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Climat LIbé Tour Dunkerque: analyse

Main-d’œuvre : l’industrie pas au bout de ses pénuries

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Face au manque d’ouvriers, la France doit trouver des solutions, entre formations peu attrayantes et controverse sur l’immigration choisie.
(Simon Bailly/Libération)
publié le 12 octobre 2023 à 17h34
(mis à jour le 12 octobre 2023 à 17h51)

Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Quatrième étape à Dunkerque, les 13, 14 et 15 octobre.

Au détour d’une interview mi-septembre, Roland Lescure, ministre de l’Industrie, a dressé une feuille de route chiffrée en termes des besoins en main-d’œuvre de son portefeuille : «D’ici dix ans, nous aurons besoin d’environ 1,3 million de personnes dans l’industrie.» Le chiffre est à la mesure de l’enjeu fixé par le gouvernement en termes de réindustrialisation pour les prochaines décennies. Or la situation du marché de l’emploi industriel part d’emblée avec un handicap : le secteur secondaire manquerait actuellement, déjà, de 60 000 postes.

Deux catégories de solutions émanent des pouvoirs publics comme du patronat : la formation, pour les jeunes sortant d’école comme les reconversions professionnelles, qui fait consensus mais reste difficile à mettre en place ; et l’immigration, plus facile mais qui n’est pas partagée par toute la classe politique. «Notre appareil de formation devrait suffire à notre réindustrialisation mais trop peu de jeunes formés à ces compétences rejoignent les métiers industriels», reconnaissent Guillaume Basset et Olivier Lluansi, dans un dossier du think tank la Fabrique de l’industrie publié en juillet.

Scandalisé la droite et l’extrême droite

Les collectivités territoriales et les entreprises tentent pourtant de pallier les carences de l’Etat à ce sujet. Par exemple à Cherbourg, une école de soudure, Hefaïs, forme depuis l’an dernier plusieurs centaines de personnes qui seront employées dans l’industrie nucléaire et navale du Nord-Cotentin. Un secteur en effet en proie à l’urgence : selon l’Observatoire de la métallurgie, les formations existantes de nouveaux chaudronniers, soudeurs et techniciens de maintenance ne couvrent par exemple que 50 % des besoins en recrutement d’ici 2030.

Mais, à rebours de discours plus droitiers du gouvernement ou d’Emmanuel Macron sur le sujet, Roland Lescure a également dit «assumer complètement» l’idée que l’immigration est une réponse aux besoins de main-d’œuvre dans le secteur. Un discours qui a scandalisé la droite et l’extrême droite, tandis qu’une partie de la gauche a aussi rappelé les méfaits de l’immigration choisie, notamment pour les pays de départ, pillés de leurs forces vives les plus qualifiées, les autres étant abandonnées ou renvoyées sur leur terre d’origine.

«Agir en toute urgence»

Les représentants des travailleurs avancent, eux, une autre solution pour résoudre le manque de personnel : l’augmentation des salaires. «Dans l’ensemble de l’UE, les industries ayant le plus de difficultés à recruter paient en moyenne 9 % de moins que celles les moins affectées par une pénurie de main-d’œuvre», avance la Confédération européenne des syndicats.

La situation est d’ailleurs loin de se cantonner aux frontières de l’Hexagone. En Allemagne, IG Metall, principal syndicat allemand de la métallurgie, a notamment enjoint en début d’année «les politiciens et les entreprises [à] agir de toute urgence pour attirer des travailleurs qualifiés». Aux Etats-Unis, la Semiconductor Industry Association estime que 115 000 emplois seront créés dans le secteur d’ici à 2030, mais que 58 % de ces postes pourraient rester vacants si l’on se fie au nombre actuel des diplômés de formations. La course à l’armement industriel à laquelle se livrent Etats-Unis, Chine et Union européenne trouvera pourtant une partie de son dénouement à travers la résolution de cette problématique sociale.