Les syndicats en première ligne à l’aube d’une semaine où le gouvernement remet le couvert sur les «économies». Alors que la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, réclame dans Libération un référendum sur le retour de la retraite à 62 ans, son homologue de la CFDT, Marylise Léon, a choisi ce dimanche 13 avril les Echos pour interpeller François Bayrou qui a prévu mardi d’alerter une fois de plus les Français lors d’une réunion à huis clos puis d’une conférence de presse sur les «pathologies» financières du pays.
«On ne peut avoir autant de bouleversements et de défis et garder le même discours qu’en 2017 : faire des efforts et des réformes sans toucher aux impôts», affirme avant lui la leader du premier syndicat français. Quelques heures plus tôt, le ministre de l’Economie et des Finances, Eric Lombard, et la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, avaient prévenu que les «efforts supplémentaires» pour constituer le budget 2026 tout en tenant les objectifs de déficit public seraient de «40 à 50 milliards d’euros». Les deux membres du gouvernement excluant, toujours, la possibilité de nouvelles hausses d’impôts.
«Comme sur les retraites, sur les finances publiques, nous prenons au mot François Bayrou sur le “ni totem ni tabou” : tout doit être évoqué, les recettes, et notamment une fiscalité plus juste où chacun contribue vraiment selon ses moyens, et les dépenses», leur répond Marylise Léon, qui s’inquiète par ailleurs de voir le gouvernement vouloir déjà remettre sur la table une nouvelle réforme de l’assurance chômage alors que la convention actuelle encadrant les droits des demandeurs d’emploi, signée fin 2024 par les partenaires sociaux, vient d’entrer en vigueur et doit s’appliquer jusqu’en 2028. «Si le gouvernement veut toucher encore à l’indemnisation des chômeurs, qu’il ne le fasse pas en catimini, qu’il ouvre le débat !» affirme-t-elle quelques jours après une réunion à l’Elysée en présence de six ministres visant à identifier des pistes pour réduire les déficits publics et au cours de laquelle l’option d’une révision des règles de l’Unédic a été évoquée, selon l’Opinion.
«Prête à regarder» un effort des retraités «les plus aisés»
«Ce n’est pas en faisant les poches des demandeurs d’emploi que l’on va résoudre les problèmes du pays, insiste Léon dans cette même interview aux Echos. L’exécutif continue de s’inscrire dans une logique punitive, on le voit encore avec le décret sur les sanctions concernant le RSA qu’il s’apprête à publier.» La successeure de Laurent Berger estime ainsi que les derniers durcissements des règles de l’assurance chômage ont «surtout renforcé la précarité». «Tout dépend de ce que l’on regarde, est-ce qu’on gère un tableau Excel ou est-ce qu’on s’intéresse à la vie des gens, ajoute-t-elle. Comme ceux qui sont en emploi, les chômeurs ont besoin de considération.»
Analyse
La secrétaire nationale de la CFDT réfute également l’idée selon laquelle le nouveau contexte économique et la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump méritent de ne plus revenir sur la retraite à 64 ans. «Je comprends que les nouvelles considérations géopolitiques et les conséquences des droits de douane exigent des réponses, admet celle dont le syndicat participe encore au “conclave” mis en place par le gouvernement avec les représentants du patronat. Mais il ne faut pas lâcher sur ce qu’attendent de nous les salariés et les agents publics sur les retraites.»
Léon souhaite toujours «faire bouger l’âge», avancer sur «la question des femmes qui paient le plus lourd tribut à la réforme» d’il y a deux ans, sur la reconnaissance des «métiers pénibles» et sur «l’équilibre budgétaire». Elle se dit «prêt[e] à regarder» aussi la question de la CSG pour les retraités ou leur abattement de 10 % sur leur impôt sur le revenu. Mais seulement «pour les pensions les plus élevées, en n’oubliant pas que 10 % des retraités sont pauvres». Elle prévient le Medef «que pour aller à un accord, il faudra que ce soit équilibré» et interpelle le Premier ministre, François Bayrou : «Si on n’aboutit pas sur les retraites, cela va congeler durablement le dialogue social interprofessionnel.»