’imposition pour les repreneurs de fonds de commerce, «parce que l’assiette taxable sera elle-même plus faible», précise l’entourage présidentiel. Ainsi, le gouvernement assouplira temporairement le délai de demande d’exonération des plus-values professionnelles de cession d’entreprise réalisées lors d’un départ à la retraite. Les plafonds d’exonération seront également augmentés lors de cession d’entreprises individuelles. Le tout pour un budget de 100 millions d’euros maximum, a indiqué l’Elysée.
«Loin d’être suffisant»
Enfin le plan «simplifiera l’environnement juridique des indépendants et l’accès à l’information». Le gouvernement espère ainsi «assouplir les conditions de délivrance des attestations de vigilance, faciliter le traitement des dettes de cotisations sociales des gérants majoritaires de SARL». Le tout grâce à site unique de référence, public et gratuit, disponible à la fin de l’année.
Pour l’heure, le gouvernement n’a pas souhaité communiquer le budget global de ce plan. «Il y a du bon mais c’est loin d’être suffisant. Nous réclamions des mesures fortes, qui nécessitent de mettre de l’argent sur la table», regrette Hind Elidrissi, porte-parole du syndicat indépendants.co. La représentante regrette que le plan ne contienne pas de mesures d’urgence pour aider les indépendants à faire face à la fermeture du robinet des aides. «Nous avions besoin d’un vrai plan de relance et du maintien du Fonds de solidarité, géré par décret et donc avec effet immédiat», déplore-t-elle. «Il y a beaucoup de mesures de simplification opérationnelles, concrètes, de l’ordre administratif mais peu coûteuses», se justifie l’Elysée.
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