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Règlementation

Contrôle technique des deux-roues : véhicules concernés, prix, oppositions… Ce qu’il faut savoir

Le gouvernement Attaldossier
A partir du 15 avril, le contrôle technique de 3,6 millions de véhicules de «catégorie L» circulant en France – scooters, motos, quads, entre autres – va devenir progressivement obligatoire, en dépit de vives oppositions d’associations de motards et de certains élus.
Plus de 2,5 millions de conducteurs de deux-roues sont concernés part cette nouvelle règlementation. (Amaury Cornu/Hans Lucas. AFP)
publié le 13 avril 2024 à 11h31

Après des années de controverse et d’atermoiements, le contrôle technique pour les deux-roues va finalement entrer en vigueur le15 avril. Les 2,5 millions de conducteurs concernés devront bien s’astreindre à la nouvelle réglementation. Au risque de se voir adresser une amende de 135 euros ou une immobilisation du véhicule en cas de contrôle de police. Libé fait le point.

Quels véhicules sont concernés et à quel prix ?

La mesure doit concerner trois millions de véhicules circulant en France, classés dans la «catégorie L» : motos, scooters, mais également tricycles électriques, quads, voiture sans permis, speed bikes et side-car. Spécificité française en Europe : les scooters de moins de 50 cm³ et les motos 125 cm³ devront également satisfaire le contrôle technique. Sont cependant exemptés les motos de piste, de motocross, et les deux-roues non homologués pour la route. Idem pour les véhicules «de collection», fabriqués avant 1960.

Priorité aux véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2017, qui devront s’y coller tout de suite, et afficher la vignette témoignant d’un passage positif. Puis en 2025, ce sera le tour des deux et trois roues immatriculées entre 2017 et 2019. Ensuite, en 2026, place à ceux immatriculés entre 2020 et 2022. Enfin, les véhicules immatriculés après 2022, ce sera à partir de 2027. Le contrôle technique devra se faire tous les trois ans, et tous les cinq ans pour les deux-roues de collection d’après 1960, contre tous les deux ans pour les voitures.

Côté prix, le gouvernement évoque aujourd’hui un contrôle à 50 euros pour une durée de 30 à 45 minutes. Mais sans réglementation des tarifs, les centres de contrôle pourraient fixer leurs propres prix. Le véritable coût serait donc entre 50 et 75 euros, ce qui est équivalent au prix pour les contrôles techniques des voitures.

Qui s’y oppose…

La mise en place de la mesure se fera trente-deux ans après celle du contrôle technique des voitures, instauré en 1992. Depuis toujours, les associations de motards, et leurs deux puissantes fédérations des motocyclistes (FFM) et des «motards en colère» (FFMC), s’y opposent, à travers manifestations et actions coup de poing. Des manifestations sont d’ailleurs encore prévues samedi et dimanche dans plusieurs villes de France, dont Nantes, Marseille ou Lyon. Quatre rassemblements sont attendus en région parisienne, ainsi que de nombreuses opérations escargots sur les routes de région.

Chez les parlementaires aussi, l’opposition au contrôle technique des deux-roues s’organise. Ainsi, 27 députés de la majorité, dont le président de la commission des lois lui-même motard Sacha Houlié, ont également demandé un «moratoire» sur ce contrôle technique, dans une lettre au Conseil d’Etat datée du 23 février. Parmi les cosignataires figurent aussi les anciens ministres Nadia Hai et Stéphane Travert.

…et pourquoi ?

Les arguments des anti-contrôles n’ont pas beaucoup évolué en trois décennies. La mise en place du contrôle technique serait inutile face aux problématiques de sécurité routière, et ne conduirait qu’à un surcoût pour les motards. Ils craignent aussi d’être forcés de faire réparer leurs machines, et potentiellement de devoir s’en séparer. Des obligations qui s’appliquent déjà aux automobilistes.

Dans leur lettre, les députés opposés au contrôle technique regrettent pour leur part que «ces nouvelles normes vont, encore une fois, se traduire par une hausse du budget des ménages». Sacha Houlié a par ailleurs affirmé au média spécialisé Contexte qu’«à titre personnel», il ne s’y «soumettrait pas».

Une forme de désobéissance civile, reprise en chœur par la FFMC. Sur son site, la fédération explique que la décision du Conseil d’Etat «renforce [leur] conviction à ne pas aller faire le contrôle technique car personne ne [leur] remboursera les dépenses inutilement engagées si les décrets et arrêté venaient à être abrogés ou modifiés.»

Pourquoi n’est-il toujours pas en place ?

Les fédérations de motards ont pendant des années jouées le rôle de lobby anti-contrôles. Elles avaient fait reculer le gouvernement Fillon qui le proposait dès 2010, et ont massivement marqué leur opposition en 2015 à la mesure du gouvernement Valls de rendre nécessaire le contrôle en cas de revente. L’Assemblée nationale et le Sénat avaient par ailleurs rejeté en 2012 une proposition de la Commission européenne d’intensifier les contrôles. En Europe, la France fait figure d’exception, alors qu’une directive européenne de 2014 rendait obligatoire le contrôle technique sur les deux-roues en… 2022.

En août 2021, la date limite approchant, un décret signé de Jean Castex, alors Premier ministre, avait tenté de faire appliquer la directive dans le respect des traités européens. Mais Emmanuel Macron ne l’avait pas entendu de cette oreille, et craignant un mouvement de contestation en pleine période de pandémie, avait suspendu et reporté la mesure dès le lendemain. Un rétropédalage acclamé par la FFMC et ses motards, vilipendé par les écologistes. Et finalement retoqué par le Conseil d’Etat en mai 2022, à la suite d’une réclamation des associations Respire, Ras le Scoot et Paris sans voiture.

Mais encore une fois, le 26 juillet 2022, le gouvernement reculait et abrogeait le contrôle technique obligatoire, après une intervention des lobbys des motards auprès du ministre des Transports de l’époque, Clément Beaune. Nouveau recours des associations devant le Conseil d’Etat… Et nouveau revers pour le gouvernement en octobre 2022, dont la décision «de revenir sur l’application du contrôle technique» est jugée «illégale» par l’institution. Début juin 2023, coup de pression : le Conseil d’Etat donnait deux mois à l’exécutif pour agir. Et finalement, après avoir longtemps traîné des pieds, le gouvernement finissait fin juin par déterminer un calendrier, visant le début d’année 2024.

Enfin, le11 avril, le Conseil d’Etat a débouté le recours en urgence de la FFMC qui demandait une suspension du décret d’application. L’institution a jugé que le caractère urgent n’était pas justifié. La FFMC avait également déposé un autre recours pour «enjoindre le gouvernement à retravailler sur les mesures alternatives» au contrôle technique, qui doit encore faire l’objet d’une réponse de l’institution. Mais même s’il est jugé valable, le recours des motards au Conseil d’Etat ne se rapporte qu’à de potentielles alternatives à la marge.