Ils s’organisent. Sur le groupe Facebook «Campagne de rappel Citroën C3 et DS3 (Airbags Takata)», qui compte 2 300 membres, des internautes témoignent par dizaines de leur colère contre Citroën. Dans les quinze premiers jours de mai, ces automobilistes de C3 et de DS3 ont reçu une lettre recommandée de la part de l’entreprise, propriété du groupe Stellantis. Dans cet «avertissement d’arrêt de conduite», le constructeur français, vieux de 105 ans, les informe qu’en raison d’un «risque de rupture» de leurs airbags (fabriqués par la société japonaise Takata) «susceptible de provoquer des blessures graves, voire mortelles», il leur est demandé «de cesser immédiatement de conduire» leur Citroën. Depuis, à lire les témoignages qui s’accumulent, ils n’ont plus de nouvelles de la marque, ou presque.
Est-ce normal de recevoir ce type de courrier et de n’avoir aucune solution de la part de Citroën? Risque de mort @CitroenFrance pic.twitter.com/w0w1jRhtKj
— Anne-Laure Marietti (@almarietti) May 6, 2024
Ces voitures font partie des 182 000 Citroën C3 et des 65 000 Citroën DS3 produites entre 2009 et 2019 et rappelées en France après la mort de plusieurs conducteurs, notamment en Guyane et en Guadeloupe. Confrontés à des chaleurs extrêmes, leurs airbags peuvent exploser en cas d’accident et expulser des pièces métalliques. Après avoir reçu la missive inquiétante de Citroën, un internaute parle de «réminiscence du sang contaminé des années 80», avant d’affirmer que «Citroën vend la mort». Un autre tente de calmer le jeu, affirmant que «votre airbag a 99,99 % de chances de fonctionner correctement», et ajoutant qu’«il n’y a pas lieu de psychoter, malgré l’effet alarmiste du courrier. Citroën est à la ramasse et c’est honteux, mais votre Citroën va bien», précisant néanmoins qu’il n’est «pas constructeur» et que «ceci n’est que de [son] avis».
«Ma mère est enfermée chez elle comme pendant le Covid»
Anne-Marie, 76 ans et habitante d’Istres (Bouches-du-Rhône), a reçu le courrier le 16 mai. Cette retraitée, qui éprouve quelques difficultés à se mouvoir, avait l’habitude de prendre sa voiture pour se déplacer. Mais désormais, «elle ne peut plus l’utiliser pour faire ses courses, aller chez le médecin ou dans son club de yoga», se désole son fils Christophe. «Aujourd’hui, elle est enfermée chez elle, elle ne fait plus rien, un peu comme pendant le Covid. Moi j’habite à l’étranger, ma sœur à Grenoble, il n’y a presque personne autour d’elle, elle a vraiment besoin de son autonomie, et aujourd’hui, on ne sait pas quoi faire.»
Or, cela fait quinze jours qu’Anne-Marie n’a «aucune info, que ce soit du constructeur, de son concessionnaire ou de son assurance, elle est dans le flou le plus total», indique son fils. Sur le courrier, Citroën précisait que les automobilistes devaient se rendre sur son site dédié au rappel ou scanner un QR code et «fournir des informations importantes» pour traiter leur dossier «le plus rapidement possible, et ce à titre gratuit». Même aidée par ses voisins, la retraitée ne parvient pas à se connecter. Elle est donc contrainte de se rendre, sans voiture, chez son concessionnaire pour s’inscrire à la campagne de rappel et se porter candidate pour un véhicule de remplacement. «On lui a dit qu’elle pourrait attendre encore trois semaines ou un mois avant de potentiellement recevoir une voiture de courtoisie. Elle était tellement stressée qu’elle est allée chez un deuxième concessionnaire pour vérifier qu’elle était bien inscrite», souffle Christophe.
Son assurance lui confirme ensuite qu’elle ne peut plus rouler, et qu’elle ne sera pas assurée en cas d’accident. «On lui a aussi donné un numéro vert… sauf qu’on appelle pendant des heures et rien ne se passe, c’est une grosse perte de temps.» Et si l’entreprise promet de prêter une voiture, deux concessionnaires contactés par Libération affirment que les stocks disponibles sont trop faibles pour répondre à la demande. Le groupe a néanmoins annoncé ce jeudi 30 mai avoir commencé à distribuer des véhicules de remplacement. 25 000 voitures devraient ainsi être disponibles pour les clients tout au long du mois de juin.
Actions en justice
Le manque de communication et de transparence regretté par Christophe et sa mère se retrouve dans la plupart des témoignages. L’affaire pourrait d’ailleurs se retrouver prochainement devant les tribunaux. Selon une information de la Provence, le cabinet de l’avocat Christophe Lèguevaques – qui mène déjà en parallèle une action collective contre Stellantis et son moteur 1.2 PureTech – plancherait sur une action collective dans le cadre de la campagne de rappel de Citroën. L’avocat envisage d’attaquer le groupe pour «trouble de jouissance» des véhicules, éventuellement pour «fraude», voire «escroquerie en bande organisée» ou même «mise en danger de la vie d’autrui», s’il s’avérait que Stellantis a «dissimulé volontairement des caractéristiques essentielles du produit».