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Logement, carburant, électroménager… La «double pénalité pauvreté» des foyers modestes

Les ménages le plus pauvres, déjà fortement touchés par l’inflation, subissent également d’autres mécanismes qui accroissent leurs difficultés, selon la dernière étude d’Action Tank Entreprise et Pauvreté.
En moyenne, une assurance habitation est 9 % plus chère dans les zones urbaines sensibles. (Lilian Cazabet/Hans Lucas. AFP)
publié le 17 octobre 2022 à 18h21

Pour un même bien ou service, les ménages les plus modestes payent un surplus par rapport aux classes moyennes, rapporte une étude qui sera rendue publique mardi et que Libération a consultée. Le mécanisme est plus connu sous le nom de double poverty penalty (ou «double pénalité de pauvreté»). Peu connu en France, le terme est populaire au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

«Le marché fait que les ménages en situation de pauvreté achètent un certain nombre de biens dans des conditions moins favorables que pour d’autres ménages, résume Jacques Berger, directeur de l’association Action Tank Entreprise et Pauvreté, qui a réalisé cette étude avec le cabinet Boston Consulting Group à la demande de la Banque postale. Ce phénomène insidieux touche beaucoup de catégories de dépenses.»

Importants facteurs d’inconfort

Premier facteur : celui de volume. En matière de logement par exemple, les ménages les plus modestes disposent de plus petites surfaces, dont le prix au mètre carré est plus cher, de 13 % en moyenne. Celui-ci s’applique également aux charges liées au logement (+13,5 %), avec là aussi des prix du kWh de gaz proportionnellement plus élevé pour les petits consommateurs. En effet, certains coûts restent fixes, comme la TVA, la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) et la contribution tarifaire d’acheminement (CTA).

En outre, les plus modestes sont aussi concernés par le facteur d’exclusion. Le manque de trésorerie ne leur permet pas d’accéder à des biens de qualité moyenne. En immobilier, ils obtiennent les logements les moins qualitatifs du parc privé, avec d’importants facteurs d’inconforts (bruit, absence de sanitaire ou de chauffage, humidité du logement). Ces derniers aggravent les problèmes de santé qui se répercutent dans les dépenses médicales.

Pour le transport, les foyers précaires utilisent des voitures plus anciennes, qui consomment plus de carburant, ce qui alourdit les dépenses de 17 % en moyenne. En ce qui concerne l’électroménager, la facture de ces ménages est en moyenne supérieure de 28 % à celle du reste des Français, de fait d’équipements moins performants ou de l’utilisation d’une laverie.

Effet de localisation

Le manque d’informations induit également de mauvais arbitrages. L’étude flèche des comportements de consommation qui jouent en leur défaveur, comme un mauvais dimensionnement de leur assurance par rapport à leurs besoins.

Enfin, l’effet de localisation. Ce dernier est une conséquence directe du phénomène d’exclusion sur l’immobilier, qui mène à des dépenses plus importantes pour les foyers moins bien situés. Par exemple, l’assurance habitation est en moyenne 9 % plus chère dans les zones urbaines sensibles.

Au total, un ménage modeste subit en moyenne un surcoût annuel de 1 536 euros (+8,6 %), pointe l’étude. Ce dernier peut toutefois être réduit à 96 euros grâce aux aides sociales (+0,6 %), selon ces calculs. L’apport de politiques publiques ciblées visant à accompagner les foyers les plus précaires est donc primordial pour que ces derniers ne soient pas submergés par la double pénalité. Et selon le profil du ménage et la capacité à bénéficier ou non de ces aides, «le phénomène [de double pénalité] […] peut représenter plusieurs milliers d’euros», indique Jacques Berger. D’autant plus que de nombreux foyers ne font pas les démarches pour obtenir les aides auxquelles ils sont éligibles.