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Projet de plan social d’ampleur à Auchan : 2 300 emplois menacés

La direction du groupe de grande distribution fondée par la famille Mulliez doit annoncer mardi 5 novembre un plan de sauvegarde de l’emploi pouvant concerner plus de 4 % des effectifs.
Dans un magasin Auchan, à Hyères, en juillet 2024. (Magali Cohen/Hans Lucas. AFP)
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 4 novembre 2024 à 14h31
(mis à jour le 4 novembre 2024 à 19h45)

Plan social massif en vue chez Auchan. Ce mardi, toutes les entités d’Auchan Retail, la branche commerce du groupe fondé par la famille Mulliez ont été convoquées pour un long CSE extraordinaire, dans la banlieue de Lille : les hypers, les supermarchés, les drives, la centrale d’achat, l’international et Auchan.fr, tout le monde est concerné. «Cela va être un drame demain», prédit Franck Martinaud, délégué FO d’Auchan Retail France. Le quotidien d’information stratégique La Lettre parle d’un «plan de sauvegarde de l’emploi» (PSE) qui pourrait concerner 2300 postes, sur les 54 000 salariés de l’enseigne en France. Contactée par Libération, la direction de l’entreprise se refuse à tout commentaire, confirmant simplement le nombre d’employés français.

Auchan accumule les mauvaises performances : en 2023, ses ventes ont reculé de 1,7 %, avec une perte nette de 379 millions d’euros. Au premier semestre 2024, rien ne s’est arrangé : la perte nette frôle le milliard, à 981 millions d’euros. Les syndicats s’attendent donc à une lame de fond dans les magasins. Auchan a déjà annoncé la réduction de la superficie de ses hypers de 25 % en moyenne. Les principaux visés sont les rayons hors alimentaire, comme le bricolage, l’électroménager ou la téléphonie. Ils étaient déjà en perte de vitesse depuis 2020, avec le premier PSE qu’a connu le groupe et ses 1475 postes supprimés, en particulier dans le service après-vente. De façon logique, explique Pierre Fostier, délégué FO pour les Hauts-de-France et la Normandie, «quand vous baissez votre surface de vente, ce qui veut dire moins d’articles, vous avez besoin de moins de personnel». La volonté est d’augmenter la rentabilité par m² de vente des hypers, en comptant sur les nouvelles boutiques qui s’installeront sur les surfaces libérées par Auchan dans la galerie commerciale, pour attirer le client, analyse-t-il.

Volatilité des dirigeants

Les craintes pèsent aussi sur la centrale d’achat, à Villeneuve-d’Ascq (Nord). Auchan Retail s’est rapproché d’Intermarché, avec, précise le rapport financier 2023, «une alliance de très long terme (dix ans) […] pour permettre à chaque groupe d’améliorer ses coûts et prix de vente. Ce projet a pour objectif de créer la première centrale d’achat française». Il faut s’attendre à des économies d’échelle et donc de masse salariale.

«La direction d’Auchan réagit avec brutalité, car elle a longtemps été dans le déni et a manqué le virage de la proximité, analyse Gilles Martin, délégué CFDT Auchan Retail France. Son modèle a été trop ancré durablement dans la gestion des grandes structures que sont les hypermarchés.» La volatilité des dirigeants n’a rien arrangé : «Nous avons dix-sept changements à la tête de l’entreprise depuis vingt-quatre ans», note-t-il. Dernière en date, Guillaume Darrasse, un ancien de Leclerc et de Système U, a été nommé en août directeur général d’Auchan Retail.

En 2020, le plan social s’est accompagné d’un plan de relance baptisé «Renaissance pour 2022», avec l’ouverture de drives piéton dans les centres-villes, du développement des caisses automatiques, et d’une nouvelle organisation du travail en magasins, plus polyvalente. Résultat, détaille Franck Martinaud (FO), les drives piétons sont un flop, et vont tous fermer les uns après les autres. Pour les caisses automatiques, note-t-il, «la démarque inconnue a explosé» : tous les produits que les clients oublient plus ou moins volontairement de scanner et avec lesquels ils repartent dans leurs sacs de course. Quant à la polyvalence demandée, elle a généré de la souffrance au travail, et surtout une désorganisation en rayon, pointe les responsables FO. «Avant, on s’occupait de son rayon, maintenant, le matin on remplit à un endroit, puis à tel autre l’après-midi», raconte Pierre Fostier. Avec, comme conséquence selon lui, des rayons mal achalandés ou des démarques mal enregistrées. «C’est un métier, de vendre, rappelle Franck Martinaud, et ils l’ont un peu oublié, les financiers qui jouent avec leurs tableurs Excel.»