D’un regard fatigué, Christophe Beaugrand balaie l’immense vide laissé par Whirlpool, sur son site de la route d’Abbeville à Amiens. «Quand je suis arrivé ici, c’était comme une ville. On avait deux parkings et il ne fallait pas arriver à moins dix pour se trouver une place. Et voilà où on en est aujourd’hui : un désert et des millions d’euros d’argent public envolés.» On pourrait jouer dix-sept matchs de football en simultané, les uns à côté des autres, sur ce vaste espace industriel, dont une partie appartient toujours à la marque d’électroménager. Devant le poste de garde vide, les portiques métalliques rouillent en silence. Christophe Beaugrand a 18 ans la première fois qu’il passe par le tourniquet pour rentrer chez Whirlpool comme intérimaire. Vingt-cinq ans plus tard, il vit et subit son troisième plan social en trois ans sur le même site, après les échecs successifs de deux repreneurs. Il était l’un des derniers Whirlpool à travailler encore entre ces murs.
Son parcours débute ici en 1996. L’usine a ouvert, deux ans plus tôt, une nouvelle ligne de montage pour renforcer son implantation à Amiens en produisant des sèche-linges, en plus de ses machines à laver, pour équiper les foyers d’Europe de l’Ouest. «Le premier jour, j’étais impressionné par les cadences et le monde à l’intérieur : on est montés jusqu’à 1 400 salariés !» Deux ans d’intérim passent, puis Christophe Beaugrand signe son premier contrat pour une durée indéterminée. Comme beaucoup, il pen