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Marseille : après plusieurs semaines de grève, les femmes de chambre du Radisson Blu triomphent

En grève depuis plus de deux mois, quatorze femmes de chambre marseillaises ont fini par faire plier leur employeur, Acqua, sous-traitant pour l’hôtel de luxe situé dans le Vieux-Port.
Les femmes de chambre de l'hôtel Radisson Blu du Vieux-Port de Marseille, le 3 juin. (Denis Thaust/Sopa Images. Starface)
publié le 31 juillet 2024 à 18h02

La victoire au bout d’une grève «très longue, très dure et exemplaire de bout en bout». C’est ainsi que Julien Ollivier, du syndicat ouvrier CNT-SO, résume le combat remporté mardi soir par quatorze femmes de ménage de l’hôtel de luxe Radisson Blu, à Marseille. En grève depuis soixante-neuf jours, ces employées – toutes des femmes – de l’entreprise de nettoyage Acqua, sous-traitante pour Radisson, réclamaient une augmentation de salaire, une prime ponctuelle de 250 euros et un treizième mois.

Devant l’hôtel 4 étoiles du Vieux-Port, où le prix d’une chambre se négocie à 200 euros minimum, elles ont tenu, presque chaque jour depuis fin mai, un piquet de grève bruyant et déterminé, pour porter leurs revendications et dénoncer des conditions de travail difficiles. La représentante des grévistes, Ansmina Houmadi, évoque par exemple des «contrats [courts] de cinq ou six heures par jour», des horaires fréquemment dépassés, «des abus de pouvoir de la part des gouvernantes» et une clause de mobilité qui obligeait les employées – au bon vouloir de leur employeur et souvent au dernier moment – à changer de lieu de travail pour aller faire les chambres d’autres hôtels gérés par Acqua.

«La parole commence à se libérer dans notre métier, et ça paye»

Mais la longue grève a fini par payer. Dans l’accord négocié mardi, grâce au concours de l’inspection du travail, les femmes de chambre ont obtenu la mise en place d’un treizième mois, qui s’appliquera progressivement sur quatre ans pour toute salariée avec deux ans d’ancienneté. Les grévistes ont également gagné une petite hausse de salaire : elles monteront d’un échelon sur la grille encadrant leur métier. Ce qui se traduira par une augmentation de 11 centimes par heure à 12,33 € brut. Egalement au programme, une prime ponctuelle de 150 euros. Ce n’est pas le Pérou, mais c’est tout de même quelque chose lorsqu’on touche entre 1 000 et 1 200 euros par mois, selon le taux de remplissage de l’hôtel.

Autre avancée, une limitation de la clause de mobilité sera désormais pratiquée par Acqua, qui ne pourra faire déplacer ses employées que trois fois par mois maximum. En revanche, les femmes de ménage n’ont pas obtenu «le délai de prévenance» qu’elles réclamaient avant ces déplacements.

Suffisant quand même pour satisfaire la meneuse et ses collègues – pour beaucoup étrangères et titulaires d’une carte de séjour – qui reprendront le travail dès samedi. «Pendant des années, nous nous sommes tues. Mais la parole commence à se libérer dans notre métier, et ça paye», se réjouit la représentante du personnel. «C’est l’une des grèves les plus populaires qu’on ait faite», appuie le secrétaire de la CNT-SO, Julien Ollivier, qui précise que grâce aux nombreux soutiens des Marseillais et à la caisse de grève (14 700 euros récoltés), les femmes de ménage n’auront pas perdu un euro dans leur lutte.

«L’amélioration des conditions de travail, ce n’est pas une maladie ni un virus»

Seule ombre au tableau : plusieurs d’entre elles ont été convoquées jeudi et vendredi à des auditions au commissariat de police de Noailles, dans le centre-ville de Marseille. En cause, une plainte qui aurait été déposée par la direction du Radisson pour «dégradations». «Un moyen de pression pour nous faire signer plus vite», dénonce Ansmina Houmadi. Contacté, le directeur de l’hôtel, Lionel Van den Haute, ne dément pas mais ne confirme pas non plus ce dépôt de plainte. Il se contente de faire savoir qu’il «regrette la grève […] et l’impact qu’elle a eu sur les clients de l’hôtel» et se dit «ravi qu’une issue ait été trouvée». De son côté, Acqua n’a pas donné suite à nos sollicitations.

«La direction de l’entreprise craignait une “contagion” si le combat des femmes de chambre allait au bout. Mais pour nous, l’amélioration des conditions de travail et l’augmentation des salaires, ce n’est pas une maladie ni un virus, c’est une nécessité !» s’amuse Julien Ollivier. Si tout se passe bien, d’après lui, l’accord sera signé d’ici la fin de semaine par les différentes parties.