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Réforme

Retraite à 65 ans: pour Laurent Berger, «pas question de discuter avec un pistolet sur la tempe»

Dans une interview ce dimanche dans le «JDD», le secrétaire général de la CFDT reste ferme sur l’âge de départ et rappelle qu’il existe un front syndical uni sur cette question.
Laurent Berger à l'ouverture du 50e congrès de la CFDT, à Lyon le 13 juin. (Jeff Pachoud/AFP)
publié le 2 octobre 2022 à 12h09
(mis à jour le 2 octobre 2022 à 13h21)

Pour Laurent Berger, il n’en est toujours pas question. Dans le JDD, le patron de la CFDT réaffirme ce dimanche tout le mal qu’il pense d’un recul de l’âge de départ à la retraite à 65 ans. «Pourquoi le gouvernement veut-il cette réforme ? s’interroge le syndicaliste réformiste. Pour réduire le déficit qui n’est pas hors de contrôle ou financer autre chose ? Pour améliorer le système et le rendre plus juste ? Il faut être clair avec les salariés. […] La CFDT a des propositions. Mais on est opposés au recul de l’âge de départ à 65 ans.» Et Berger de préciser : «Aujourd’hui, le facteur âge n’a plus grand sens : les salariés partent en moyenne à 63,1 ans. Reculer à 65 ans, c’est une mesure brutale.»

Quelques jours après que l’exécutif a accepté trois mois de plus de «concertation» sur ce dossier, gouvernement et organisations syndicales, même les plus ouvertes d’ordinaire à la discussion d’ordinaire, n’ont jamais semblé si éloignées. Même si Berger reste à la table des discussions pour parler emploi des seniors, pénibilité, retraite progressive, parcours des femmes, minimum contributif… Et répartition de la richesse produite : «Quand le gouvernement se met dans un corner en refusant de parler du partage de la richesse et de la taxation du capital, on finit par faire croire aux Français que la seule façon de financer les politiques publiques, c’est de travailler plus longtemps. Il y a d’autres leviers, en particulier la fiscalité», insiste le cédétiste.

Laurent Berger insiste particulièrement sur l’emploi des séniors, une question consubstantielle à un éventuel recul de l’âge de départ à la retraite. «Le taux d’emploi des seniors atteint 33 % en France contre 70 % en Suède, chiffre-t-il. On ne va pas pouvoir discuter de l’allongement de la durée de carrière si on ne résout pas le sort de tous ceux qui sont mis dehors avant la retraite !» Selon l’Insee, le taux d’emploi des 50-64 ans était en 2021 de 65,3 % contre 81,8 % pour les 25-49 ans. Un taux qui chute à 33 % pour les 60-64 selon le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR). Et pour le secrétaire général de la CFDT, «le patronat a une responsabilité» : «Il faut obliger les entreprises à garder et embaucher des seniors alors même qu’elles disent peiner à recruter. La contrainte ne peut pas reposer uniquement sur les travailleurs. Mais aussi sur les employeurs.»

Front commun

Et si la question du fond de la réforme est centrale, celle de la méthode est elle aussi critiquée : «Il ne s’agit pas pour la CFDT de boycotter les concertations avec le gouvernement. Mais il faudra que le dialogue soit ouvert et loyal.» Avant d’ajouter : «Pas question de discuter avec un pistolet sur la tempe, du genre : «C’est ça ou rien.» Le gouvernement a troublé le jeu en parlant de financement de la santé, de l’écologie, de l’éducation. Mais ça n’est pas aux actifs de payer les politiques publiques ! Il ne faut pas mélanger les comptes sociaux et ceux de la nation.» En résumé : si Emmanuel Macron a (pour l’instant) reculé sur un amendement retraites au PLFSS, c’est pour discuter réellement des aménagements possibles à la réforme mise sur la table durant la campagne présidentielle.

Le gouvernement pourra difficilement compter sur un effritement syndical concernant le recul de l’âge de départ à 65 ans, à la différence de la mobilisation contre la réforme de 2019, lors de laquelle la CFDT était un peu plus en retrait que la CGT, FO ou Solidaires. «Depuis l’été, on se voit régulièrement avec les autres organisations syndicales, assure Laurent Berger. Notre objectif est d’établir des propositions communes et d’envisager des actions ensemble.» Un front commun qui est exprimé par tous les syndicats.

«Casse du siècle»

Le secrétaire général de la CFE-CGC, François Hommeril, qualifiait de son côté jeudi dans Libération la concertation promise par le gouvernement d’«écran de fumée». Cette réforme «déjà écrite» est d’ailleurs à ses yeux «un projet qui va spolier les salariés et les retraités au moment où on parle de partage de la valeur». Il décrivait même samedi cette réforme comme le «casse du siècle» sur Twitter.

François Hommeril répondait là à une sortie de Franck Riester quelques heures plus tôt sur France Inter. Le ministre chargé des relations avec le Parlement justifiait le recul de l’âge de départ à 65 ans par les élections du printemps. «C’est l’engagement du président de la République dans sa campagne. Ça a été, d’une certaine façon, débattu et tranché aux élections présidentielles et législatives.» Comme si le barrage à l’extrême droite avait été en creux une validation pleine et entière du programme économique et social d’Emmanuel Macron. L’ensemble de l’arc syndical comme la majorité des Français ne semblent pas de cet avis.

Mis à jour à 13 h 10 : ajout des déclarations de Laurent Berger sur l’emploi des seniors.