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Libération
Vie du rail

A Strasbourg, le nouveau RER rame à mort

Lancé le 11 décembre, le Réseau express métropolitain européen n’est pas à la hauteur de ses promesses pour les usagers. Seule la moitié des trains prévus circulent faute de conducteurs, de contrôleurs… et de voies.
Une rame du Réseau express métropolitain européen à la gare de Strasbourg en mars 2020. (Kevin B/Wikimedia Commons)
par Guillaume Krempp, correspondance à Strasbourg
publié le 12 janvier 2023 à 3h43

«Ils ont fait une super com autour du RER de Strasbourg. Finalement c’est un super flop.» Elisabeth Willer travaille en horaires décalés dans un laboratoire strasbourgeois. Au lancement du Réseau express métropolitain européen (Reme) le dimanche 11 décembre, la laborantine espérait bien pouvoir se passer de sa voiture pour effectuer les 25 kilomètres qui séparent son domicile de Strasbourg. Mais très vite, la SNCF et la région Grand-Est ont dû revoir leurs ambitions à la baisse, tout comme Elisabeth. Huit jours après l’inauguration du Reme, un plan de transport «adapté» a été mis en place : le nombre de trains supplémentaires est passé de 800 à 400 par semaine. Jusqu’au 3 février, plusieurs lignes du Reme perdront en moyenne 50 trains par jour par rapport aux annonces initiales. «Je n’avais qu’un train à 5 h 30, souffle Elisabeth, donc j’aurais dû attendre une heure en ville avant de commencer le travail. Résultat : je continue de prendre ma voiture tous les matins.»

Président de la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut) du Grand-Est, François Giordani se fait aujourd’hui le relais du «ras-le-bol» sur le terrain. Car au-delà des promesses non tenues, le lancement du Reme a occasionné de nombreux retards, des suppressions de dernière minute et des annulations de trains cruciaux pour certains usagers : «Par manque de matériel roulant ou de personnel, la SNCF a supprimé des trains en heure de pointe, comme le train de 7 h 30 à Limersheim. C’est aberrant…»

Désorganisation

Du côté des cheminots, on fustige l’empressement du Grand-Est à augmenter les cadences sans en avoir les moyens. Un agent de la gare de Strasbourg s’énerve : «Déjà six mois avant le lancement du Reme, on savait que cette augmentation des cadences ne tiendrait pas, parce que personne n’a pensé à ajouter des voies de circulation. C’est pourtant logique : si on fait circuler 800 trains supplémentaires, il faut des voies en plus…» Délégué du personnel CGT cheminots, Louise Fève décrit «une situation catastrophique» où plusieurs dizaines de conducteurs et de contrôleurs manquent toujours à l’appel. Agente de contrôle sur les lignes TER, elle rapporte le sentiment de ses collègues en activité depuis plusieurs années : «Ils n’ont jamais connu un tel nombre de suppressions de train et une telle désorganisation…»

Confrontée au mécontentement croissant des usagers, la directrice des TER Grand-Est, Stéphanie Dommange, a tenté de répondre aux abonnés. Dans une interview accordée à France Bleu Alsace, elle n’a donné aucune date précise pour le plein déploiement du Reme. Pour calmer les esprits, la cadre n’a alors trouvé aucune autre solution que de renvoyer la balle vers la région : «Je laisse au conseil régional la primeur des annonces pour des gestes commerciaux. Il y aura sans doute un geste vis-à-vis des abonnés.»