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Libération
Scandaleux recul ?

L’Assemblée nationale adopte la réforme du RSA

Nombre d’heures d’activités non plafonnées, «suspension-remobilisation»… Le projet de loi «pour le plein-emploi», qui allie droite et majorité présidentielle, a été adopté ce mardi 10 octobre au Palais-Bourbon, faisant craindre des abus notamment sur le revenu de solidarité active.
Avec l'inscription des quinze heures d'activités dans le projet pour les bénéficiaires du RSA, LR devrait voter la loi. (Xose Bouzas /Hans Lucas. AFP)
publié le 10 octobre 2023 à 7h20
(mis à jour le 10 octobre 2023 à 18h06)

Dans une certaine indifférence sociale, et malgré les alertes d’associations, de syndicats et de la Défenseuse des droits, l’Assemblée nationale a adopté ce mardi 10 octobre, à une nette majorité (310 voix pour, 251 contre) le projet de loi «pour le plein-emploi» du gouvernement, qui réforme Pôle Emploi (en le renommant «France Travail») et le fonctionnement du RSA. Sans surprise, le gouvernement a pu compter sur le renfort des voix de LR. La raison ? Le député LR Philippe Juvin la résume simplement : «Nous avons obtenu les quinze heures.»

Pas de liste exhaustive

Ces fameuses quinze heures d’activité hebdomadaires, potentiellement exigibles auprès de tout allocataire du RSA, que le gouvernement ne voulait pas inscrire dans le projet au départ, mais que le Sénat a imposées en juillet. Impossible d’espérer convaincre LR à l’Assemblée sans les conserver, alors un accord – un «arrangement», dit-on plutôt à gauche – a été trouvé : selon les situations, le nombre d’heures demandé pourra être inférieur (mais sans être nul)… ou supérieur, puisque aucun plafond n’a été fixé. Les seules exemptions prévues concernent les personnes invalides ou en galère de mode de garde si leur enfant a moins de 12 ans.

Sur le contenu des activités, en revanche, c’est le grand flou : le gouvernement a refusé d’en dresser une liste exhaustive, afin de laisser aux départements une large marge de manœuvre. Certains privilégieront peut-être les «démarches d’accès aux droits», pour citer un des nombreux exemples fournis par l’exécutif, mais d’autres pourraient être plus volontiers tentés de fournir de la main-d’œuvre gratuite aux entreprises.

«Suspension-remobilisation»

Le texte introduit également une nouvelle forme de sanction, la «suspension-remobilisation», qui pourra être décidée directement par Pôle Emploi si par exemple le bénéficiaire rate un rendez-vous ou ne se plie pas aux obligations de son «contrat d’engagement». Et après régularisation de sa situation, il ne pourra pas espérer récupérer plus de trois mois d’allocation, même si sa suspension a duré plus longtemps.

Ces mesures font craindre que le sort des allocataires diffère radicalement d’un département à l’autre. Dans un communiqué publié ce mardi matin, la CFDT estime que «ce projet de loi ne remplit pas la promesse d’un meilleur accompagnement vers un emploi durable et de qualité», et que «toutes ces nouvelles contraintes vont encore fragiliser les plus précaires et aggraver le non-recours». Dans un entretien à Libération, la Défenseuse des droits, Claire Hédon, estime que «ces quinze heures ouvrent la porte à l’arbitraire et donc forcément à des abus, et aussi à de la pression accrue sur les travailleurs sociaux». Et s’interroge : «Qu’est-ce que c’est que cette société qui va renforcer les inégalités au lieu de lutter contre ?»

Il est probable que le Conseil constitutionnel soit saisi à l’issue de l’adoption définitive du texte, qui doit encore passer par une commission mixte paritaire afin que l’Assemblée nationale et le Sénat se mettent d’accord. «Cela fait partie des pistes qu’on étudie très sérieusement», dit le député socialiste Arthur Delaporte.