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Crash test

Aéroports : il faudra de nouveau sortir les liquides des bagages dès le 1er septembre

Depuis quelques mois, des scanners dernier cri avaient permis d’alléger les contrôles au niveau des points de sécurité de certains aéroports européens. Problème : la Commission européenne rapporte au «Monde» qu’ils ne détecteraient pas toujours très bien les explosifs.

A compter du 1er septembre, les liquides seront à nouveau limités à 100 ml et devront être sortis des bagages même si les aéroports sont équipés de scanners dernière génération. (Kinga Krzeminska/Getty Images)
Publié le 03/08/2024 à 12h14

L’instant est chaotique. Après de très longues minutes d’attente, aux portillons de sécurité des aéroports, on se retrouve à maladroitement retirer sa ceinture. Tout en recherchant en équilibre son parfum, glissé bien évidemment au fond du sac. Et extirper, à même le sol, notre PC de la valise. Depuis quelques mois, dans des aéroports tels que celui de Francfort en Allemagne ou de Schiphol à Amsterdam, ces acrobaties maladroites avaient disparu. Un «ouf» de soulagement de courte durée puisque la Commission européenne a publié mercredi 31 juillet un règlement d’exécution mettant fin à ce progrès. En cause : des inquiétudes concernant l’efficacité des nouveaux scanners de détection des explosifs (EDS Cabin) déployés.

Grâce à ces engins dernier cri, les voyageurs n’avaient en effet plus besoin de retirer leur matériel électronique de leur valise. La limitation à 100 ml des liquides avait aussi sauté, un bonheur ! Achetés entre 500 000 et 800 000 euros, ces scanners nouvelle génération étaient, sur le papier, capables grâce à des rayons X et à une technique d’imagerie baptisée «tomographie» de produire une vue détaillée de l’intérieur des bagages. Problème : auprès du Monde, la Commission européenne rapporte que certains aéroports d’Etats membres auraient constaté «dans certains cas très rares» qu’au-dessus d’une certaine quantité de liquide «ils détectent mal les explosifs». Résultat : si tablettes et ordinateurs pourront rester au fond du sac, les bouteilles de plus de 100 ml seront de nouveau refusées à bord. Et les plus petits liquides devront de nouveau être sortis des bagages.

Dans sa décision parue au journal officiel, la Commission indique que «la limitation introduite» pourra «être supprimée dès que la Commission aura reçu les rapports d’essais» concluants. En outre, elle appelle les «fabricants des équipements concernés» à «réexaminer les configurations actuellement utilisées et les soumettre aux essais requis par les laboratoires». Le rétropédalage, effectif à partir du 1er septembre, est donc temporaire. Mais aucune date butoir n’est évoquée. D’après le Monde, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a déjà demandé aux aéroports français que les anciennes règles de sécurité soient déjà mises en œuvre, ce qui est d’ailleurs le cas à Roissy.

Pression américaine ?

Des perturbations en vue entre l’UE et les acteurs du secteur ? Dans un communiqué paru le mercredi 31 juillet, l’organisation représentant les aéroports européens, Airports Council International (ACI) Europe, ne cache pas son agacement. La nouvelle mesure «va entraîner une pression opérationnelle» et «nécessitera le déploiement de personnel supplémentaire et la reconfiguration des points de contrôle de sécurité, lorsque cela est possible».

De surcroît, elle souligne l’investissement important réalisé en vain par certains établissements dans ces machines, coûtant «en moyenne huit fois plus cher que les machines de contrôle à rayons X classiques». Sans parler des coûts de maintenance, quatre fois plus élevés. Olivier Jankovec, directeur d’ACI Europe, estime même que ce changement de procédure «remet en question la confiance que l’industrie peut accorder au système actuel de certification de l’UE pour les équipements de sécurité aérienne» et appelle à «en tirer les leçons». Malgré tout, il promet que les «aéroports se conformeront pleinement à la nouvelle restriction».

La Commission européenne a-t-elle fait marche arrière sous pression américaine ? C’est en tout cas ce qu’affirme une source proche du gestionnaire d’aéroport Groupe ADP au Monde. D’après elle, Washington refuserait la «libéralisation du contrôle des liquides» et aurait «commandé des tests» pour mettre en doute l’efficacité des appareils. Le pays redouterait notamment des «problèmes de sécurité et même de cybersécurité», confirme auprès du même média, un cadre de la DGAC. En cause, d’après lui, la nationalité de l’un des producteurs de ces scanners : le groupe Nuctech, établi en Chine.