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Airbags défectueux : ces propriétaires de Citroën qui reprennent le volant la peur au ventre

Excédés par la campagne massive de rappel de véhicules mi-mai et par le manque de voitures de remplacement promises par la marque de Stellantis, plusieurs automobilistes assurent rouler malgré tout avec des véhicules dont les airbags n’ont pas été changés.
Des conducteurs de Citroën qui n'ont pas obtenu de voitures de remplacement roulent avec anxiété dans leur voiture équipée d'Airbags défectueux. (Mathieu Thomasset/Hans Lucas.AFP)
publié le 18 juin 2024 à 20h26
(mis à jour le 20 juin 2024 à 18h17)

Conduire, mais pas l’esprit tranquille. Depuis la mi-mai, des milliers d’automobilistes du sud de la France grondent contre la marque Citroën, propriété du groupe Stellantis, car ils sont contraints de laisser leur voiture au garage. Il y a un mois, la marque a rappelé 250 000 véhicules, dont 182 000 C3 et 65 000 DS3, produites entre 2009 et 2019, en raison de leurs airbags défectueux de la marque japonaise Takata, qui auraient coûté la vie à au moins cinq conducteurs en France depuis 2019, notamment en Guyane et en Guadeloupe.

En opération sauvetage, le patron de l’entreprise, Thierry Koskas, a assuré le jeudi 13 juin que «1 000 véhicules de courtoisie chaque jour» étaient prêtés par les concessionnaires le temps de réparer les airbags. Il a également promis que 35 000 voitures seraient disponibles d’ici la fin du mois de juin. Nombre d’automobilistes contactés par Libération dénoncent le manque de voitures de remplacement. Et expriment le sentiment d’être «menés en bateau». Tant et si bien que certains ont décidé de reprendre le volant, en dépit du danger.

«J’ai repris ma voiture il y a deux jours»

C’est le cas de Magali, assistante qualité d’un hôpital dans l’Aveyron. «Après avoir reçu le courrier recommandé mi-mai, j’ai passé un premier coup de fil au garage qui m’a vendu ma C3, puis j’ai appelé un concessionnaire plus gros à Rodez : ils n’avaient pas de stock de voiture de remplacement», raconte-t-elle. Alors Magali patiente, puis, de guerre lasse, fini par louer une voiture pendant quelques semaines. Un jour pourtant, elle reçoit un message inattendu de son assurance qui l’informe que sa voiture reste assurée en cas d’accident malgré le rappel de la marque. «Alors il y a deux jours, j’ai repris ma voiture», confie-t-elle soucieuse. Sur le groupe Facebook «Campagne de rappel - Airbags Takata», qui compte presque 5 000 membres, d’autres racontent avoir reçu début juin un mail de leur assurance qui certifie que les voitures sont toujours couvertes.

Comme d’autres, Magali s’inquiète pour sa sécurité. Elle le sait, si «le risque d’explosion de l’airbag est très faible», comme l’affirme le patron de Citroën, il augmente en cas d’exposition longue à la chaleur : le gaz se détériore, et si un accident se produit, les airbags peuvent, en explosant violemment, projeter des débris potentiellement mortels. Raison pour laquelle le sud de la France a été ciblé en priorité par la campagne de rappel. Pas de quoi rassurer Marie Daussan, 40 ans, travailleuse sociale à Avignon (Vaucluse), et «malheureuse propriétaire d’une C3 de 2011». Cette mère de famille, installée à son compte n’a «jamais arrêté d’utiliser» son véhicule, même après la réception du courrier de Stellantis à la mi-mai. «Je n’ai pas le choix, explique-t-elle. Financièrement en tant qu’indépendante, je ne peux pas m’arrêter de travailler. Et puis je suis mandatée par les juges des affaires familiales pour intervenir dans des familles où les enfants sont dans des situations préoccupantes.»

Marie a donc adapté sa conduite, guidée par l’anxiété. «Je rallonge mes trajets. C’est peut-être irrationnel, mais je ne prends plus l’autoroute, parce que je me dis que j’ai moins de risque d’avoir un accident en prenant la nationale ou la départementale ; mon aîné à l’âge d’être sur le siège avant, mais il monte à l’arrière. Mon appréhension augmente encore plus maintenant que les températures sont en train d’augmenter avec l’été…»

Pénurie potentielle de pièces d’airbags

Une panique partagée par Michele Pinlou, 61 ans, habitante de Bergerac (Dordogne). Elle aussi a dû se résoudre à prendre la route avec sa C3, notamment pour s’occuper de sa mère âgée, qui vit à une trentaine de kilomètres de chez elle. «J’ai tendance à rouler vite, même trop vite. Maintenant, je fais très attention à ma vitesse et aux distances de sécurité. Quand je roule sur des petites routes étroites, j’ai peur en croisant des fourgons qui conduisent comme des branques.» Elle aussi anticipe l’été : «En août, je vais chez ma fille en Aveyron, et j’angoisse de faire beaucoup de kilomètres. Je vais peut-être faire du covoiturage, car je n’aurais pas forcément de voiture de remplacement à ce moment-là, ce qui me met très en colère.»

L’arrivée de l’été et d’une potentielle canicule fait peur, même aux automobilistes situés un peu plus au nord de la France. Préparatrice en pharmacie dans l’Ain, Isabelle, 61 ans, n’a pas reçu de lettre pour sa DS3 – elle habite au-dessus de la zone de rappel ciblée par Stellantis – mais elle sait que son véhicule est équipé d’airbags défectueux. Elle n’a pas pu trouver de véhicule de remplacement et «appréhende à chaque sortie, encore plus après avoir vu un reportage sur les victimes» des airbags Takata. Même lorsqu’elle profite de son temps libre pour emmener son petit-fils au centre aéré, elle fait «beaucoup plus attention» et le met toujours à l’arrière, même s’il a 11 ans. «En août, je pars dans l’Hérault, je ne sais pas comment ça va se passer…»

Une possible pénurie de pièces d’airbags, évoquée par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, pourrait même retarder les remplacements jusqu’au mois d’octobre. Le mercredi 20 juin, Thierry Koskas a annoncé devant la presse lors de la présentation d’un nouveau modèle que Citroën avait changé les airbags de 19 000 C3 et DS3 en France dans le cadre de son rappel massif, soit 7,7% des véhicules concernés dans le pays. Il a affirmé que la marque espérait «avoir fait la plus grande partie à la fin du mois de septembre », même s’il a reconnu que l’approvisionnement en airbags neufs représentait le principal frein à la résolution du problème. La Citroën C3 reste à ce jour le modèle le plus vendu de la marque, devant la mythique 2CV.

Mise à jour le jeudi 20 juin : avec les derniers chiffres de Citroën.