«Viens, il faut que j’envoie de la thune, c’est pour un ami malade», presse un jeune homme en tirant le bras de son ami qui rechigne. Sans l’attendre, il pousse d’un air préoccupé les portes du Western Union situé boulevard de la Villette, à Paris. Coincée entre plusieurs petites échoppes, l’entrée étriquée aux couleurs criardes ne paye pas de mine. Une dizaine de personnes se pressent déjà à l’intérieur en ce début de matinée. Seuls deux des cinq comptoirs sont ouverts, alors chacun prend son mal en patience, billets et bordereaux à la main. Les visages souriants des affiches vantant les bénéfices du leader mondial du marché des transferts d’argent contrastent avec ceux, fermés, qui se succèdent aux guichets. Sur le mur d’en face, un panneau indique les taux de change du jour en lettres lumineuses.
Pour de nombreuses diasporas présentes en France, c’est un rendez-vous régulier. Au comptoir, les gens défilent, les noms des pays aussi : Mali, Sénégal, Maroc… l’argent des Bellevillois fait le tour du monde. Adossé à l’un des comptoirs vides, Guo remplit de manière hésitante la feuille de son mandat cash. «Je ne dépense pas grand-chose pour moi, tant pis d’être bien habillé, de bien manger, de partir en vacances. […] Quand je gagne 100 euros, je n’en garde que 20», commente-t-il. Le reste, Guo l’envoie en Chine, à sa famille, surtout pour ses parents «vieux et malades». Guo ne compte pas ses heures au salon de manucure dans lequel il travaille du matin au so