«Cela fait des mois qu’ils se congratulent sur les chiffres du tourisme. Pourtant, trois personnes sur dix qui ne partent pas, c’est trop.» Stéphane Leroux, secrétaire fédéral de la CGT commerce, ne partage pas l’enthousiasme d’Olivia Grégoire sur la forte reprise touristique constatée cet été. Lundi matin, la ministre déléguée chargée du Tourisme, s’est félicitée à propos du bilan touristique de l’été 2022, lors d’une conférence de presse à Bercy. «2022 a été une année exceptionnelle et elle n’est pas terminée […]» s’est-elle enthousiasmée. Elle a précisé que «35 millions de Français sont partis en vacances cette année, soit sept personnes sur dix. C’est plus que l’année dernière, avec six personnes sur dix». La ministre a également pointé l’augmentation de la recette moyenne par chambre par rapport à l’été 2019.
Pour Olivia Grégoire, il s’agit aussi le résultat des aides consenties par l’Etat pour relancer le tourisme durement touché les étés précédents par la crise sanitaire. Elle ne s’est pas privée de rappeler les «38 milliards d’euros d’aides publiques» versés aux entreprises du secteur. L’Etat avait notamment aidé des grands groupes français : Accor, le numéro 1 français de l’hôtellerie, a ainsi obtenu un prêt garanti par l’Etat de 500 millions d’euros. Et fin 2021, le Premier ministre d’alors, Jean Castex, avait lancé un plan d’1,9 milliard d’euros pour venir en aide au secteur touristique qui représente près de deux millions d’emplois directs et indirects et près de 8% du PIB français. Pour Stéphane Leroux, ces chiffres sont représentatifs d’une politique globale, et il critique le deux poids deux mesures : «Quand il faut sauver une entreprise, l’Etat court à son secours. Ce n’est pas le cas quand il s’agit d’un chômeur ou d’un travailleur pauvre qui n’a pas les moyens de partir en vacances».
«La véritable problématique, ce sont les salaires»
Olivia Grégoire a également évoqué les personnes qui ne partaient pas en vacances, précisant que c’était une mission qui figurait dans sa «feuille de route». Elle a demandé que le secteur du tourisme «continue à développer le tourisme social». Ce qui rend Stéphane Leroux furieux. Pour le cégétiste, cette mesure n’est qu’une manière de «se donner bonne conscience». Selon lui, «les vacances sont un droit pour tous. La véritable problématique, ce sont les salaires.» Le syndicaliste exige un Smic à «2 000 euros» et une augmentation des salaires pour que les ménages puissent faire face à l’inflation galopante (6,1% sur un an en juillet selon l’Insee) qui rend les fins de mois difficiles et transforme les vacances en luxe.
En France, huit millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire pour vivre, soit huit fois plus qu’en 1980, selon un rapport du Secours catholique en 2020. Avec l’aide aux vacances, la Caisse d’allocations familiales peut prendre en charge jusqu’à 65% des coûts de transport et d’hébergement pour les revenus les plus faibles. Et les bénéficiaires peuvent partir pour une semaine dans un organisme labellisé. Mais pour Laurence Gilbert, secrétaire générale du syndicat national de l’éducation permanente, de la formation, de l’animation, de l’hébergement, du sport et du tourisme, il est surtout urgent d’augmenter la fiche de paie. Les chèques vacances et les politiques d’aide aux vacances en général ne sont, pour elle, pas une réponse suffisante : «Si Mme. Grégoire veut faire partir les personnes qui ne partent pas, il faut une vraie politique de vacances», estime-t-elle.