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Décryptage

Reconfinement qui n’en est pas un : qu’est-ce qui change (ou pas) pour les salariés ?

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
La fermeture des écoles pour les trois prochaines semaines amènent les salariés et les patrons à se réorganiser, entre télétravail et chômage partiel entre autres. (Daniel Cole/AP)
publié le 1er avril 2021 à 11h58
(mis à jour le 1er avril 2021 à 18h44)

Télétravail supposément pour tous, garde d’enfant à la maison, chômage partiel et entreprises… Tour d’horizon de ce qui est prévu (ou pas) pour accompagner les salariés avec ce nouveau tour de vis sanitaire.

Le télétravail «systématisé» (en théorie)

«Quand dire, c’est faire.» Fidèle à cette théorie du linguiste John Langshaw Austin sur le langage performatif, Emmanuel Macron a dit jeudi soir, lors de son allocution télévisée, que le télétravail – qui «est sans doute la mesure la plus efficace» contre la propagation du coronavirus – «sera systématisé». Mais suffit-il vraiment de le dire pour que ce soit fait ?

On sait que malgré ses appels réguliers à généraliser le télétravail pour les salariés qui le peuvent, le gouvernement se heurte à la mauvaise volonté de nombreuses entreprises qui estiment n’avoir à répondre d’aucune contrainte légale. Il est avéré aussi que de plus en plus de salariés vivent mal cet isolement contraint et souhaitent retourner sur site régulièrement, ce qui demeure d’ailleurs permis un jour par semaine. Jeudi soir encore, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, déplorait que «trois millions de personnes qui pourraient facilement télétravailler ne le font pas», une formulation un peu maladroite en ce qu’elle semble faire porter aux salariés toute la responsabilité de cette situation.

Depuis le 22 mars et l’adoption de nouvelles mesures restrictives dans une vingtaine de départements, le gouvernement a tout de même tenté de faire bouger les choses. Il a mis à jour son protocole sanitaire à destination des entreprises, afin que celles situées dans les départements concernés «définissent un plan d’action pour les prochaines semaines, pour réduire au maximum le temps de présence sur site des salariés, tenant compte des activités télétravaillables au sein de l’entreprise». Maintenant que les mesures de restriction sont étendues à l’ensemble du territoire hexagonal, cette demande l’est aussi à l’ensemble des entreprises. Le protocole renvoie au «dialogue social de proximité» pour la mise en œuvre du plan d’action, «dont les modalités sont adaptées à la taille de l’entreprise». Parallèlement, l’inspection du travail est censée effectuer des contrôles plus fréquents pour vérifier que les entreprises ont bien engagé ce processus.

Le chômage partiel pour les parents ne pouvant pas télétravailler

Comme lors du premier confinement, la fermeture complète des écoles, collèges et lycées est accompagnée d’une mesure censée soulager les parents : ceux qui ne peuvent pas télétravailler pourront à nouveau demander à leur employeur à être placés en activité partielle afin de gérer la marmaille, a annoncé le chef de l’Etat jeudi soir. Les enfants en question devront avoir moins de 16 ans, mais le dispositif concerne aussi les parents d’enfants handicapés, quel que soit leur âge. Bien sûr, cela ne va pas sans quelques conditions, précisées sur le site du ministère du Travail : ainsi, seul un parent sur deux pourra bénéficier de cette souplesse, après avoir remis à son patron une «attestation sur l’honneur» en ce sens. Par ailleurs, le fait d’être placé en activité partielle entraînera une baisse de rémunération pour nombre d’entre eux, l’Etat indemnisant l’entreprise à hauteur de 70 % du salaire brut (84 % du net), le reste étant versé à la discrétion de l’employeur. Les salariés rémunérés au Smic, eux, ont l’assurance de conserver 100 % de leur salaire. La mesure, qui était déjà en vigueur pour les parents d’élèves dont la classe était fermée, vaut aussi pour les agents de la fonction publique, qui peuvent bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence (ASA) selon les mêmes conditions.

Une différence notable avec l’année dernière : cette fois-ci, le gouvernement ouvre la porte à ce que des parents dont le poste est télétravaillable puissent aussi demander leur placement en activité partielle. «Un salarié en télétravail peut demander à être placé en activité partielle si la garde de son ou ses enfants l’empêche de poursuivre son activité normalement», a tweeté ce jeudi la ministre du Travail, Elisabeth Borne, en réaction à un échange un peu tendu mercredi soir entre des journalistes de BFM TV et le député LREM Bruno Questel – lequel semblait ne pas bien comprendre le problème.

On se souvient en effet que durant le premier confinement, de nombreuses familles avaient été confrontées à une dure réalité : travailler chez soi tout en s’occupant de sa progéniture, ça peut être très compliqué. «Personne ne peut aujourd’hui prétendre qu’il est possible de télétravailler tout en gardant ses enfants», insistait encore la CGT ce jeudi. Reste un détail non négligeable: si c’est au salarié de demander à son employeur d’être placé en activité partielle, encore faut-il que l’employeur l’entende. Le ministère du Travail compte sur le fait que le chômage partiel ne lui coûtera rien pour aiguiser son ouïe.

Enfin, une incertitude a plané pendant la journée de jeudi sur cette mesure : celle-ci s’applique évidemment dans les périodes où les écoles étaient censées être ouvertes, mais quid des vacances scolaires ? La question a été tranchée en fin d’après-midi, à l’issue d’une consultation des organisations syndicales et patronales. «Les employeurs sont invités à faciliter la prise de congés de leurs salariés qui ont des enfants sur les nouvelles dates de vacances scolaires (du 10 au 26 avril 2021) lorsqu’ils avaient déjà prévu leurs congés à des dates ultérieures», a ainsi indiqué le ministère du Travail. Afin de réduire le recours au chômage partiel durant les prochaines semaines, le gouvernement mise donc sur le fait que les parents seront en vacances en même temps que leurs enfants. C’est dans cette même logique que «les déplacements entre régions seront autorisés pour amener ou aller chercher un enfant ou plusieurs enfants chez un proche», explique-t-il dans un communiqué. Au bout du compte, durant la période de vacances scolaires, un parent salarié «pourra être placé en activité partielle» s’il «ne peut pas décaler ses congés, qu’il ne dispose pas de mode de garde et qu’il est dans l’incapacité de télétravailler», résume le ministère.

Le dispositif de chômage partiel à nouveau prolongé

C’était attendu, mais signalons-le tout de même : les règles d’indemnisation en vigueur pour le chômage partiel ont été à nouveau prolongées et dureront jusqu’au 30 avril. Concrètement, les entreprises fermées administrativement et celles qui ont perdu au moins 60 % de leur chiffre d’affaires (par rapport au mois précédent ou au même mois en 2019) continuent d’être indemnisées à hauteur de 100 % pour leurs salariés placés en chômage partiel. Il en va de même pour les entreprises des secteurs les plus touchés par la crise comme le tourisme, la culture, le transport, le sport ou l’événementiel. Enfin, pour le reste des entreprises, le placement d’un salarié en chômage partiel entraîne un reste à charge de 15 % pour l’employeur. Sauf dans le cas, évoqué plus haut, où le salarié est placé en activité partielle pour garde d’enfants.

Conséquence : le ministère du travail anticipe la mise en activité partielle d’un million de salariés de plus par rapport à février, où ils étaient près de 2 millions. Ce qui représenterait 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires par rapport au 1,7 milliard engagé en février.