Piketty a parlé d’un «véritable permis de frauder» pour les plus grosses entreprises, Stiglitz, lui, décrit un «système ouvert aux abus». Interrogé en marge du forum The European House par l’Agence France-Presse (AFP), le lauréat du prix de la Banque de Suède, considéré comme le prix Nobel d’économie, a exprimé ses déceptions à la suite de l’accord adopté par les pays du G20.
En juillet, les ministres des Finances des 20 pays les plus puissants économiquement ont adopté, à Venise, une taxation mondiale des multinationales à hauteur de 15 %. «Une initiative fantastique», a concédé l’économiste, qui a toutefois plaidé en faveur d’un taux plus élevé. «Je pense que cela devrait être 25 %, mais la politique est l’art du compromis, j’espère qu’ils feront au moins 20 %», a-t-il déclaré, en précisant que le pourcentage finalement choisi était «trop bas» pour mettre fin à la course du «moins-disant».
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En effet, moins de 10 000 grandes entreprises – celles dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros – seraient concernées par cet impôt mondial. Petite précision apportée par l’OCDE toutefois : le taux minimal de 15 % devrait, tout de même, permettre de dégager 150 milliards de dollars de recettes supplémentaires par an.
Une solidarité mondiale «sapée»
En plus de renflouer les caisses des pays, l’accord, négocié sous l’égide de l’OCDE, a aussi pour objectif de mettre fin aux paradis fiscaux. En plus de cet impôt mondial sur les profits des multinationales, les droits à taxer ces entreprises devraient également être répartis plus équitablement, notamment concernant les géants numériques (illustres figures de l’optimisation fiscale). «Le système d’imposition des multinationales a plus de cent ans et n’est plus adapté à l’économie mondialisée du XXIe siècle, c’est un système qui est ouvert aux abus. Le taux d’imposition effectif est nettement plus bas que le taux officiel», a fait savoir Joseph Stiglitz.
L’économiste dénonce par ailleurs le Luxembourg et l’Irlande – les deux pays de la zone euro les plus régulièrement épinglés par la commission pour favoriser l’optimisation fiscale des géants du numérique – qu’il accuse d’avoir contribué à un «nivellement pas le bas» et d’avoir, par là-même «sapé la solidarité mondiale et le système économique mondial». L’ancien chef économiste de la Banque mondiale indique donc que l’engagement du G20 est «un engagement très important».
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Point positif dans l’analyse de Stiglitz : l’accord aurait, estime-t-il, «contribué à résoudre la terrible guerre fiscale déclenchée par l’administration Trump», qui avait notamment surtaxé les vins français en représailles à un impôt instauré par Paris sur les géants du numérique. Un conflit qui «aurait été un désastre» s’il s’était poursuivi, rappelle l’illustre économiste.