Mille. C’est le nombre de tiers-lieux supplémentaires qui ont vu le jour en France entre 2021 et 2023, passant de 2 500 à 3 500. Un chiffre qui réjouit Patrick Levy-Waitz, président de l’association France Tiers-Lieu, qui publie lundi 4 septembre une étude passant en revue ces espaces partagés qui, loin de la «start-up nation», privilégient l’esprit associatif et le lien social pour favoriser l’innovation et la création d’emplois. Patrick Levy-Waitz définit ces lieux comme «des endroits qui mutualisent des compétences, des savoir-faire, des savoir-être, tournés vers une économie très en proximité». Ressourceries, bars, cuisines, espaces de coworking, fablabs, ateliers de création, lieux de formation, il y en a pour tous les goûts. «Ce sont des lieux qui innovent par des coopérations territoriales, en s’appuyant sur l’hyper-proximité, et qui apportent des réponses aux besoins de la France d’aujourd’hui», renchérit-il.
Où en sont ces espaces, disséminés un peu partout sur le territoire, qui ont commencé leur expansion en 2018 ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre l’association. Son étude révèle leur progression, tant au plan numérique, qu’économique. En 2023, ces espaces ont permis de générer 24 155 emplois directs et de former 400 000 personnes. Quant à leur chiffre d’affaires, il s’élève à 861 millions d’euros. «C’est une explosion très spectaculaire du nombre de tiers-lieux», s’emballe Patrick Levy-Waitz. Il indique : «Les chiffres de cette année disent deux choses : le Covid-19 n’a pas mis à plat les tiers-lieux, et les aides mises en place en 2018 et 2021 ont été justes à l’époque.»
Aides publiques en deçà des engagements
D’abord proposées par Edouard Philippe en 2018, puis par Jean Castex en 2021 via le plan «France Relance», les aides destinées aux tiers-lieux avaient représenté plus de 130 millions d’euros en cumulé. Le mantra de Matignon était alors le suivant : «L’idée de ce plan de soutien aux tiers-lieux, c’est de créer des synergies, de l’énergie, de la création d’activité pour générer à la fin de l’emploi.» Aujourd’hui, la Première ministre Elisabeth Borne ne semble pas très concernée par le sujet. Et Patrick Levy-Waitz a du mal à cacher sa déception : «Les aides sont aujourd’hui très en deçà de ce qu’elles devraient être.» En 2021 déjà, Libération se demandait «si l’Etat [ferait des tiers-lieux] une vraie priorité de long terme, après la présidentielle de 2022.» Visiblement, non.
«Je lance un appel à Elisabeth Borne, la Première ministre, à Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et à Dominique Faure, la ministre des Collectivités territoriales. Il faut massivement renforcer et donner un nouvel élan puissant à ce mouvement des tiers-lieux», assène le président d’association. Et ce pour plusieurs raisons, selon le président de l’association : «Ils permettent une économie résiliente, beaucoup plus écologique, territoriale et locale. Ils répondent également en partie aux enjeux de sobriété.»
«Le même chiffre d’affaires qu’une start-up»
Il souhaite développer et assurer la pérennité des tiers-lieux existants, renforcer leur présence dans les quartiers prioritaires de la ville, ainsi qu’appuyer la création de nouveaux espaces via des politiques publiques conséquentes. «Ce n’est pas de l’aumône, c’est tout simplement faire naître une nouvelle économie qui apporte des réponses très concrètes en lien direct avec les objectifs écologiques que se fixe le gouvernement», insiste Patrick Levy-Waitz. Avant de marteler que «le chiffre d’affaires réalisé en moyenne par un tiers-lieu est de 250 000 euros, le même que celui d’une start-up. Alors je pose la question : pourquoi l’Etat ne fonce pas pour permettre le développement d’une économie territoriale ?»
Ce que démontre également l’étude de France Tiers-Lieux, c’est que 62 % d’entre eux ont trouvé racine en dehors des métropoles, dont un tiers dans des zones rurales. «Ça apporte une mutualisation des outils de production dans des endroits où il n’y a pas forcément les moyens, une dynamique locale. On redonne vie au territoire, tout simplement», décrit Patrick Levy-Waitz. Ils apparaissent comme un moyen de renforcer les liens, et une nouvelle mixité sociale. C’est le cas du tiers-lieu la Mine d’Arcueil, où se rencontrent jeunes et retraités, salariés d’entreprises et personnes en quête d’insertion professionnelle. Pour Patrick Levy-Waitz, les tiers-lieux représentent un modèle qui doit également être suivi pour répondre à la crise écologique. «Je pense qu’à la fin de ce quinquennat, on sera autour de 7 000 à 8 000 tiers-lieux. C’est donc un réseau qui va s’imposer territorialement», affirme-t-il. Reste à voir si son appel sera entendu par un gouvernement qui a surtout réaffirmé ses priorités pro-business lors de la rentrée du Medef.