Deux jours avant la fin programmée du «conclave» sur les retraites, le Premier ministre, François Bayrou, se montre confiant. Il affiche dans la presse de ce dimanche 15 juin un certain optimisme sur les chances d’accord entre partenaires sociaux, quand bien même les numéros un de la CFDT et du Medef continuent d’afficher leurs lignes rouges sur l’âge de départ et la pénibilité. «Je pense que la possibilité existe de trouver un accord dynamique, car ce qui est en gestation, c’est le retour de la démocratie sociale», positive le chef du gouvernement dans la Tribune Dimanche.
La semaine dernière, «alors qu’on partait de positions très éloignées, il me semble que les choses ont quelque peu avancé», commente-t-il également. Auprès du Parisien, qui le cite ce dimanche, il reconnaît toutefois qu’il «n’exclu [t] pas qu’ils aient besoin de quelques jours de plus» pour arriver à un accord. La fin de la concertation était initialement prévue le 28 mai, mais les acteurs sociaux qui y participent (CFDT, CFE-CGC et CFTC côté syndicats, Medef et CPME côté patronat) se sont donnés plus de temps.
Le chef de file du Modem, qui vient de fêter ses six mois à Matignon, entame une période politiquement délicate entre la fin du conclave et ses suites mais aussi la préparation des budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale, sur fond de finances publiques très dégradées. Le tout sous la menace de censure d’une Assemblée nationale sans majorité.
L’enjeu de la pénibilité
Toujours très impopulaire, la réforme des retraites qui repousse l’âge de départ à 64 ans avait été contestée dans la rue début 2023 par des cortèges réunissant parfois plus d’un million de manifestants et l’ensemble des syndicats de salariés, avant d’être adoptée sans vote par le Parlement grâce à l’article 49.3. de la Constitution.
Si avec les départs du conclave de certaines organisations comme FO, CGT ou patrons de l’U2P et compte tenu de la ferme opposition du Medef, la perspective de revenir sur les 64 ans paraît illusoire, les syndicats portent désormais l’idée que l’âge d’annulation de la décote, actuellement de 67 ans, soit abaissé à 66 ans. D’autres sujets ont été mis sur la table comme la pénibilité, les carrières des femmes et les carrières longues.
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A l’avant-veille de la dernière réunion du conclave, une réforme du volet pénibilité est au cœur de l’hypothétique compromis. «Il n’y aura pas d’accord avec la CFDT si le patronat n’avance pas plus sur la pénibilité, s’il n’avance pas sur le volet réparation», a mis en garde Marylise Léon, numéro un de la CFDT dans la Tribune Dimanche.
«Aujourd’hui, sa position est inacceptable. Il doit accepter des départs anticipés de salariés exposés à la pénibilité», juge la leader syndicale, avant d’expliquer que «la prise en compte de la réparation est indispensable, car les employeurs ne font pas suffisamment de prévention». Le syndicat veut obtenir la réintégration des critères de pénibilité physique les plus répandus (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques) dans le compte professionnel de prévention (C2P), qui permet entre autres d’accumuler pour partir à la retraite avant l’âge légal.
«Aucune mesure n’est actée»
Pour la première fois cette semaine, le Medef s’est dit ouvert à la réintégration de ces trois critères, mais à condition que le C2P soit entièrement centré sur la prévention, et ne permette plus de départ anticipé. Ce qui est «déjà un énorme pas», selon le président du Medef Patrick Martin, également interrogé par la Tribune dimanche, car «nous étions opposés à toute évolution de l’usure professionnelle». Pour les départs anticipés, le Medef propose de «modifier le dispositif de l’inaptitude /invalidité qui concerne aujourd’hui près d’une personne sur 7 qui liquide sa retraite, en abaissant l’âge de départ de 62 ans à 61 ans». La CPME, elle, a tenté une voie médiane en suggérant un rendez-vous médical à 59 ans qui permettrait de «basculer dans des aménagements de carrière et dans des dispositifs médicalisés pour les départs».
Pour favoriser un accord, selon la Tribune Dimanche, le Premier ministre François Bayrou «envisage la mise en place d’une prime seniors, en sus des surcotes existantes, pour inciter ces derniers à travailler au-delà de l’âge légal».
Interrogé par l’AFP, Matignon a répondu «qu’à ce stade, aucune mesure n’est actée» et que «les arbitrages seront rendus par le Premier ministre et présentés mi-juillet».