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Prix du carburant: la «remise à la pompe» du gouvernement, un revirement jugé électoraliste et insuffisant

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Dans une interview samedi au «Parisien», le Premier ministre a annoncé une «remise à la pompe de 15 centimes par litre» de tous les carburants. Critiquée par de nombreux candidats à la présidentielle, cette mesure entrera en vigueur le 1er avril.
«Sur le premier semestre 2022 et si les prix se maintiennent à ce niveau, les recettes fiscales sur les carburants augmenteraient de moins de 2 milliards d’euros. Tout est rendu aux Français», assure le Premier ministre. (Denis Charlet /AFP)
publié le 13 mars 2022 à 18h55

La «remise à la pompe de 15 centimes par litre» dégainée par Castex samedi n’y aura rien changé. Le bruit continue de monter doucement mais sûrement sur les réseaux sociaux. Avec l’envolée des prix, accélérée par l’invasion russe en Ukraine, il serait temps, enjoignent certains, de revêtir le gilet jaune. Le coup de pouce, annoncé par le Premier ministre dans une interview au Parisien samedi, récolte pour beaucoup de citoyens comme de politiques la mention «insuffisant». «La moyenne de 2 euros /litre, pour le gazole et le sans-plomb, est dépassée sur le territoire national et cela risque de durer», relève Jean Castex. Cette mesure s’appliquera sur tous les carburants à partir du 1er avril pour une durée de quatre mois. Sur un plein de 60 litres, cela permettra d’économiser 9 euros. Un abattement qui ne sera visible qu’au moment du paiement.

Le gouvernement a donc opté pour une «remise» financée par l’Etat. «Les distributeurs l’appliqueront et l’Etat les remboursera», précise-t-il. Une façon «d’aider tout le monde y compris les professionnels qui sont exonérés de taxes». Et Castex d’égrèner la liste des bénéficiaires : «Les agriculteurs, les artisans, le BTP, les taxis, les routiers, tout le monde… les pêcheurs aussi…»

«Tout est rendu aux Français»

Le tout pour un coût de 2 milliards d’euros, en partie compensé par les rentrées fiscales supplémentaires consécutives à la flambée des prix du baril. «Sur le premier semestre 2022 et si les prix se maintiennent à ce niveau, les recettes fiscales sur les carburants augmenteraient de moins de 2 milliards d’euros. Tout est rendu aux Français», assure le Premier ministre, en insistant sur «les 20 milliards d’euros consacrés depuis octobre dernier à la protection du pouvoir d’achat des Français après la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité».

En choisissant la voie d’une aide globale s’appuyant sur une subvention publique, le gouvernement opère ici un revirement. Ces derniers jours, l’exécutif s’était au contraire efforcé de balayer l’idée d’un nouveau «quoi qu’il en coûte» – cela «consisterait à verser de l’essence sur un incendie» avait prévenu Bruno Le Maire sur BFMTV lundi –, préférant tabler sur une aide ciblée à destination des «Français les plus touchés par la crise». Au Salon de l’agriculture la semaine dernière, le ministre de l’Economie parlait encore d’un «soutien ciblé et massif aux secteurs qui en ont besoin». Rebelote lundi à Poissy où Emmanuel Macron a troqué sa casquette de candidat pour celle de président afin d’annoncer un travail autour de l’indemnité inflation (concernant les personnes touchant moins de 2000 euros par mois) et de l’indemnité kilométrique. Un barème relevé fin janvier de 10 %. De nouvelles mesures pourraient par ailleurs être annoncées dans le cadre du plan de résilience visant à atténuer les effets de ce conflit. Jean Castex a d’ailleurs esquissé dans cet entretien des «mesures permettant un abaissement des charges sociales et portuaires» des pêcheurs, dont les bateaux sont très consommateurs en carburant.

«Le gouvernement se moque de nous»

A moins d’un mois du premier tour de la présidentielle, cette annonce est taxée d’électoralisme par certains candidats à la présidentielle. «L’Etat rend l’argent de la hausse de l’essence, c’est ce que j’avais demandé, la seule question que je me pose, c’est pourquoi au 1er avril, pourquoi pas dès maintenant puisque c’est dès maintenant que les Français n’arrivent plus à se déplacer ?» a réagi sur Europe 1 la candidate LR Valérie Pécresse. Pour Marine Le Pen, «le gouvernement se moque de nous en baissant le prix de 15 centimes dix jours avant le scrutin». Sur Twitter, elle tonne : «Cela ne couvre même pas les hausses de taxes (19 centimes) sur le gazole imposées par Emmanuel Macron depuis 2015.» Reconnaissant «un premier pas» au micro de BFMTV, le communiste Fabien Roussel appelle à aller plus loin. «Je propose 30 centimes tout de suite et je demande même à ce qu’on puisse bloquer le tarif à 1,70 euro au moins dans un premier temps.» Cette idée d’un plafond revient aussi chez le candidat d’extrême droite Eric Zemmour, qui avance sur Twitter le seuil de 1,80 euro le temps de parvenir à un cessez-le-feu en Ukraine, «pour que vous ne soyez plus pris à la gorge et que vous puissiez respirer».

Même son de cloche chez Philippe Poutou pour qui «il faudrait a minima bloquer les prix». Invité sur BFMTV, le candidat du NPA regrettait une mesure «dérisoire» face à l’étendue de la souffrance sociale. «Total a déclaré, je crois, 15 milliards de bénéfices il n’y a pas longtemps, à quel moment on fait un impôt exceptionnel ? A quel moment on reprend l’argent chez les riches pour les redistribuer à la population ?» a-t-il martelé. Pour l’heure, le gouvernement reste au stade de la recommandation et appelle les producteurs à faire «un geste complémentaire». Anne Hidalgo en a, elle, profité pour rappeler sur Twitter sa demande formulée depuis octobre «de baisser la TVA à 5,5 % sur l’essence, ce qui ferait aujourd’hui passer le litre de 2 euros à 1,76 euro». Un prix que la socialiste veut plafonner afin «que les producteurs ne margent pas sur cette baisse de TVA et que cette mesure profite directement aux Français».