Les affaires reprennent du côté de l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Après une interruption de deux semaines, les éboueurs de la ville de Paris occupent de nouveau le site ce jeudi 13 avril. Ils sont arrivés dès l’aurore dans l’espoir d’échapper aux forces de l’ordre. A 7 h 30, l’immense portail blanc du centre d’incinération est grand ouvert mais il est impossible de pénétrer sur le site, la police en bloque l’accès. Parmi les centaines de personnes venue en soutien de cet «acte II», on distingue de nombreux étudiants, des syndicalistes d’autres secteurs, des élus LFI comme Thomas Portes et Mathilde Panot mais surtout la nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.
«Restez devant l’entrée avec votre téléphone», nous préviennent des grévistes. Après de longues minutes d’attente, les premières silhouettes d’agents de la ville apparaissent sur le toit d’un des bâtiments. Ils déroulent une immense banderole qui recouvre une grande partie de la façade : «100 % public : + de moyen pour un service de qualité pour tous». La foule acclame les grévistes, des pétards sont tirés. Un soupçon de frénésie s’empare du rassemblement. Les manifestants encore à l’extérieur avancent, fiers et droits, en direction des forces de l’ordre qui reculent sous la pression du nombre. La tension est palpable, une étincelle pourrait à tout moment allumer la mèche.
Conducteur de bennes depuis cinq ans, Mohamed, veste de motard et casque à la main, profite de ce mouvement de foule pour se diriger vers le garage. Malgré sa mine enjouée, le quadragénaire se mobilise «par la force des choses». «Ça ne fait plaisir à personne de bloquer l’incinérateur, on perd de l’argent, souffle-t-il. Mais si on recule demain on passera à 39 heures par semaine, puis cela sera autre chose…» Après quelques minutes de va-et-vient, nous voilà devant la longue échelle qui mène au toit. Une quinzaine d’agents y agitent le drapeau CGT, lancent des signes à la foule. En contrebas l’agitation semble être retombée.
«La prochaine fois, c’est sur la tour Eiffel»
«Le gouvernement est en train de durcir les choses. On est obligés d’être ingénieux pour être visibles», argue Christophe Farinet, secrétaire général adjoint de la CGT Traitement des déchets nettoiement eau égouts assainissement de Paris (FTDNEEA). Malgré la présence de la police, on montre qu’on est ici chez nous et que l’on reste autant que nous le voulons !» Les grévistes se réjouissent de la portée médiatique de leur action. «Le gouvernement aurait aimé qu’on ne parle pas de nous, mais regarde, il y a toutes les télévisions qui sont venues», pointe le quadragénaire à l’un de ses camarades. Avant de se retourner et de montrer l’image du parvis du Conseil constitutionnel jonché de déchets et de poubelles après une manifestation matinale coordonnée par Attac.
En surplomb, les éboueurs sont aux premières loges pour assister à l’arrivée de Sophie Binet, assaillie par les micros tendus dès ses premiers pas aux abords du site. Va-t-elle monter les rejoindre ? Les paris sont pris entre les grévistes, le «non» fini par l’emporter. Pourtant, la voilà, une demi-heure plus tard, au pied de l’échelle. En trois mouvements lestes, la cheffe cégétiste se retrouve sur le toit, chaudement accueillie par ses «camarades». «La prochaine fois, on se retrouve sur la Tour Eiffel, lui lance l’un d’eux, rieur. «Je connais bien, on était monté au premier étage lors de la mobilisation contre la loi Travail, je peux vous donner quelques conseils, lui répond-elle avec un large sourire.
Pour la numéro 1 de la CGT, il était «important de venir soutenir un mouvement qui reprend. Avec cette réforme il n’y aura plus de départs anticipés donc c’est extrêmement grave pour cette profession, on ne peut pas le permettre». Le chef de l’Etat a proposé de rencontrer les dirigeants syndicaux, mais seulement une fois que le Conseil constitutionnel se serait prononcé sur la réforme des retraites ? «Si c’est pour parler du retrait avec grand plaisir, sinon on a autre chose à faire», réplique indirectement Sophie Binet. Elle prévient : «Les médias parlent d’essoufflement mais les salariés continuent, ils relancent même des grèves. Ce n’est certainement pas le dernier jour de grève, on va se revoir encore beaucoup.»