Laurent Berger et Philippe Martinez rient. Epaule contre épaule, ce 7 février à Paris, pour la troisième journée nationale de mobilisation contre le projet de réforme des retraites, ils tiennent la banderole blanche sur laquelle s’étale en lettres rouges ce mot d’ordre : «Travailler plus longtemps, c’est non !» Si les secrétaires généraux de la CFDT et la CGT badinent devant les objectifs, c’est parce qu’ils viennent de recevoir chacun un SMS d’un journaliste qui leur demande de se recoiffer pour la photo. Cette dernière est symbolique. Depuis treize ans, on n’avait pas vu les représentants des deux syndicats les plus puissants de France unis dans la rue contre un projet gouvernemental.
Il aura fallu une nouvelle réforme des retraites, et surtout un nouveau report de l’âge légal de départ, pour ressusciter l’unité syndicale. En 2010, c’est François Chérèque, pour la CFDT, et Bernard Thibault, pour la CGT, qui avaient combattu de front la réforme de Nicolas Sarkozy, portant le seuil de 60 à 62 ans. Quatorze journées de grève, des cortèges records, jusqu’à 1,23 million de manifestants, n’avaient pas suffi. L’histoire est-elle condamnée à se répéter face à un Emmanuel Macron déterminé à monter le curseur jusqu’à 64 ans ? «L’unité n’assure pas la victoire à tous les coups, mais on est à peu près sûrs de l’inverse, à savoir que la désunion est plutôt synonyme de défaite», constate Bernard Thibault, fort de son expérience.