Se voir refuser un paiement par carte bancaire faute de fonds est déjà pénible, mais s’il faut aussi s’inquiéter pour la carte Vitale… Le budget de la Sécurité sociale est sur une pente plus que glissante, alerte la Cour des comptes ce lundi 26 mai. «Nous avons perdu le contrôle de nos finances publiques en 2023 et 2024», a indiqué Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes. «La dette fragilise le modèle social, il faut arrêter de prendre ces sujets comme si c’étaient des questions annexes», a-t-il dit en présentation du rapport annuel sur l‘application de la loi de financement de la Sécurité sociale.
La Cour des comptes rappelle que le déficit de la Sécurité sociale s’est creusé à 15,3 milliards d’euros en 2024, soit 4,8 milliards d’euros de plus que la prévision initiale. A ce rythme, le trou va passer à 22,1 milliards d’euros, en 2025. «La prévision de déficit 2027 est supérieure d’un tiers à ce qu’elle était en 2024», écrit la Cour. Les rapporteurs estiment donc qu’à cet horizon, dans deux ans, une «crise de liquidité», pourrait «se matérialiser». Comprendre : un défaut de paiement. Gloups.
Plusieurs mécanismes financiers sont en cause. Jusqu’en 2024, la nouvelle dette créée par le déficit de la Sécurité sociale pouvait être prise en charge par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui a la possibilité d’emprunter à moyen et long terme, dans des conditions plus favorables qu’à court terme. Mais, depuis 2024, la Cades est arrivée au maximum de la dette qu’elle peut prendre en charge, et les déséquilibres actuels entre recettes et dépenses doivent être comblés par l‘Acoss, l‘agence de trésorerie de la Sécu – qui ne peut qu’emprunter à court terme.
77 milliards d’euros d’allègements patronaux
La Cades peut être «rechargée» et prolongée – elle l‘a été à plusieurs reprises depuis sa création en 1996 –, ce qui repousserait le risque évoqué par la Cour des comptes. Mais pour cela, une loi organique est nécessaire, ce qui paraît «compliqué dans les conditions de température et pression», a rappelé en présentant le rapport Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes.
L‘essentiel (90 %) du déficit 2024 vient de la branche maladie, rappelle la Cour, qui note des «dérives continues» des dépenses par rapport aux objectifs fixés dans le budget de la Sécurité sociale. Les discussions autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sont l‘objet de débats houleux, chaque année, à l‘Assemblée nationale. En l‘absence de majorité claire, il n’est pas certain que les Parlementaires réussissent à développer un point de vue cohérent sur le sujet.
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La Cour des comptes rappelle quelques faits comme autant de grains à moudre pour les partis politiques : «Le montant des allègements généraux de cotisations patronales, qui ont pour objet de réduire le coût du travail, a presque quadruplé entre 2014 et 2024, pour atteindre 77 milliards d’euros.» Par ailleurs, revenir sur la possibilité de cumuler sa retraite à taux plein avec une activité professionnelle, notamment chez les cadres, «permettrait à la sécurité sociale d’économiser 500 millions d’euros par an». la Cour incite également à «traiter les causes structurelles» amenant les hôpitaux à avoir recours à beaucoup d’intérim. «Le coût de l‘intérim paramédical a été multiplié par plus de trois dans les hôpitaux publics entre 2019 et 2023, pour atteindre 472 millions d’euros.» Autant de pistes pour redresser une «trajectoire des comptes sociaux hors de contrôle».